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10e ANNIVERSAIRE DES ATTENTATS DU 11-SEPTEMBRE : Les douloureux souvenirs d’une journaliste burkinabè

Publié le vendredi 9 septembre 2011 à 03h29min

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Le mardi 11 septembre 2001, les Etats-Unis étaient victimes sur leur sol d’attentats terroristes commis à l’aide d’avions de ligne détournés et dirigés notamment sur le World Trade Center à New York et le Pentagone à Washington. Le dimanche 11 septembre prochain, cela fera exactement 10 ans que ces attentats, revendiqués par Oussama Ben Laden et son mouvement terroriste Al-Qaida, ont été perpétrés. Au nombre des personnes qui ont vécu les événements en live parce que se trouvant aux Etats-Unis, il y a notre consœur Ana Lucie Tapsoba /Kéré. Le 11 septembre 2001, elle se trouvait à Washington, prête à partir pour une randonnée d’un mois à travers les Etats-Unis dans le cadre du programme Voyageurs internationaux.

Elle avait été retenue en sa qualité de journaliste du quotidien Le Journal du soir s’intéressant aux questions de santé. Mais de randonnée, il n’y en aura pas véritablement car son programme sera perturbé par les attentats du 11-Septembre dont elle a entendu le vacarme des deux avions qui se sont abattus sur le Pentagone situé non loin de l’aéroport où elle était prête à embarquer pour l’intérieur des Etats-Unis. Notre consoeur a aussi vécu la panique générale consécutive à ces attentats. Dix ans après, nous l’avons rencontrée à la Direction de la communication et des relations publiques de l’Assemblée nationale où elle travaille maintenant. Ana Lucie Tapsoba/Kéré revient sur ce qu’elle a vécu ce jour-là au pays de l’Oncle Sam où elle ne s’y est plus rendue depuis lors.

« Le Pays » : Dans quel cadre étiez-vous aux Etats-Unis le mardi 11 septembre 2001 ?

Ana Lucie Tapsoba/Kéré : J’ai été retenue par le Centre culturel américain de Ouagadougou pour le programme Voyageurs internationaux pour visiter les Etats-Unis. Quand j’étais au Journal du soir, je m’intéressais beaucoup aux questions de santé et le programme en question concerne l’économie, la santé et l’environnement. Et comme je participais de temps en temps aux activités du Centre culturel américain, on savait là-bas que je m’intéressais aux questions de santé. C’est à ce titre que j’ai été approchée pour participer au programme Voyageurs internationaux. Je n’ai pas trouvé d’inconvénients et j’ai accepté. Normalement, je devrais être aux Etats-Unis le 8 septembre. Mais à cette date, il y avait des problèmes de vols d’avions et j’ai atterri finalement aux Etats-Unis, plus précisément à Washington, le 10 septembre. Le lendemain 11 septembre, on devait continuer à l’intérieur du pays.

Dites-nous ce que vous avez vu le 11 septembre 2001 …

[Petit moment de soupir] Ce que j’ai vu est indescriptible. Le 11 septembre, les autres participants du programme et moi avons quitté très tôt l’hôtel, pour nous rendre à l’aéroport où nous devions embarquer pour Chicago. Notre départ devait avoir lieu aux alentours de 8h-9h locales. Quand on s’apprêtait à embarquer, on nous a dit de patienter parce qu’il y avait des retards de vol qui ont joué un peu sur les programmes. On a attendu au moins une heure et on avait commencé à s’impatienter. Soudain, on a entendu un bruit assourdissant non loin de l’aéroport. On se demandait ce qui avait bien pu provoquer un tel bruit. Les commentaires allaient bon train et beaucoup de personnes se sont dit que c’était peut-être un crash d’avion compte tenu du fait que cela s’est produit non loin de l’aéroport.

On en était à ces conjectures lorsqu’il y a eu un second bruit aussi assourdissant que le premier. Et les passagers ont commencé à se poser de sérieuses questions. Comme dans ce pays, les informations vont vite, on a commencé par entendre dire que le bruit de tout à l’heure était celui d’un avion qui venait de s’écraser sur un immeuble. Et dans les 5 minutes qui ont suivi, on parlait d’attaque terroriste et non plus de crash. C’était la panique générale à l’aéroport où je me trouvais parce qu’on n’a jamais vécu une chose pareille. Les agents de sécurité ont accouru pour calmer les passagers et leur dire d’attendre. Nous sommes restés quelque temps et les mêmes agents sont venus nous dire de déguerpir.

Et c’était la bousculade pour retrouver les portes de sortie de l’aéroport. Une fois hors de l’aéroport, notre groupe a vu une bouche de métro et a décidé de prendre le métro et s’éloigner le plus possible de l’aéroport. Mais on s’est ravisé au moment de prendre les tickets car il y avait des usagers du métro qui cherchaient aussi à sortir pour comprendre ce qui se passait dehors. On s’est donc dit que ne connaissant pas l’origine de l’attaque, il serait prudent de rester en surface au lieu de s’engouffrer. En ce moment, on a vu des cars qui se positionnaient pour évacuer les gens de la zone de l’aéroport. On est monté à bord d’un des cars qui a pris une direction quelconque. Chose bizarre, on rencontrait des gens en pleurs, des voitures qui nous croisaient à vive allure. Nous nous sommes dit que le danger se trouvait peut-être là où nous allions.

Et sans se poser de questions, le chauffeur de notre car a fait demi-tour pour prendre une autre direction. Par la suite, on s’est retrouvé à un hôtel et on a décidé d’y descendre et chercher à comprendre ce qui se passait. C’est en voyant les images à la télévision que l’on a compris que c’était une attaque qui n’a pas seulement eu lieu à Washington mais aussi à New York. On a également su que les bruits assourdissants que l’on a entendus lorsqu’on était à l’aéroport étaient ceux d’avions qui se sont écrasés sur le Pentagone. Et on s’imaginait si on avait pris notre avion plus tôt ce qui aurait bien pu nous arriver. On s’est posé beaucoup de questions qui nous faisaient davantage peur.

Avez-vous pu effectuer après, votre voyage à Chicago ou bien le programme a été purement et simplement annulé à cause des événements ?

Le lendemain, on s’est retrouvé sans bagages - ils avaient été embarqués dans l’avion qui n’a pas pu décoller et on ne les avait pas encore récupérés - dans un centre culturel avec ceux chargés de s’occuper de notre séjour pour échanger sur la suite du programme. A la rencontre, on nous a demandé si on voulait rentrer chez nous ou bien rester le temps que l’on réorganise notre séjour qui a été vraiment bouleversé. Parmi nous, il y avait deux Zimbabwéens qui ont dit qu’ils préféraient retourner chez eux parce qu’ils ne pensaient pas un seul instant qu’ils pouvaient se retrouver dans une situation de grande insécurité dans un pays comme les Etats-Unis censés être l’endroit le plus sûr du monde. Le reste du groupe a préféré rester en estimant qu’il n’était pas du tout prudent de rentrer dans ces conditions.

C’est ainsi que nous sommes allés visiter le Parlement à Washington, des centres de prise en charge de PVVIH (NDLR : personnes vivant avec le VIH). Après Washington, on est allé seulement à Atlanta et pas dans les autres villes au programme notamment Denver et Seattle, car avec les événements, beaucoup de guides qui nous servaient d’interprètes ont démissionné. Il ne restait que deux qui ne pouvaient pas encadrer tout le groupe qui devait être réparti en trois suivant les centres d’intérêt des uns et des autres à savoir la santé, l’environnement et l’économie.

Avez-vous eu connaissance de victimes burkinabè dans les attentats du 11-Septembre ?

Non. La situation était confuse. Tout était fermé. Je n’ai même pas pu par exemple me rendre à l’ambassade du Burkina à Washington. Peut-être que si j’avais pu m’y rendre, j’aurais eu de plus amples informations par rapport à la situation.

Dix ans après, quelles sont les images des attentats qui restent gravées à jamais dans votre mémoire ?

Ce que je ne peux pas oublier, ce sont les pleurs des gens que j’ai rencontrés. Il y a eu des dégâts matériels considérables mais cela n’est rien par rapport aux vies humaines perdues à jamais. On se demande ce qui a bien pu pousser les auteurs des attentats à commettre de tels actes qui ont tué beaucoup d’innocents. Des gens sont morts sans savoir ce qu’ils ont commis comme faute. Je ne peux pas oublier la date du mardi 11 septembre 2001 qui a été d’ailleurs qualifiée de mardi noir. J’ai été aussi marquée par la fuite éperdue des gens qui couraient dans tous les sens sans savoir ce qui se passe. Toute ma vie, je ne pourrai jamais oublier cela.

Oussama Ben Laden, considéré par les Américains comme le commanditaire de ces attentats, a été tué cette année en début mai. Quelle a été votre réaction en apprenant cette nouvelle ?

Est-ce que le fait d’avoir tué Ben Laden peut ramener à la vie tous ceux qui sont morts dans les attentats ? Peut-être qu’en éliminant Ben Laden, cela dissuaderait d’autres qui seraient tentés de faire la même chose que lui. Sinon, c’est fini pour tous ceux qui ont été tués ; c’est une perte pour l’Amérique et le monde entier.

Propos recueillis par Séni DABO

Le Pays

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