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MINISTERE CHARGE DES ELECTIONS AU SENEGAL : Encore une trouvaille de Wade !

Publié le mercredi 27 juillet 2011 à 05h27min

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Le président Wade du Sénégal a encore surpris l’opinion et les acteurs politiques, en nommant un ministre chargé des élections. Il s’agit de Cheikh Guèye, précédemment directeur général des élections. En même temps, il décharge un tant soit peu de ses fonctions le ministre de l’Intérieur, Ousmane Ngom, décrié par la société civile. Du dilatoire qui permettra de réorienter les joutes oratoires en cette veille de Ramadan qui exige un minimum de trêve entre belligérants ayant en partage la foi musulmane. En créant le nouveau département, Me Wade fait d’une pierre deux coups : il s’enlève une épine du pied et redonne sa saveur républicaine à l’organisation des élections.

En effet, devenue très critique par les temps qui courent, l’opposition réclamait à cor et à cri, la tête du ministre de l’Intérieur. Le chef de l’Etat sénégalais, lui, a préféré plutôt créer un département qui va se charger de gérer les consultations électorales. Me Wade, qui a toujours plus d’un tour dans son sac, n’a donc tout simplement pas voulu donner l’impression qu’il cédait aux pressions de ses adversaires politiques. Par ailleurs, si le Parti démocratique sénégalais (PDS) et ses partisans ne jubilent point, ils sont loin d’être amers : on semble avoir navigué du pareil au même. D’autant que l’appareil d’Etat est toujours entre leurs mains, et c’est peu dire !

Les manœuvres de Me Wade paraissent donc bien suspectes. On aurait pu lui faire confiance en d’autre temps et dans d’autres contextes. Mais de nos jours, et surtout après les multiples tours de passe-passe auxquelles sa gestion de la barque démocratique sénégalaise a habitué l’opinion africaine, peu de crédit sera accordé à cette nouvelle trouvaille. La raison est qu’en Afrique, l’administration publique a presque toujours été la « chose » des gouvernants, un instrument de chantage entre les mains des membres du parti politique au pouvoir. En effet, en dépit de leur sempiternelle profession de foi, les acteurs politiques africains ont toujours fait preuve d’une évidente mauvaise foi. Très peu d’entre eux se préoccupent vraiment de respecter leurs engagements. Si l’on accorde peu de considération au sacro-saint principe républicain de la séparation des pouvoirs, comment s’étonner qu’on foule aux pieds les principes élémentaires de gestion du bien public ?

Combien de fonctionnaires, du plus simple agent au plus grand des responsables, s’efforcent quotidiennement d’appliquer avec rigueur les nobles consignes d’une fonction publique en plein désarroi ? Force est de reconnaître que du chemin reste à parcourir pour que s’incruste dans les mentalités, ce souci d’observer un minimum de neutralité dans la gestion du patrimoine commun. Une pratique qui a pourtant fait, par le passé, la grandeur de l’administration publique aux premières heures de l’indépendance dans la plupart des Etats africains. Aujourd’hui, tout le monde se plaint, mais très peu font réellement des efforts pour changer afin d’aider à faire bouger les choses. A commencer par les dirigeants qui s’illustrent négativement dans la gestion des ressources nationales.

Au Sénégal, Me Wade qui a maille à partir avec l’opposition et la société civile, ne règle rien avec la création d’un département chargé des élections. Il ne fait que reporter à demain la recherche de solutions aux problèmes qui entravent la marche de la démocratie. Car, les obstacles ne manquent pas. Dans la gestion du Sénégal, en dépit de tout ce qu’on pourrait reprocher à feu le président Léopold Sédar Senghor et après lui le président Abdou Diouf, jamais le Sénégal ne se sera autant illustré négativement que sous le président Wade. Des entorses à la démocratie aux manquements les plus graves en matière de droits humains, sans oublier les multiples entraves à la liberté de presse, le régime de Me Wade a dépassé les bornes.

On a de la peine à croire que cet intellectuel brillant, qui a fait la fierté du continent à un moment de son histoire, se trouve à la tête du Sénégal. Certes, ce pays a lui aussi connu sa période de gloire ; mais il était en droit d’attendre de lui davantage de noblesse, d’ouverture d’esprit et de magnanimité. Me Wade, il faut en convenir, déçoit l’Afrique et c’est un euphémisme que de le dire ainsi. Sous sa gouverne, le Sénégal n’est plus vraiment un Etat de droit républicain, mais une propriété privée entre les mains du clan présidentiel. Celui-ci, pour calmer la fureur des Sénégalais, sort de temps en temps de son chapeau des mesures puant un populisme de mauvais aloi. Une pratique qui montre que Me Wade cherche véritablement à caporaliser les Sénégalais, non à construire et enrichir la démocratie. L’opposition, elle, peut néanmoins se féliciter de parvenir de temps à autre à le faire reculer.

Aujourd’hui, elle a réussi, semble-t-il, à arracher un secteur aussi stratégique que sensible à un homme qu’elle est loin de porter dans son cœur. Le nouveau chargé du département devant gérer les élections est, il est vrai, un homme du sérail. Il faut cependant concéder à Wade le droit et le privilège d’organiser son pouvoir comme il l’entend. Après tout, ce sont les urnes qui l’ont choisi. Et le fait que son propre fils ait été battu aux élections municipales révèle que malgré tout, les institutions républicaines fonctionnent, et que le peuple sénégalais garde encore toute sa maturité. Il faut donc se garder de tout pessimisme et cultiver l’espoir que demain, la démocratie vraie triomphera.

"Le Pays"

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