Moussa Michel Tapsoba, président de la CENI : « Je suis un peu désolé que le débat politique actuel se résume à la CENI »
Monsieur le Président, ces derniers temps la CENI est au cœur des débats politiques à tous les niveaux. Quels sont vos sentiments ?
Moussa Michel Tapsoba, président de la CENIEn tant que Burkinabé, je suis un peu désolé que le débat politique actuel se résume à la CENI. Vous-vous rappelez que le chef de l’Etat dans son message à la nation en fin d’année, avait annoncé des réformes auxquelles il invitait tout le monde à la réflexion et cela dépasse largement le cadre de la CENI. Je ne pense pas que l’on puisse faire des réformes à la CENI en dehors des réformes générales qu’il faut entreprendre pour le Burkina Faso. Je suis désolé que le programme politique de certains acteurs politiques aujourd’hui se résume à la CENI.
En 2012, il y aura des élections couplées. Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?
Les élections couplées, c’est de tenir deux scrutins en même temps. Ici, il s’agit de tenir l’élection des conseillers municipaux avec celle des députés. C’est une opération qui se fait dans beaucoup de pays, mais très souvent ce que nous avons vu, c’est le premier tour de la présidentielle avec les législatives. Mais rien n’empêche non plus d’innover.
L’opposition demande votre démission de la CENI. Votre réaction à cette demande ?
Le chef de file de l’opposition ou l’opposition dans son ensemble n’est pas fondé pour demander le départ du président de la CENI, surtout qu’on n’avance pas d’arguments autres que des sentiments personnels que certains ont vis-à-vis du président de la CENI et vous comprendrez dans ce cas que les institutions dans une République ne fonctionnent pas comme ça !
Mais l’opposition avance que l’élection s’est mal passée avec des cartes d’électeur qui n’étaient pas fiables…
D’abord, c’est qu’est-ce que une élection mal passée, ? Vous avez dû suivre les informations dans d’autres pays où les élections se sont mal passées. Quand elles se passent mal, le jour du scrutin déjà ça se sent et le lendemain des bagarres sont constatées çà et là et la vie politique et sociale est troublée. Il n’a pas été ainsi des présidentielles de 2010. Je ne vois donc pas en quoi l’élection présidentielle s’est mal passée. On parle du problème de cartes, que nous n’avons pas ignoré, mais il faut reconnaître qu’aucun électeur n’a été refoulé pour raison de carte d’électeur.
Avec ces cartes, les acteurs politiques sont allés en campagne, ont invité leurs électeurs à aller voter, voté eux-mêmes le jour du scrutin… Je ne comprends donc pas que ce soit après le scrutin que l’on pose le problème. Dans tous les cas, on a suivi la voie républicaine, chacun s’est pourvu devant les tribunaux et le droit a été dit. A ce que je sache, on n’a pas invalidé l’élection, donc du point de vue du droit, les élections se sont bien passées également.
Au regard de l’urgence des élections couplées de 2012, certains acteurs de la société civile demandent qu’on écourte votre mandant, afin que la nouvelle équipe se mette à la tâche. Votre avis sur la question ?
Là également je suis désolé encore parce qu’on ne fait pas l’analyse jusqu’au bout. Nous, on n’est pas contre une telle proposition, encore faut-il que l’on fasse le raisonnement pour démontrer en quoi, c’est nécessaire. Ça ne peut pas être fondé seulement sur le fait que le chef de file de l’opposition ne veut pas voir le président de la CENI. Il faut d’autres arguments bâtis sur une analyse. Si l’analyse est bien menée, avec des arguments qui font avancer, nous ne sommes pas opposés à une telle situation.
Accepteriez-vous aujourd’hui de démissionner comme le demandent certains acteurs ?
Non ! Je préfère vous le dire tout de suite.
Monsieur le président, quelles sont les faiblesses de la CENI dans la conduite des élections au Burkina Faso ?
Au niveau de la CENI, il faut reconnaître que beaucoup de gens même les législateurs n’ont pas toujours compris que le travail à la CENI est celui de réflexion, de conception et de planification. Ce qui demande un niveau assez élevé, or la loi ne fait pas cas de ce qu’il faut avoir comme niveau et comme qualité autre que moral pour être à la CENI. Nous avons constaté que des gens ont été désignés à la CENI, comme une sinécure, comme pour être récompensé. C’est une faiblesse de la CENI. Ensuite, si vous descendez plus bas, pendant les élections on met en place des démembrements, malheureusement, les gens que l’on désigne ne sont pas toujours d’un bon niveau, on rencontre même des analphabètes pour faire un travail aussi important…
Je voudrais savoir si la CENI est déjà au travail pour les élections de 2012 ou fait-il attendre que le feu vert vienne du gouvernement avant de commencer ?
Il y a au moins nécessité d’une concertation pour que nous nous mettions au travail pour les élections de 2012 ; or pour le moment, nous n’avions pas été encore conviés à une quelconque concertation.o
Interview réalisée par Idrissa BIRBA
L’Opinion