Moussa Boly, président de la CNPB : "Ce sont les CDR purs et durs qui rendent la vie impossible au CDP"
Ancien député et questeur à l’Assemblée nationale, Moussa Boly est aujourd’hui le nouveau président de la Convention nationale du progrès du Burkina (CNPB) qui a été porté sur les fonds baptismaux le 29 août dernier à Ouagadougou, par les ex-refondateurs du CDP. Dans l’entretien qu’il nous a accordé quelques jours après leur congrès constitutif, Moussa Boly revient sur les divergences qui ont occasionné le départ des ex responsables de la CNPP/PSD du CDP. Il précise aussi leur positionnement dans l’opposition même si leur parti est prêt à collaborer avec le parti au pouvoir à condition de respecter certaines conditions.
"Le Pays" : Vous venez de créer un parti politique qui n’est pas si nouveau que cela car ses animateurs sont déjà connus. Pourquoi avez-vous senti la nécessité de créer ce nouveau parti ?
Moussa Boly : Avant de répondre à votre première question, permettez-moi de vous remercier pour votre invitation. Je parle au nom de notre parti. Pour anticiper aussi, les camarades présentent également toutes leurs condoléances aux familles éplorées lors de l’inondation du 1er septembre. Nous avons fait le tour de la ville et ce que nous avons vu est très déplorable. Je dois dire tout de suite que nous avons apprécié l’engagement des forces de l’ordre qui se battent vraiment comme elles peuvent. On a noté aussi que c’est la première fois que le gouvernement réagit aussi promptement, mais comme on le dit généralement, "c’est bon, mais ce n’est pas arrivé". Pour répondre à votre question, pourquoi la CNPB ? Parce que vous avez dit que c’est un nouveau parti sans l’être ; mais moi je dirais que c’est un nouveau parti. Bien sûr, si on regarde ceux qui étaient au présidium à l’ouverture de l’assemblée générale constitutive, ce sont tous des gens qu’on a déjà vus sur le plan politique. Mais je pense aussi que vous avez suivi depuis plus d’un an ce qui s’est passé au CDP, puisque nous tous, nous avons milité au CDP et vous savez également d’où nous venons. C’est vrai que beaucoup étaient de la CNPP/PSD, il y a aussi un camarade qui était dans un autre parti, en l’occurrence René Emile Kaboré. Je crois que jusqu’à présent tout le monde n’a pas compris le pourquoi, de la fusion de 1996. Ce n’était pas à notre demande que la fusion s’est faite. C’est à la demande du plus haut responsable du pays qui a estimé à l’époque que la situation que nous traversions au Burkina en tant que pays pauvre méritait qu’on se donne la main, pour se développer.
Il avait donc souhaité que nous mettions l’intérêt du pays au-dessus de tout pour faire donc cette fusion. Malheureusement, en faisant cette fusion, nous avons très vite fait confiance à ceux qui étaient avec nous, pour nous rendre compte quelques mois après que c’était compliqué. Cela nous a amenés dès le 6e et le 7e mois à évoquer un certain nombre de problèmes et nous l’avons encore répété en mi-1998 et au congrès de 1999. Si vous reprenez les textes, vous verrez qu’ils ont repris exactement ce que nous leur reprochons : ils ont reconnu qu’on avait raison, mais que nous connaissions bien comment fonctionnaient les fusions dans nos pays. Nous avons toujours été honnêtes, nous les avons crus, jusqu’au moment où on nous a traités d’ouvriers de la 25e heure. On a toujours refuser de le faire, jusqu’à il y a un an, nous avons dû écrire notre énième lettre qui a paru dans le journal. Ils ont donc trouvé que c’était inconcevable que des militants de premier ordre n’acceptent pas de laver le linge sale en famille, alors que nous avons toujours cherché à le faire. On n’a jamais voulu faire voir toutes les lettres que nous avions adressées au parti pour nous plaindre. Comme d’habitude, ils ont procédé à notre suspension sans tenir compte des textes en vigueur. Mais nous avons tenu quand même pendant un an à essayer d’expliquer qu’on n’avait pas intérêt à nous diviser. Et cela, conformément à ce qui a été dit au départ pour notre fusion. Il y a même certains d’entre eux qui ont tenté de nous réconcilier. Ils nous ont demandé, étant donné que la direction du parti avait pris la décision de nous faire une demande d’autocritique, de rédiger une lettre, mais qui disait qu’on était attaché aux textes fondamentaux. Nous l’avons fait, mais je crois que nous avons ajouté notre part de piment là-dedans et cela ne leur a pas convenu. Quand nous nous sommes rencontrés, malheureusement, l’un d’entre eux et pas des moindres a voulu terminer cette réunion par un match de boxe.
Vous voulez parler de Simon Compaoré pour ne pas le nommer...
Oui, pour ne pas le nommer. Parce que ce sont ces CDR purs et durs qui rendent la vie impossible au CDP. Or regardez, nous tous qui sommes là ; c’est vrai que j’ai un certain âge, mais si vous vous hasardez à me boxer, ça risque d’être un peu dur. Nous avons estimé à partir de là que ce n’était pas la peine de continuer avec le CDP. Honnêtement, beaucoup d’entre nous avaient pensé qu’il fallait mettre un trait sur la politique. Mais vous savez aussi que quand on fait la politique depuis les années 1976-1977, c’est difficile de cette manière d’en sortir totalement, parce que vous n’êtes plus seul. Si vous êtiez à notre assemblée générale, vous auriez vu le monde qui y était. Honnêtement, nous avons invité officiellement 150 personnes pour constituer le parti. Mais la liste de présence nous donnait près de 400 personnes. Et quand vous dites que c’est un parti nouveau, sans être nouveau, regardez dans le bureau national provisoire ; beaucoup de gens sont des cadres, mais des débutants en politique. Nous avons donc pensé qu’aujourd’hui encore, nous avons quelque chose à apporter à notre pays, surtout quand on regarde comment nos anciens camarades se comportent et gèrent le parti. Nous pensons que nous devons apporter notre contribution pour la construction de notre pays. Voilà ce qui nous a conduits à créer la CNPB.
"Ce n’était pas la peine de continuer avec le CDP"
En quoi la CNPB fera-t-elle la différence dans le paysage politique burkinabè ?
Vous savez, nous avons critiqué nos camarades sur la manière de gérer. Il n’y a pas de solidarité, ni de tolérance, ni d’intégrité. Regardez notre ligne politique : nous avons opté pour le "solidarisme". On dira que ce mot n’existe pas. Mais le socialisme ou le marxisme, est-ce qu’à l’époque cela existait ? Nous pensons que c’est une forme de la social-démocratie basée sur le principe de la solidarité. Nous disons qu’en Afrique, une des valeurs cardinales, c’est la solidarité et cela nous manque beaucoup dans ce pays. Souvent, on parle beaucoup de la malgouvernance parce que nous voyons justement qu’il manque la solidarité, la tolérance. On fait semblant d’avoir une certaine liberté sans vouloir la donner et c’est cela que nous voulons changer.
Quelle est votre ligne politique ? Etes-vous de l’opposition ou de la majorité ?
Cette question nous a été posée à plusieurs reprises, mais nous disons que nous sommes un parti politique créé pour la conquête du pouvoir d’Etat. Nous sommes conscients que ce n’est pas facile de conquérir le pouvoir d’Etat ; nous devons conquérir aussi le terrain, avoir des militants. Nous avons donc notre voie que nous devons suivre. Mais je dis bien qu’il peut y avoir des alliances qui seront faites sur la base de notre orientation politique et de ce que les autres veulent faire. Voyez, nous avons mis en place un bureau provisoire. On aurait pu constituer un bureau tout entier ; comme vous le constatez, nous n’avons pas de vice-président, de secrétaire aux relations extérieures ou tel autre poste. C’est parce que nous avons eu beaucoup de contacts pour essayer de nous regrouper en vue de constituer un parti fort. C’est pourquoi nous voulons nous donner le temps pour ne pas faire la même erreur que nous avons faite avec l’ODP/MT. Nous n’avions donné aucune condition pour la fusion. Nous avons pensé que ceux qui étaient devant nous étaient des interlocuteurs dignes pour qu’on leur fasse confiance. Ce sont quand même les premiers responsables du pays ! Mais on s’est trompé. S’il faut choisir entre la mouvance et l’opposition, nous sommes de l’opposition parce que nous ne pouvons pas être de la mouvance en ce sens que nous étions au CDP et nous ne nous sommes pas entendus. Or si vous voyez tous ceux de la mouvance, ils sont inféodés au CDP, c’est-à-dire qu’on claque les doigts et tout le monde est là à genoux pour écouter.
Est-ce à dire que vous n’excluez pas de travailler une fois de plus avec le CDP ?
Si nous sommes un parti politique, pourquoi refuser de travailler avec un autre de notre pays ? Nous disons tous que nous voulons travailler pour le bien de notre pays. Par exemple, pour les premiers contacts avec l’ODP, nous avions répondu à l’époque qu’il n’y avait pas de problème. Le seul hic, c’est qu’ils se disaient communistes et nous socio-démocrates. L’ODP a répondu en son temps que cette collaboration, c’était pour aller plus loin. Nous n’avons pas d’ennemis comme je l’ai dit. On peut collaborer avec n’importe quel parti dans l’intérêt du pays. Mais bien sûr qu’il y a des points sur lesquels nous avons divergé. Et si on diverge sur un point, on peut continuer sur d’autres points pour essayer de travailler pour l’intérêt de notre pays.
Vous n’avez pas peur d’être une fois de plus roulés dans la farine ?
Non, nous ne sommes pas des poussins d’hivernage. On ne peut pas nous rouler deux fois dans la farine. C’est ce qu’ils ont tenté de faire. Pendant que d’autres négociaient pour qu’on revienne, certains attendaient le congrès pour nous exclure. Nous ne sommes pas aussi naïfs.
Si vous deviez refaire une fusion aujourd’hui avec le CDP, quelles sont les positions sur lesquelles vous n’allez pas transiger ?
D’abord, nous avons opté pour la social-démocratie qui a des principes. Nous disons donc, par exemple, que nous ne sommes pas d’accord avec un parti qui veut faire de la démocratie de façade. Nous ne pouvons pas accepter des pratiques comme la malgouvernance. S’il y a donc une collaboration, il faut que les termes soient clairs.
Si vous devez opter pour l’opposition, quelles sont les conditions que vous poseriez ?
Attendez ! Le groupe de l’opposition n’est pas figé. Ce n’est parce qu’on n’a pas les mêmes points de vue avec la majorité qu’on est de l’opposition. Mais il n’est pas question que l’opposition soit un groupe figé. Non, pas du tout !
Il y a quand même un flou qui entoure votre démarche. Dans tous vos écrits, vous avez épargné le président du Faso. Comme le disent certains, êtes-vous l’instrument du président du Faso ?
Concernant la dernière partie de votre question, honnêtement, je dirai que c’est mal nous connaître. De plus, le président du Faso n’est pas le président du CDP mais de tout le Burkina Faso. Il a été élu par les Burkinabè. Si un problème se pose dans un parti, pourquoi allons- nous nous en prendre au président, bien qu’il soit l’initiateur du CDP ? Mais s’il n’a pas estimé qu’il y a un problème et qu’il faut qu’il vienne à la rescousse du CDP, vous devez lui poser la question. On a beaucoup parlé dans les journaux de la bagarre entre Salif Diallo et son frère. Est-ce que vous avez déjà entendu le président parler de cette bagarre ? C’est la même chose. Nous disons que c’est un problème interne au parti et nous supposons que le président n’y est pour rien, jusqu’à ce qu’on ait une preuve que c’est lui qui est à la base de cela. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’il n’est jamais intervenu dans cette histoire qu’on appelle la "cuisine intérieure du CDP". Mais dire que nous sommes un instrument du président, je peux vous dire que vous vous trompez sur notre compte. Nous ne sommes l’instrument de personne.
Pouvez-vous nous assurer que durant cette crise vous n’avez jamais rencontré le président du Faso ?
C’est clair, on n’a jamais rencontré le président sur cette question. Je n’ai pas l’habitude de tourner autour du pot. Lors de la première rencontre que nous avons eue avec l’ODP/MT, il y avait Yé Bongnessan le président, Simon Compaoré qui était le secrétaire général et Salif Diallo. Cette rencontre n’a pas duré 5 mn. Elle a failli se terminer par un pugilat.
"On n’a jamais rencontré le président du Faso"
C’était en quelle année ?
C’est en 1996, puisque la fusion a eu lieu en février 1996. Ils avaient commencé à nous contacter individuellement. Et puis, comme à l’époque il était difficile à la CNPP de tirer quelqu’un comme cela avec un hameçon pour sortir, ils ont fini par rencontrer une délégation. C’est à l’issue de cela que le président du Faso nous a effectivement rencontrés pour nous dire l’importance de la question. Son souci, c’était de créer des pôles assez forts. Il était d’accord qu’il fallait le multipartisme. Mais il estimait que quand vous avez la même orientation politique, ce n’est pas la peine de vous tirailler, il faut essayer de vous regrouper. On a eu cette discussion avec lui et il nous a vraiment demandé de le faire. Et beaucoup de partis ont été convoqués à l’époque, même le PDP de Ki-Zerbo avait été convoqué, mais qui a dit non. Comment peut-on aller avec un parti d’obédience communiste ? Ils nous ont assuré que c’était un processus qui ne causerait pas de problème. Je pense qu’à l’époque Yé Bongnessan, président de l’Assemblée nationale, Simon Compaoré, secrétaire général du parti et Salif Diallo le tout-puissant ministre, étaient quand même les premiers responsables du pays.
Pensez-vous qu’il serait néanmoins utile de rencontrer le président du Faso actuellement ?
Nous avons rencontré le président du parti, et suite aux discussions que nous avons eues avec lui, nous lui avons dit qu’au besoin, nous étions prêts à rencontrer le président du Faso pour lui expliquer notre pensée. Mais on ne l’a jamais rencontré.
A-t-il refusé de vous recevoir ?
Je ne sais pas. Je sais qu’en mai 2008, il nous a fait dire par le président du parti qu’il devait faire une mission à l’extérieur et qu’à son retour, il allait nous rencontrer. Mais on n’a plus eu de suite. Les discussions ont néanmoins continué, parce qu’à un moment donné, on était sur le point de conclure un accord. Quand nous avons pris les textes, nous avons dit : "Chers amis dans le parti voilà les dispositions qui n’ont pas été respectées". Ils l’ont reconnu et ils nous ont fait rencontrer la commission de contrôle qui a conclu que c’était une question éminemment politique, et qu’il fallait que la direction du parti ait le courage de trouver une solution politique. Quand ils l’ont dit, on a souhaité rencontrer le president du Faso pour lui donner ces explications, mais il n’y a pas eu de suite.
Croyez-vous que c’est au niveau du CDP qu’on vous a bloqués pour que vous ne rencontriez pas le président ?
C’est difficile de le dire, mais il nous a été rapporté que de l’avis général des CDR purs et durs, on nous a invités à venir stabiliser une situation et non pas pour venir prendre des postes et des décisions à leur place. Suite au pugilat que l’autre a voulu engager, on a compris que c’était inutile de continuer, parce qu’à mon âge, me mettre à boxer avec quelqu’un, il faut vraiment le faire.
Quel bilan, tirez-vous de cette expérience avec le CDP aujourd’hui, puisque vous étiez d’abord dans l’opposition avec la CFD, ensuite avez été coopté entre-temps par l’ODP/MT ? Pensez-vous que vous pouvez rebondir ?
Je vais vous dire d’abord une chose. Je ne suis pas d’accord quand vous dites qu’on a été coopté. Quand vous êtes un père de famille, vous appelez vos enfants et vous leur confiez des tâches pour le bien de la concession et que les enfants les exécutent, on ne peut pas après accuser ces enfants d’avoir suivi un mouvement sans réfléchir. De plus, dans la vie, tout peut arriver. Vous voyez, vous avez parlé de la CFD. C’était une situation très déplorable pour le Burkina, parce qu’on était à un doigt d’une guerre civile. Il ne faut pas aussi oublier qu’il y avait des gens qui avaient dejà cassé la CFD. Après, on a voulu encore nous casser avec la séparation du PDP. Cela a fragilisé totalement l’opposition. Mais nous avons été amenés à accepter cela. C’est le fait qu’on ait dit "vous vous battez pour ce pays-là" et c’est l’union qui fait la force. Notre passage au CDP est donc une expérience pour nous dont nous pensons faire bénéficier les jeunes qui sont avec nous et qui sont pour certains à leur début politique. Si vous regardez la composition du bureau, la création du conseil est une première. Nous sommes convaincus que nous allons rebondir, ce n’est pas nous 6, ce sont ceux qui sont avec nous. Je peux vous relever sur mon cellulaire, le nombre d’appels ou de messages que j’ai reçus concernant ce parti. Ce n’est pas à 63 ans que je vais faire ma carrière politique ; ce n’est pas cela qui m’amène à rester là-bas. C’est pour autre chose. Nous savons qu’il y a des gens qui croient en nous et qui peuvent faire le travail. Nous allons faire confiance à ces jeunes.
Etes-vous pour un renouvellement complet de la classe politique ?
Cela dépend de ce que vous entendez par renouvellement complet de la classe politique. Vous savez, quand la révolution est venue, ils ont mis tous les anciens dehors. Il fallait mettre des jeunes. C’est vrai que la jeunesse c’est l’avenir, mais n’oublions pas qu’ils n’ont pas l’expérience. Je suis d’accord que la classe politique doit être renouvelée, mais pas de façon radicale où il faut balayer tout le monde sans exception. On a besoin aussi de l’expérience. Les jeunes doivent acquérir l’expérience parce que le jour où ils seront mûrs, il faudra qu’ils dirigent ce pays comme il se doit. C’est pourquoi je pense qu’on ne peut pas balayer du revers de la main tout ce qui existe et recommencer. Vous savez, il y a eu des réflexions sur la ville de Ouagadougou, mais chaque fois, les nouveaux balaient tout et recommencent. Vous savez, on n’a pas le temps de tout recommencer.
Pour la limitation des mandats
Etes-vous d’accord pour la limitation des mandats présidentiels ?
Ça, c’est un autre problème parce qu’avec un pays comme le Burkina qui est à ce niveau de pauvreté, quelqu’un qui passe 10 ans à travailler honnêtement et très dur va être fatigué. Je pense donc, et cela a été toujours notre point de vue depuis la CNPP, qu’il faut limiter les mandats. A l’époque, ils ont refusé cela. Nous avions proposé la limitation des mandats. Ils avaient refusé et opté pour aller à un mandat de 5 ans au lieu de 7 mais non limité. On était d’accord, mais ils sont revenus là-dessus. Un pays comme le Burkina ne peut pas se donner ce luxe. Cette personne n’aura même pas le temps de bénéficier de sa retraite.
S’agissant du chef de l’Etat, après 22 ans à votre avis, est-il fatigué ou pas ?
Je ne peux pas parler à sa place mais je dis que c’est une fonction qui n’est pas facile. Il faut le reconnaître. Je trouve que 10 ans au pouvoir, devraient être suffisants pour pouvoir exécuter le programme qu’il a pour le developpement de ce pays. Mais je dis que cette fonction est difficile, parce qu’on voit déjà les petites fonctions que les uns et les autres occupent. Cela vous fait pousser des cheveux blancs !
Est-ce qu’il peut arriver que votre parti soutienne un jour le programme du président du Faso ?
Ce n’est pas à moi de décider ; nous sommes un parti politique. C’est aux militants de décider de ce que nous devons faire. Nous devons connaître la vision des candidats qui se présentent à nous : qu’est-ce qu’ils peuvent accepter de ce que nous proposons ? Si on s’entend, il n’y a pas de problème. Si avec Blaise Compaoré on peut s’entendre sur quelque chose de très précis pendant une période très précise, il n’y a pas de problème et ce sont les militants qui décident, ce n’est pas le président du parti.
Comment appréciez-vous les péripéties de l’affaire Salif Diallo ?
D’abord, je vais vous préciser une chose. C’est vrai que Salif Diallo, au départ, a été très dur avec nous. Mais c’est celui qui a tout fait pour nous ramener au CDP. C’est là que vous voyez l’hypocrisie des gens du CDP. A la veille de sa suspension, qui pouvait dire au Burkina qu’il allait l’être ? C’est un citoyen comme les autres, c’est un point de vue qu’il a exprimé. Est-ce que cela valait la peine de le suspendre surtout avec tant de vacarme ? Cela veut dire qu’il y a quelque chose en dessous. Depuis plus d’un an, c’est autre chose que les gens ont dans la tête.
"Salif Diallo a tout fait pour nous ramener au CDP"
Quoi par exemple ?
C’est la succession de Blaise Compaoré qui explique cette bagarre inutile.
Ses camarades ont dit qu’il a été le plus favorable à votre suspension...
Et ceux qui nous ont dit que nous sommes des vauriens et qu’on n’a rien apporter au CDP ? Je vous dis que Salif Diallo a été très dur avec nous, mais c’est celui qui a tout fait pour qu’on puisse revenir. On a eu plusieurs réunions avant que nous ne démissionnions. C’est cela même qui nous a amenés à écrire la lettre pour dire que nous étions attachés au respect de nos textes fondamentaux. Mais nous avions précisé que nous étions inquiets du fait que le CDP, lui-même, ne veuille pas respecter ses textes. Nous avons donc été stupéfaits de voir qu’on nous traite de sectaires, alors que nous sommes victimes de cela. On a donné des exemples de sectarisme qu’ils véhiculaient à notre encontre et qui ne sont pas dignes d’intellectuels du 21e siècle. Salif a donc eu le courage de reconnaître que c’était une erreur. Vous savez, au temps du Front populaire, on a eu les mêmes discussions et on n’a pas été d’accord. On a donné notre point de vue. Malgré les kalachnikovs qui étaient là l’époque, cela nous a valu aussi une autocritique. Nous avons fait notre réponse, mais ils l’ont regretté. Salif m’a même dit qu’il se souvient de cette lettre et pense que c’est mieux qu’on prenne cela sur le terrain politique et trouver une solution politique. S’ils disent donc que Salif a été dur, je dirai que Salif a été dur avec nous le premier jour, mais au moins, lui, a eu le courage de revenir vers nous.
Mais partagez-vous ses opinions ?
Tous les systèmes ont leurs avantages et leurs inconvénients. Si vous avez un homme très fort à la tête du pays et vous voulez faire le système parlementaire, vous allez craquer. On a un défaut en Afrique : c’est d’écrire des textes qu’on ne peut pas appliquer. Sinon, chacun peut choisir le système où il veut évoluer ; ce n’est pas cela le problème. Ce sont les hommes qui doivent gérer ce système qui constituent en réalité le problème. Peut-être qu’il a vu qu’en 2015, selon les textes, le président ne peut plus se présenter. Il a donc peut-être trouvé qu’à l’avenir, il faudra 3 personnes qui se retrouvent à la tête afin que les pouvoirs s’équilibrent. Je ne sais pas, je n’ai pas discuté avec lui. Cependant, tous ces systèmes sont réalisables.
Quelles sont les activités que vous allez mener dans les prochaines semaines dans le cadre de l’implantation de votre parti ?
Le parti vient d’être créé au cours d’une assemblée générale constitutive. Ceux qui y ont assisté ont vu que des gens sont venus de différentes provinces. Mais ce ne sont pas des gens qui ont été de manière démocratique élus dans ces provinces. Donc, nous allons nous structurer en créant des sections dans les provinces, les départements et les villages et aller vers un congrès pour mettre un bureau exécutif définitif en place. Voilà, la mission qui nous a été confiée.
Le Burkina vient de subir des inondations. Qu’est-ce qu’on peut faire actuellement à votre avis pour soulager les sinistrés ? Et que faire à long terme pour éviter ce genre de drame ?
Nous avons fait le tour de la ville. Nous nous sommes répartis pour constater ce qui s’est passé. Nous avons vu que le gouvernement est sorti en force. Ce que nous avons regretté, par contre, c’est que les populations sont laissées à elles-mêmes pour déblayer les décombres. Par exemple, je voyais des gens déblayer des terrains à mains nues pour pouvoir retrouver leurs affaires. Je crois que le gouvernement aurait gagné en faisant intervenir aussi l’armée. Je sais que l’armée est disponible pour aider la population. Le génie militaire a le matériel nécessaire pour faire ce genre de travail. On ne peut pas aider à 100% tout le monde, mais il y a certains endroits où les dégâts ont été énormes. On pouvait au moins intervenir dans ces endroits. C’est vrai qu’on a relogé les gens dans les écoles, mais vous savez que la rentrée est prévue dans deux semaines. Or, je sais que 80% de ces gens ne peuvent pas construire un logement d’ici cette échéance. Je pense également qu’on aurait pu trouver des tentes pour abriter certains sinistrés au lieu d’entasser tout le monde. C’est vrai que c’est une catastrophe mais en la matière, on sait qu’il y a des crues décennales et des crues centenaires. Au Burkina, la crue centenaire est venue, il y a environ 90 ans, c’est à dire pratiquement 100 ans.
"On veut faire de l’économie partout"
Quand on fait les aménagements, les caniveaux sont dimensionnés en fonction de ces crues décennales et centenaires et du bassin versant. Malheureusement, c’est le problème des pays dits pauvres. On veut faire de l’économie partout. Vous voyez, quand il y a quelquefois des crues de 60 mm, il y a des endroits qui sont inondés. Par exemple, en face du stade du 4-Août, les maisons sont inondées parce que l’exutoire a été mal dimensionné. Mais le problème dans nos pays, c’est qu’on ne laisse pas les techniciens travailler. Sinon on a de très bonnes compétences au Burkina. Tous les techniciens savent que c’est l’exutoire qu’il faut changer pour faire couler l’eau. Puisque les caniveaux se rencontrent à un certain endroit et qu’on sait combien de litres passent au cm3, c’est quantifiable. La solution, c’était de créer donc un autre exutoire. Il y a aussi que dans nos plans d’aménagements, on devait systématiquement faire des caniveaux ou au moins à certains endroits où les crues sont importantes, car nous n’avons pas assez de moyens. C’est connu que les barrages n°2 et n°3 sont complètement ensablés, donc ils se remplissent vite. Il y a alors un reflux de l’eau, surtout que le canal du Mogho Naaba regorge de l’eau à son bout toute l’année. Donc, il faut curer les barrages. Je ne suis pas un spécialiste des barrages, mais je sais qu’il y a certains spécialistes qui sont contre le curage parce que l’eau pourrait s’infiltrer. Mais je préfère l’infiltration pour alimenter la nappe phréatique que de laisser l’eau inonder les maisons. Ce sont là des propositions que nous pouvons faire, parce que nous avons déjà discuté de ces choses en 1978.
Comment mesurez-vous votre poids actuellement sur la scène politique ?
Quand on a eu les problèmes avec le CDP, nous avons eu des messages de sympathie et des gens nous ont proposé de créer un parti. Même hier (ndlr : le 3 septembre), quelqu’un m’a appelé de Gaoua pour dire que nous n’avons pas fait assez de publicité sur l’assemblée générale constitutive, car il n’était pas informé. Si nous nous en tenons à ce que les gens disent, nous pensons que nous n’allons pas avoir de problèmes pour mettre nos structures en place. Nous n’allons pas déjà nous mettre à crier que nous sommes très forts ! Mais compte tenu de ce que les gens disent, nous aurons des militants dans les provinces. Nous avons également des contacts avec d’autres partis qui nous donnent l’espoir que nous pourrions faire quelque chose de sérieux. Comme je vous l’ai dit, ce n’est pas à 63 ans que nous allons commencer à faire une carrière politique. C’est pourquoi nous avons mis l’accent sur les jeunes. Nous pensons que celui qui a eu une bonne formation de base est en mesure de pouvoir réfléchir sur les problèmes que nous rencontrons et peut nous aider, et se former pour être l’homme de demain.
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