Ces commandos sont donc des adeptes de cette secte qui prône l’instauration de la charia dans tout le pays et qui s’attaque en particulier au système éducatif nigérian, accusé de véhiculer des valeurs occidentales. Résultats de cette confrontation dominicale du 26 juillet : plus de soixante morts et de nombreux blessés.

Nouvelle poussée de fièvre religieuse dans ce Nigeria pourtant laïc mais où, pour cause de fédéralisme, chaque Etat peut faire à peu près tout et n’importe quoi chez lui : instaurer la charia et couper des mains à tour de bras, lapider des femmes convaincues d’adultère, fermer des lieux de réjouissance, etc.

Ce qui se passe dans cet Etat n’est qu’un nouvel épisode de ce sanglant feuilleton religieux et intercommunautaire qui fait régulièrement la une de l’actualité nigériane : Novembre 2008 : des violences interconfessionnelles, engendrées par la contestation d’une élection locale, font au moins 200 morts dans la ville de Jos, au centre du pays.

Mai 2004 : l’attaque, par des miliciens chrétiens, d’un village d’agriculteurs musulmans situé à l’ouest de la capitale, Abuja, entraîne des affrontements qui causent la mort de 630 personnes. Novembre 2002 : des affrontements entre chrétiens et musulmans font près de 220 morts à Kaduna (nord). Septembre 2001 : des affrontements intercommunautaires dans le centre du pays font plusieurs centaines de morts.

Octobre 2000 : l’adoption de la charia, la loi islamique, dans plusieurs Etats du Nord entraîne des émeutes entre chrétiens et musulmans, qui font plusieurs centaines de victimes. Un chao quasi permanent qui se noue et se dénoue sous le regard du pouvoir central d’Abuja, incapable ou constitutionnellement empêché d’y mettre de l’ordre. Mais il faut bien pourtant trouver un remède efficace à ce mal, qui ronge à petit feu le géant de l’Afrique, car, pas après pas, il est en train de s’approcher dangereusement du gouffre.

Ces choses, on sait en effet quand elles commencent, mais on sait rarement quand elles s’arrêtent. Et faute de circonscrire l’incendie, viendra le jour où l’embrasement sera généralisé. Nombreux sont ceux qui se demandent d’ailleurs si, après Al-Qaïda pour le Maghreb islamique (AQMI), ce n’est pas la multinationale du terrorisme qui est en train de déployer ses tentacules dans ce pays de 923 768 km2 pour 160 millions d’habitants.

Mais quoiqu’il en soit, cette nouvelle tragédie est la preuve supplémentaire qu’on ne peut pas compter sur ce pays, qui est censé être la locomotive économique de l’Afrique de l’Ouest ; car quel wagon cette locomotive peut-elle tirer si le bordel y est permanent, si, par intervalles réguliers on massacre des compatriotes juste parce qu’ils sont d’une autre confession ; si des pogroms sont perpétrés pour un oui ou un non. Il est véritablement temps pour Abuja de prendre ce problème à bras-le-corps car petit à petit, le Nigeria est en train de creuser sa propre tombe. Le drame le plus grand, c’est qu’il pourrait y entraîner toute une sous-région.

San Evariste Barro

L’Observateur Paalga