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SORTIE DE CRISE EN COTE D’IVOIRE : Combien de "Ouaga" faudra-t-il ?

Publié le vendredi 19 décembre 2008 à 01h36min

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Les différents protocoles additionnels apportés à l’Accord politique de Ouagadougou sont à l’image de la sortie de crise en Côte d’Ivoire : longue, hésitante et empreinte de méfiance entre les différents protagonistes. L’Accord signé en mars 2007 a dû être assorti par trois fois d’un nouvel avenant pour satisfaire tel ou tel camp.

La quatrième opération chirurgicale que doit subir le texte devait avoir lieu hier avec la réunion entre les partisans du pouvoir et des Forces nouvelles autour du facilitateur, le président Blaise Compaoré. Ouaga IV sera ainsi né. Mais combien de "Ouaga" seront-ils nécessaires pour clore définitivement ce chapitre lassant de la sortie de crise ? Bien sûr, on dira que l’Accord de Ouaga, en dépit des insuffisances qui ont conduit aux différentes modifications, a permis l’installation de la paix en Côte d’Ivoire. Ce n’est pas rien.

Mieux, il a obtenu des acteurs politiques un minimum de bonne volonté pour la mise en oeuvre de certaines actions devant conduire à l’élection présidentielle. Le déroulement de l’identification participe ainsi des avancées notables arrachées par le facilitateur. Mais il ne faut pas se voiler la face. De nombreux indices viennent parfois faire douter de la réelle volonté des signataires de l’Accord, de respecter les règles du jeu. Les violations répétées de l’appel à la modération dans le discours politique sont un des aspects les plus flagrants de la marche boiteuse du processus. Pendant que certains construisent, d’autres, par des propos enflammés, tentent de mettre le feu aux poudres. Ainsi la palme de la provocation est détenue par les faucons du FPI, la première dame Simone Gbagbo en tête.

A tour de rôle, ils décochent des flèches empoisonnées contre l’ex-rébellion qui, jusqu’à récemment, avait fait preuve d’un grand sang-froid et d’un sens élevé de la réserve. S’il s’agissait seulement de paroles, on pourrait encore croire à une propagande de politiciens en mal de publicité. A l’évidence, le malaise est bien plus profond, si l’on en juge par les dernières accusations proférées par le porte-parole des Forces nouvelles (FN) contre le président du Front populaire ivoirien (FPI). Ce dernier serait tout simplement animé d’une volonté de déstabiliser les Forces nouvelles. La méfiance, on le voit, s’est encore plus accentuée ces derniers temps entre les signataires de l’Accord de Ouaga. Dans ce contexte, on voit mal comment Guillaume Soro le Premier ministre et chef des FN s’empressera de désarmer ses hommes, sans des garanties sur sa propre sécurité et sur l’avenir de ses éléments.

Alors que l’unanimité semble se faire autour d’un désarmement total un mois avant la prochaine élection présidentielle, le FPI, lui, propose que cette opération ait lieu dès maintenant. Jouant les légalistes, le camp présidentiel estime que "sans désarmement, il ne peut y avoir de véritable réunification du pays parce que l’Etat ne peut déployer tous ses attributs et effets sur l’ensemble du territoire national". En clair, sans désarmement, il n’y aura pas de scrutin, le FPI ne faisant pas confiance aux Forces nouvelles pour assurer un contrôle objectif du processus électoral. Il s’agit d’un revirement puisque tous les discours, surtout ceux du chef de l’Etat, tendaient à faire croire que la paix était revenue et que même le pays était réunifié. Le défilé des personnalités proches du pouvoir dans les zones sous contrôle des FN ne s’est jamais arrêté depuis lors.

Mieux, aucun incident n’a été signalé. C’est au contraire dans la partie gouvernementale que des incidents liés soit à l’identification, soit au déplacement de personnalités politiques ont eu lieu. C’est dire que le FPI a engagé un faux débat quand il remet en cause la capacité des FN à éviter une "fraude à grande échelle" dans le Nord. Même la non candidature de Guillaume Soro à la présidentielle n’est pas un gage suffisant pour rassurer le FPI. C’est à se demander si le parti au pouvoir n’a pas plutôt opté à la fois pour une ruse de guerre et pour la stratégie du pourrissement. Le désarmement immédiat des FN lui permet d’avoir le contrôle total du pays et donc d’imposer sa loi aux ex-rebelles. Et Dieu sait quel sort leur sera réservé, si les précautions nécessaires ne sont pas prises pour leur sécurité.

Mais il y a aussi et surtout l’enjeu électoral. Le FPI tient à maîtriser le processus électoral et éviter toute mauvaise surprise à son candidat. Il oublie que pour les populations de cette région, qui ont fait l’objet d’une stigmatisation par le passé, la présence des FN peut au contraire être rassurante pour tout le monde. Bref, il ne faut pas à tout prix diaboliser les FN, pour des desseins inavoués, au risque de provoquer des crispations préjudiciables à la bonne exécution du chronogramme de sortie de crise. Et c’est à cet exercice déliquat que doit s’adonner le facilitateur, en trouvant une formule qui satisfasse les intérêts de tous, y compris ceux qui n’ont pas les armes, à savoir les autres partis politiques.

"Le Pays"

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