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Anne-Marie, reine du prêt-à-porter ouagalais

Publié le lundi 15 décembre 2008 à 17h35min

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Anne-Marie Kyelem

On l’avait rencontrée une première fois en septembre dernier sur un vol d’Air Burkina Paris-Ouaga. Ce jour là, après l’embarquement, des vérifications complémentaires sur le contenu d’un colis suspect avaient causé un retard de plus d’une heure et demie. Déjà à bord, de nombreux passagers manifestaient explicitement leur agacement devant un retard qui ne cessait de s’allonger.

Absorbée par la lecture d’un épais bouquin, Anne-Marie Kyelem semblait insensible à l’agitation à l’intérieur de l’appareil. Pour la énième fois, elle dévore « Ces vérités vont changer votre vie » de Joseph Murphy, un auteur de livres ésotériques à succès qui traient d’autogestion, du subconscient ou encore des forces cachées de l’individu. « La lecture de ces livres m’aide à mieux me comporter vis à vis des autres, à avoir confiance en moi et à éliminer de mon esprit les idées négatives », explique celle qui, petite, voulait être une sœur religieuse.

Début décembre, on la retrouve dans la capitale française où elle séjourne pour ses affaires. Patronne d’une boutique de prêt-à-porter à Ouagadougou, elle est venue s’assurer que ses commandes seront livrées à temps, en cette période particulière des fêtes de fin d’année. « Certains clients ont déjà passé des commandes, et d’autres attendent les nouveaux arrivages pour venir choisir leur tenue de noël ou de la Saint-Sylvestre », confie t-elle.

Sur l’avenue Babanguida, en contrebas de l’immeuble abritant le siège de l’IAPM, l’enseigne de sa boutique, Trait-d’Union, ne paie pourtant pas de mine. Mais dès qu’on franchit la porte d’entrée, on se retrouve dans ce qui ressemble à une véritable caverne d’Ali Baba de la fringue, surtout celle destinée à la gent féminine jeune : pantalons taille basse, tee-shirts moulants, produits cosmétiques, costumes pour dames et hommes…Tout y est, mais à un prix moyen assez élevé puisque le client devra débourser au moins entre 15 et 18 000 F CFA pour s’offrir la tenue de son rêve. « C’est vrai que c’est un peu cher, mais les produits sont de bonne qualité et même si la bourse du client est insuffisante, on peut toujours trouver un terrain d’entente », rassure Anne-Marie Kyelem, tombée dans le business de l’habillement par un pur hasard.

Originaire de Donsin, près de Koupéla, dans la province du Kouritenga, Anne-Marie Kyelem est née à Abidjan où ses parents s’y sont installés dans les années soixante. Son père, décédé en 1998, était employé au port d’Abidjan, et possédait aussi des champs de cacao dont l’exploitation est aujourd’hui assurée par ses frères. Après l’école primaire à Abidjan, elle poursuit les études secondaires au Burkina, successivement au groupe scolaire Le Plateau, au Lycée Bangré et Mme Bambara où elle obtient un BEP de comptabilité, puis décroche un CAP de secrétariat au Centre arabe libyen et effectue un stage de secrétariat à l’Agence d’information du Burkina (AIB).

« Mais mon rêve, c’était de travailler dans le domaine de l’art. J’ai donc suivi une formation d’une année en batik au Centre national d’artisanat d’art, et fait un stage de huit mois au Village artisanal » explique t-elle. Malgré ses diplômes, son insertion professionnelle s’avère cependant difficile, ses nombreuses recherches d’emploi n’ayant jamais abouti.
Sans se décourager, Anne-Marie se laisse convaincre « qu’il faut prendre le risque de faire quelque chose pour moi-même. Quelque chose en rapport avec la coquetterie féminine ». C’est alors qu’elle fait la connaissance d’un Egyptien résident en France de passage au Burkina et désireux d’ouvrir une boutique de prêt-à-porter à Ouagadougou. L’idée lui plait et très vite, les deux tombent d’accord et créent en 2004 la société Trait-d’Union, dotée d’un capital de 5 millions F CFA dont 60% pour l’Egyptien, les 40% restants étant réparties à égalité entre elle et une amie.

En plus de l’habillement, la société comporte aussi un salon de coiffure et disposera bientôt d’un restaurent. Nommée responsable des ventes, Anne-Marie Kyelem s’envole dans la foulée pour Paris où l’attendent des fournisseurs déjà repérés par son partenaire. « Je fais le tour des boutiques, je fais les achats et en fin de journée, mon partenaire et moi, nous faisons le point. Au départ, je ne connaissais pas grand chose en tissu, mais j’ai vite appris et heureusement, mes choix plaisent toujours au clients » confie t-elle.

Grâce à des tarifs préférentiels obtenus avec Air Burkina, la patronne de Trait-d’Union fait transporter ses achats en bagages accompagnés, ce qui lui permet de renouveler très rapidement son stock et de satisfaire une clientèle avide de nouveautés. De temps en temps, elle va faire ses courses aux Etats-Unis où les « tenues sont plus sexy qu’en France ». Pourquoi ne fait-elle pas appel aux services des professionnels de la couture burkinabè ? Parce que, explique t-elle sèchement, « les nationaux manquent de précision. Quant on leur demande de coudre un habit taille S, ils te le font en taille L, avec en plus beaucoup de réserve. Ce qui n’est pas beau surtout pour les tenues qui doivent coller au corps ! Je n’ai pas encore rencontré de tailleur capable de reproduire exactement un modèle qu’il a sous les yeux ! », regrette t-elle
La trentaine, célibataire sans enfant, Anne-Marie Kyelem est une femme professionnellement épanouie, libre de ses mouvements et maîtresse de son emploi de temps.

Quatre ans après la création de Trait-d’Union, elle pourrait dans quelques mois devenir seule maîtresse à bord de la société en rachetant les parts de son partenaire égyptien. Et se donner les moyens de réaliser le projet qui lui tient à cœur : se doter d’un immeuble à plusieurs niveaux et être la distributrice exclusive de marques étrangères.

Joachim Vokouma,
Lefaso.net

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