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Solo Dja Kabaco, handicapé visuel : “Sauf être chauffeur de taxi, je peux tout faire”

Publié le mercredi 23 juillet 2008 à 11h53min

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Après Ali Traoré, un jeune handicapé moteur, PDG d’une entreprise et artiste-musicien, que nous avons lu dans l’Observateur paalga n°7181 du mardi 22 juillet 2008, nous avons donné la parole à Solo Dja Kabaco. C’était lors de la journée de partage de l’association Wend Songda de Saaba, organisée le 28 juin 2008 au jardin culturel Wapassi de la localité.

Solo Dja, on est plutôt surpris de te voir ici, connaissais-tu Saaba ?

• C’est la première fois que je mets les pieds ici, c’est vrai que j’avais déjà entendu parler de Saaba surtout de son célèbre marché où on vend paraît-il, du "Gabriel", du "Jean" et du "Gilbert".

Nous savons que le bon musulman que tu es n’affectionne ni la viande de chien, encore moins celle du porc et de l’âne ; alors comment expliques-tu ta présence ici ?

• Je suis venu ici pour soutenir mes frères et sœurs de l’association Wend Songda de Saaba qui m’a invité pour animer leur journée de partage avec l’APE. Mes sentiments sont vraiment bons. Ils sont venus me voir, pour que je les soutienne et j’ai dit tout de suite oui. Je suis venu avec mes musiciens. Ces genres de manifestations sont plutôt rares.

Des associations ayant les mêmes problèmes qui s’invitent pour partager leurs expériences, c’est une très bonne chose et je suis venu apporter mon soutien à cette opération. J’ai même dit qu’il se pourrait que j’adhère à l’association. Je lui souhaite donc bonne chance et beaucoup de courage. Je souhaite également que les autorités politiques, administratives et communales leur apportent tout le soutien dont elle a besoin.

Qu’aimerais-tu faire, si tu devais faire des propositions à ces autorités ?

• Tu vois, nous sommes comme des plantes. Une plante, pour croître, a besoin d’eau et de soleil. Les autorités sont pour nous l’eau et le soleil. Je ne dis pas qu’elles ne font rien pour nous, mais je les exhorte à continuer à s’investir davantage pour promouvoir l’homme et la femme handicapés. Je veux par exemple qu’on nous construise des écoles, un hôpital et pour ceux qui n’ont pas des moyens de déplacement, qu’on les aide à acquérir des voiturettes, etc. Tu vois qu’il y a beaucoup à faire ?

Quels sont alors tes projets ?

• Mes projets sont comme des rêves. Quand tu fais un rêve, il faut en parler à quelqu’un qui sait interpréter les rêves. Il te prescrira des sacrifices à faire pour conjurer les mauvais sorts ou favoriser la réalisation des bons rêves. Mon projet c’est la même chose et c’est pourquoi je t’en parle, pour que les autorités m’aident à les réaliser.

Je reviens sur cette affaire d’école et d’hôpital. Au Mali, en Guinée, il existe des écoles pour handicapés et un hôpital pour eux. Chez nous, à part l’école des sourds-muets, il n’y a aucune structure de formation pour les handicapés. Il nous faut des écoles de braille pour les aveugles, il nous faut même une université pour handicapés, etc. Il faut que l’Etat s’investisse davantage dans l’instruction et la formation des handicapés. Nous pouvons aussi être des ministres, des députés, des grands directeurs, etc.

Toi tu gagnes bien ta vie en faisant de la musique, d’autres mendient... Y a-t-il des solutions pour empêcher la mendicité ?

• Si on te dit que tu es fou et que tu le penses toi-même, c’est que tu es un véritable fou. Si tu te dis que tu es un handicapé et que le seul moyen pour toi de vivre c’est la mendicité, tu passeras effectivement toute ta vie à mendier. Dans ce cas, tu deviens doublement handicapé : il y a d’abord ton handicap physique ou mental et ta dépendance vis-à-vis des autres au plan matériel et ça c’est le pire des handicaps. D’ailleurs, les gens ont trop de problèmes aujourd’hui pour qu’ils aient le temps de s’occuper des autres. Il faut donc par tous les moyens chercher à travailler.

Mais il faut reconnaître que le vrai problème, c’est comment trouver du travail pour les handicapés ; même les bien portants n’en trouvent pas. Il faut que l’Etat trouve des moyens pour permettre aux handicapés de s’épanouir par le travail. Mais pour cela, il faut que nous aussi les handicapés on fasse preuve de volonté et de détermination. Quand on te lave le dos, tu dois te laver aussi le visage.

Si nous aidons l’Etat à mieux s’occuper de nous, il est certain que cela lui donnera la force de créer, d’innover. Nous avons besoin qu’on nous forme en artisanat, en soudure, en mécanique, en couture, etc. Qu’on nous donne tout ça et vous constaterez qu’il y aura de moins en moins de mendiants dans les rues. Je ne condamne pas ceux qui mendient, peut- être que moi-même je serais en train de mendier si je ne faisait pas de la musique, car je ne sais rien faire d’autre avec mes dix doigts. Mais je peux tout faire si on me forme ; la seule chose que je serai incapable de faire, c’est d’être un chauffeur de taxi.

Vous avez certainement un appel à lancer aux lecteurs.

• Pensez à nous. Nous les handicapés, nous avons beaucoup de choses dans la tête qui peuvent faire bouger les choses au Burkina. Dites au Président du Faso qu’il n’a qu’à de temps en temps parler de nous aussi dans ses discours. On nous laisse trop à côté comme si nous étions des êtres à part. C’est pas bon. C’est pas charitable, alors que nous sommes tous des Burkinabé et mieux, nous sommes tous des enfants d’Allah, le Dieu miséricordieux de toutes les créatures.

Propos recueillis par Jean Eudes Ouédraogo

L’Observateur

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