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Les scolaires et les petits boulots de rue

Publié le lundi 21 juin 2004 à 06h44min

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Pour de nombreux scolaires, les vacances riment de plus en plus avec vive le petit boulot. C’est en effet, la ruée vers les lotus, les cartes de recharge de cellulaires, les chewing gums, etc. En somme, tout ce qu’on peut brader aisément. Dans les rues de Ouagadougou mais également un peu partout, on rencontre ces enfants qui sortent à peine de l’adolescence pour certains.

De 7 h du matin à très tard la nuit, ils sont en quête de moyens pour s’offrir une rentrée scolaire comme leurs autres camarades. Souvent avec des risques.

La loi de la rue étant implacable.

Ce jeudi matin aux environs de 9 h, sur l’Avenue Bassawarga, les frères Kaboré Justin et Pascal dans l’indifférence des adultes se faufilent entre les véhicules. Leurs cibles, leurs usagers. Leur objectif, placer le lotus qu’ils tiennent en main. A 10 ans pour l’aîné et 9 pour le cadet, la loi de la rue s’est imposée. Ils côtoient bien d’autres enfants plus âgés qu’eux. Mais habitués à ce genre d’activité, Justin, élève en classe de CP2 à l’école Nelson s’exprime à peine. On aurait dit qu’il a peur.

Pourtant à le voir se faufiler entre les véhicules, ce sentiment disparaît. Avant les vacances scolaires officielles, ils ont déjà pris "la rue". "Y a lotus hein ! Lotus !, lâchent-ils sans porter un quelconque regard sur la circulation. Autres temps, autres mœurs ! Pour ces enfants, colonies de vacances, cours de vacances ou autres spectacles culturels sont quasi inconnus. Préoccupés qu’ils sont de la prochaine rentrée scolaire.

lors que la présente n’a pas encore officiellement clos ses portes. Vite occuper la rue semble être le leitmotiv. Cela pour pouvoir vite faire de bonnes affaires. Hassan Kaboré, 14 ans en classe de 6e au lycée Vénégré, vend des cartes de recharge de cellulaires. Il affirme sans sourciller, travailler pour quelqu’un dont il ignore jusqu’au nom. "Avec mon patron, on partage les bénéfices. Je peux gagner entre 12 000 et 13 000 francs/mois que je donne à ma mère à garder", dit-il. Les enfants ont plusieurs choses en commun. Ils appartiennent pour la grande majorité, à des familles modestes. Pour ne pas dire pauvres. Ils vivent une situation de famille monoparentale avec la mère comme chef. Tel Serges Somé, vendeur de journaux et orphelin de père.

Avec 200 FCFA de bénéfices par jour, Serges espère rassembler 6 000 F/mois pour ses habits et ses fournitures à la prochaine rentrée scolaire. Venir en aide aux parents sonne comme une leçon bien apprise par ces enfants. Cela aurait été sans risques "s’ils étaient au moins en classe de 4e voire s’ils étaient âgés d’au moins 14 ans", avoue Mme Ouédraogo, enseignante. Pour elle, quelle que soit la noblesse de leurs intentions, cela ne se fait pas sans crainte. Le fait qu’ils côtoient les enfants de la rue peut les changer négativement, dit-elle. En plus, tout enfant habitué à manipuler l’argent, éprouvera des difficultés à bien suivre les cours en classe.

Alors que faire ! "Qu’ils apprennent un métier pérenne", répondent presque en chœur, M. Désiré Gansonré, agent à l’ECID et Idrissa Kologo, plombier. La menuiserie, la mécanique par exemple, présentent moins de dangers, selon M. Gansonré. Tout au moins, nos interlocuteurs sont tous du même avis sur le qualificatif à donner à ces enfants. "Ce ne sont pas des enfants de la rue", selon M. Ali Sangaré du CNRST.

Ces "commerçants en herbe" sont également unanimes sur les qualificatifs que l’on pourrait leur donner : "Nous ne sommes ni des enfants de la rue, ni des enfants dans la rue. Nous profitons de notre temps de repos pour préparer notre rentrée scolaire", précise Moussa Tiendrébéogo, élève en 4e au Marien N’Gouabi, vendeur de journaux au feu de la BCEAO. "Je vends pour mes habits de la rentrée scolaire de même que pour mes cahiers". Voilà qui est bien dit. Pourquoi uniquement des jeunes garçons. Pour Mme Ouédraogo, il ne faut pas se bercer d’illusions. "Les filles également sont dans le commerce. Elles préfèrent aller au marché aider leur maman. Ou simplement dans les salons pour aider à natter contre de quoi se préparer une bonne rentrée scolaire". Ces enfants font-ils contre mauvais cœur, bonne fortune !

En tout cas, en dépit du crédit positif que les "grands" portent sur leurs activités, subsistent des interrogations. Surtout que de plus en plus, certains enfants ne se limitent plus aux seuls lotus, cirage ou cartes de recharge de cellulaires. D’autres en effet, sont de véritables boutiques ambulantes. Bouba Nana, 12 ans en attente des résultats du CEP était déjà en train de vendre. "Son commerce" comprend des lotus, des brosses à dents, des peignes, des pâtes dentifrices, des paires de ciseaux. ... Le tout bien disposé dans un carton coupé avec art. Au-delà du fait que le petit Bouba peut se taper des kilomètres par jour, il y a le poids de cette "boutique". Sa boutique en effet, fait un peu lourd pour ses frêles épaules.

Mais comme le chemin de la rentrée scolaire prochaine passe par là, faut-il s’en plaindre ? Une chose est certaine, il faut se pencher sur cette question des "petits boulots" de vacances. Ils responsabilisent certes les enfants assez tôt. Ils posent la question réelle du manque de moyens des parents. Mais le revers peut être souvent douloureux. L’école de la rue a ses exigences parfois aux antipodes du souhait de réussite que chaque parent nourrit pour sa progéniture. Voir des enfants dans des bistrots tard, très tard la nuit, peut-il se justifier par la seule quête de moyens pour la rentrée scolaire ? Et si des parents derrière ce vœu de voir leurs enfants les aider, avaient simplement démissionné de leur première mission. Décidément, autres temps, autres réalités.

Jean-Philippe TOUGOUMA
jphilt@hotmail.com


Dans un document intitulé "Travail et trafic des enfants : situation au Burkina Faso", le Fonds des Nations unies pour l’enfance donne une définition de ce qu’est le travail des enfants.

Travail des enfants. Cette notion ne fait l’objet d’aucune définition internationale mais selon le séminaire d’Arusha (Tanzanie, avril 1997), la définition se pose en termes de "distinctions entre le travail autorisé, celui qui procure une formation et qui n’entrave pas l’éducation, l’épanouissement physique, mental et social de l’enfant, c’est-à-dire la socialisation de celui-ci, et le travail interdit qui conduit à l’exploitation économique et aux mauvais traitements causés aux enfants". Cette seconde forme renvoie aux pires formes de travail des enfants définis dans la Convention 182.

Au Burkina Faso, 51,7 % des enfants de moins de 14 ans exercent une activité économique, souvent dangereuse pour leur santé physique et morale, dans les domaines des travaux domestiques, du secteur informel, de l’agriculture et de l’élevage, de l’orpaillage. Après le Mali dont le pourcentage s’élève à 54,53 %, le Burkina fait donc partie des pays de la sous-région les plus touchés par ce phénomène.

Convention 182 (17/06/99, ratifiée par le Burkina Faso le 25/05/01).

Article 6

1. Tout membre doit élaborer et mettre en œuvre des programmes d’action en vue d’éliminer en priorité les pires formes de travail des enfants.

2. Ces programmes d’action doivent être élaborés et mis en œuvre en consultation avec les institutions publiques compétentes et les organisations d’employeurs et de travailleurs, le cas échéant en prenant en considération les vues d’autres groupes intéressés.

Source : JPT
Travail et trafic des enfants : situation au Burkina (UNICEF)

Sidwaya

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