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Zimbabwe : Il n’y a pas d’autre mot, Mugabe est fou

Publié le lundi 23 juin 2008 à 13h30min

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Le challenger de Mugabe au deuxième tour de la présidentielle le 27 juin au pays de Canan Banama, Morgan Tsvangirai, envisage de s’en retirer, a fait savoir un porte-parole de son parti, le Mouvement pour un changement démocratique (MDC).

Nous recevons une avalanche d’appels et de pressions de partisans (MDC) dans tout le pays, notamment dans les campagnes, pour que nous n’acceptions pas de participer à cette mascarade, a déclaré à Reuters le porte-parole du MDC, Nelson Chamisa, sans dire quand le parti se déterminerait. Le MDC devait décider hier dans la matinée de sa participation ou non au second round de la présidentielle. Morgan Tsvangirai tablait, avant même l’issue de la réunion de son parti à son Q.G., sur le fait que "c’est l’état d’esprit de l’opprimé qui est l’arme la plus redoutable contre l’oppresseur", citant en cela Steve Biko, le leader sud-africain du Mouvement de la conscience noire, mort en détention sous l’apartheid.

Il a, par ailleurs, ajouté que personne n’a le droit d’annuler le second tour. Avec cette voie tracée aux représentants du MDC dans toutes les provinces du pays de feu Josua Nkomo, leader-fondateur de la Zimbabwe Africain People Union (ZAPU), dont la rivalité avec Mugabe, de la ZANU, avait valu au Matabereland (fief de Nkomo) un massacre en règle de ses habitants, peut-être qu’à l’heure où vous nous lisez, le MDC a décidé de maintenir son candidat dans la course à la présidentielle. Cela, d’autant plus que Tsvangirai semblait convaincu que c’est juste pour sauver la mise à Mugabe, en lui évitant un second camouflet au autre tour, que l’Afrique du Sud aurait prôné la formation d’un gouvernement d’Union nationale, comme au Kenya, en lieu et place d’un second tour, qui, malgré le régime de terreur de Harare, pourrait déboucher sur le désaveu national de l’octogénaire de Harare.

Le MDC a déclaré qu’au moins soixante-dix de ses partisans ont été massacrés dans les violences électorales depuis que Mugabe, qui brigue à 84 ans un nouveau mandat, a terminé, infamie des infamies, seulement second au premier tour le 29 mars, le premier ayant été cet antihéros de la guerre de libération, Morgan Tsvangirai. Et toute cette campagne d’assassinats, parce que, comme dit dans notre commentons l’événement du n° 7150, "... Robert Mugabe, qui a refusé, contre toute évidence, le K.-O. du premier tour, ne s’est pas arrangé pour avoir un second tour pour ensuite donner le fauteuil présidentiel à qui que ce soit".

Conséquence : "... au fur et à mesure que la date fatidique du 27 mars approche, le vieux Bob opère des tours de vis tous azimuts, resserrant un étau chaque jour plus étouffant autour d’une opposition qui peine à faire campagne" (voir commentons... ci-dessus cité). Cet étau s’est encore resserré autour de l’opposition, puisque depuis jeudi, le numéro deux du Mouvement pour le changement démocratique, Tendai Biti, encourt la peine de mort par suite de son inculpation pour "subversion", selon France 24.

A en croire l’acte d’inculpation, Tendai Biti aurait, dit-on, truqué le résultat du premier tour du scrutin le 29 mars, en versant des pots-de-vin à des agents électoraux ; une accusation à laquelle s’ajoutent "publication de fausses nouvelles" et "insultes au président". La cerise sur le gâteau dans cet acharnement judiciaire, vous la connaissez ? Si non, sachez qu’un tribunal de Harare a décidé vendredi de le maintenir en détention jusqu’au 7 juillet, après le second round de la présidentielle donc, ce qui, ipso facto, aurait pour conséquence de le mettre hors-campagne électorale, chose qui n’est pas sans impact négatif pour le MDC, car un numéro deux de parti, ce n’est certainement pas le moindre de ses ouvriers !

Par ailleurs, à huit jours du second tour de la présidentielle, "douze corps ont été découverts dans plusieurs régions du pays. La plupart des victimes semblent avoir été torturées à mort par leurs ravisseurs", a annoncé Amnesty International sur la base de témoignages. L’épouse du maire élu de Harare, retrouvée morte après son enlèvement avec son fils en début de la semaine passée en fait-elle partie ? Selon le porte-parole du parti, Nelson Chamisa, "La situation empire dans le pays, et un scrutin libre et équitable n’est plus possible", a-t-il dit.

Une déclaration à prendre comme une révélation divine, d’autant plus que, poussés par ces développements, les leaders des 14 pays de la Communauté pour le développement de l’Afrique australe (SADC), d’habitude divisée sur la crise au Zimbabwe et réticente à critiquer le régime zimbabwéen, se sont rangés à cet avis : "La situation s’est détériorée", a déclaré ainsi le chef de la diplomatie tanzanienne, Bernard Membe, au nom des ministres des Affaires étrangères de la SADC, réunis mardi ; "La SADC craint que les élections au Zimbabwe ne soient ni libres ni équitables, en raison de la situation politique et économique actuelle dans le pays", a-t-il ajouté.

En plus de cela, les ministres des Affaires étrangères du Swaziland, de la Tanzanie et de l’Angola, considérant sans doute qu’on est allé trop loin dans l’iniquité pour pouvoir en revenir, que l’irréparable a déjà été commis, ont estimé, pour leur part, que le second tour ne pourrait être libre ni équitable quoiqu’on fasse.

En résumé, assassinats, intimidations, pressions diverses, chantages, acharnements judiciaires, interdictions de meetings, orchestrés contre l’opposition, voilà la terreur érigée en campagne politique par Mugabe. Sans oublier le black-out médiatique total, le Zimbabwe Broadcast corporation (ZBC) ayant décidé de ne pas couvrir les manifestations du MDC. En raison justement de ce boycott médiatique, le message de Morgan Tswangirai dans lequel le leader du Mouvement pour le changement démocratique a souligné qu’une "vague de brutalité" balaie le Zimbabwe depuis la déroute du régime au premier tour de la présidentielle a été diffusé par courrier électronique, l’un des seuls moyens, avec le porte-à-porte, dont il dispose pour tenter de joindre ses électeurs.

Même si, la justice du pays, cette lueur d’espoir dans la nuit noire du Zimbabwe, a autorisé samedi la tenue dimanche à la mi-journée d’un meeting du MDC, que la police avait, elle, précédemment interdite. Tout le problème du Zimbabwe à l’heure actuelle est que si la justice dit le droit en toute indépendance, en toute âme et conscience, la police, l’armée et toutes les forces de défense ou de sécurité sont, quant à elles, de parfaits cerbères du régime. Si fait que, la justice n’ayant pas les moyens de sa "politique", elle a beau dire le droit avec D, cela reste lettre morte quand ça n’arrange pas Mugabe et sa clique.

Nous disons bien "pour tenter de joindre" et non pour joindre effectivement, car a déploré Tsvangirai, "nous passons beaucoup de temps à assister aux audiences, c’est autant de temps de campagne électorale que nous perdons et ç’a un effet direct". Une autre mesure, qui vise, elle, à terroriser plus spécialement les électeurs est la présence de policiers dans les bureaux de vote sur décret ad hoc de Mugabe. "Chaque électeur sait donc à quoi s’en tenir et ce à quoi il s’expose s’il se piquait d’être téméraire", c’est-à-dire de voter Tsvangirai.

C’est dans ce contexte de terreur pour atteindre un objectif politique (définition du terrorisme), le président sud-africain, Thabo Mbeki, ce médiateur trop partial pour faire mouche que ce fût en Côte d’ivoire ou que ce soit au Zimbabwe, aurait (cela a été démenti par le porte-parole du MDC, Nelson Chamisa) tenté mercredi, lors d’une mission de médiation, de convaincre son homologue zimbabwéens d’annuler le second tour pour former un gouvernement d’union avec le chef de l’opposition, selon la presse sud-africaine, qui a évoqué jeudi des sources anonymes. Une option rejetée par l’ambassadeur des Etats-Unis au Zimbabwe, James Mc Gee, qui ne croit pas qu’un gouvernement négocié répondrait aux vœux de la population du Zimbabwe : "La tenue de cette élection est absolument nécessaire pour que les vœux de la population soient pris en compte, aurait-il affirmé à Pretoria". Avec la terreur comme mode de scrutin ?

Juste au moment où nous bouclions, nous avons appris que le challenger de Mugabe a finalement jeté l’éponge, cela, dit-il, pour ne pas exposer la vie des électeurs, puisque Mugabe a dit haut et fort et à qui a des oreilles pour entendre que les balles de fusils l’emporteraient sur les bulletins de vote et que seul Dieu peut lui faire quitter le pouvoir.

L’abandon de Tsvangirai ouvre à Mugabe la voie, minable il faut le dire, d’une victoire sur tapis vert. Mugabe, qui vaincra sans péril, triomphera donc sans gloire, d’autant plus qu’il inaugure peut-être là une nouvelle ère de l’Afrique des dictatures, où, désormais, on pourrait persécuter et terroriser à volonté ses contempteurs jusqu’à les réduire à battre en retraite pour sauver leurs vies et celles de leurs partisans. Tout cela, dans l’indifférence lâche de la communauté internationale, à commencer par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine. Vraiment, nous l’avons dit dans un précédent "Commentons l’événement", Jupiter rend fou ceux qu’il veut perdre.

La rédaction

L’Observateur

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