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Déclaration de l’UNDD sur la crise ivoirienne : Trop suspecte pour être honnête

Publié le mardi 1er juin 2004 à 07h19min

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Hermann Yaméogo

On a coutume de dire que la politique n’a rien à faire de la probité et de la morale. Cela est d’autant plus vrai que ce qui se passe à nos portes en Côte d’Ivoire soulève la réprobation de toute la communauté internationale. Alors que la presse nationale dans une attitude unanimiste condamnait le limogeage de trois ministres du gouvernement de réconciliation nationale par Laurent Gbagbo, voilà que tombe au même moment dans les rédactions une déclaration de l’UNDD signée par Me Hermann Yaméogo himself.

Elle a la particularité de prendre le contre-pied de toutes les lectures faites sur la situation ivoirienne. Presque à tomber à la renverse !

On a beau aimer Laurent Gbagbo, force est de reconnaître que sa gestion de la crise depuis Marcoussis ressemble à un cirque dans lequel les numéros spectaculaires se succèdent aux numéros loufoques et clownesques. Chaque jour qui passe apporte son lot soit de massacres de populations, soit d’enlèvements et de disparitions de journalistes, soit de décisions touchant le degré zéro de la politique.

Pendant que tout un chacun se demande "mais où va la Côte d’Ivoire", voilà que Me. Hermann Yaméogo trouve sujet à travers le colonel Moammar Kadhafi à accuser les autres (sic) d’être fautifs et responsables des dérives de son ami Laurent Gbagbo.

Sans nuance et sans prendre de gants, ils crucifient les Africains et "leur propension à se défausser de leur obligation sur les pays riches et les organisations internationales pour la résolution des différends africains".

Avant Marcoussis, il y a quand même eu Lomé et après il y a eu Accra sans oublier les efforts de bons offices des présidents gabonais, sénégalais, malien et surtout ghanéen et nigérian. Excusez du peu, mais pour les besoins de la cause n’est-ce pas que la mémoire sélective et défaillante arrangeait les affaires de l’UNDD et de son patron.

Bongo, Wade, allez vous faire voir

Si Laurent Gbagbo doit s’en prendre à quelqu’un c’est bien à lui-même et pas à quelqu’un d’autre. On a souvenance qu’avant que la crise ne prenne une telle ampleur, plusieurs chefs d’Etat africains se sont portés au chevret de la Côte d’Ivoire.

Mais le hic, c’est que Laurent Gbagbo ne voulait entendre un autre discours que celui chantant ses mérites et crucifiant les "rebelles". Toute tentative d’analyse lucide de la situation par un de ses pairs recevait une volée de bois vert au point que les uns après les autres, chacun a pris ses distances.

En effet, en faisant fi de toutes les commodités seyant à une diplomatie intelligente, il a envoyé paître un doyen comme Omar Bongo, sans oublier Abdoulaye Wade qui pour avoir assené une vérité connue même des plus niais a été taxé de tous les noms d’oiseaux existant sur la planète terre.

Il est bien possible que les rebelles n’aient pas raison et doivent être voués aux gémonies. Mais toute crise politique s’analyse d’abord à partir des faits et de l’histoire. Quand des citoyens d’un pays sont chassés de chez eux, ils n’ont d’autres issues que de se défendre et de réclamer leur droit d’appartenance et de citoyenneté. Si c’est cela la rébellion, alors elle n’a pas fini d’avoir devant elle de très beaux jours.

Pourquoi un tel entêtement ?

Cet entêtement qu’a l’UNDD à vouloir défendre l’indéfendable ,à jouer le Zorro, seul contre tous, ressemble, à s’y méprendre à une reconnaissance de dette. On a beau décortiquer les termes de cette déclaration, le renvoi d’ascenseur à un bienfaiteur avec zèle de griot est manifeste.

Tout le monde y a pris pour son grade. Si les Africains, la France et son ministre Michèle Alliot-Marie de la Défense ont été sans ménagement fustigés, on comprend mal que les organisations internationales, généralement reconnues indépendantes et dont les résultats des investigations sérieux et crédibles, soient autant vilipendées.

Il faut que l’UNDD ait vraiment les mains liées au pouvoir de Laurent Gbagbo pour se laisser aller à autant de légèreté et de manque total de lucidité politique. Un manque de lucidité d’autant plus criard que ce parti qui aspire à diriger voit dans les paroles de Kadhafi, une "opportunité majeure" de règlement de la crise.

Si vraiment la crise ivoirienne pouvait se dénouer par de simples coups de gueule d’un chef d’Etat, il y a longtemps que tous les conflits en Afrique appartiendraient à l’histoire. Mais il faut laisser rêver les inconditionnels de Gbagbo. Car malmené de partout à l’intérieur comme à l’extérieur, le chef du FPI s’accroche à toutes les opportunités telle à une bouée de sauvetage.

Les autres partis signataires des accords se sont mis en congé du gouvernement, le Premier ministre Seydou Diarra menace de démissionner, le porte-parole des "Forces nouvelles" déclare ne plus reconnaître Laurent Gbagbo comme président, même parmi ses inconditionnels du PS français, des bémols se font entendre. Alors l’UNDD peut toujours aligner les déclarations à l’emporte-pièce que "le pouvoir ivoirien" ne sortira pas du bourbier dans lequel il est et continue de s’enfoncer.

Et lorsqu’on apprend que le président Français a sommé Laurent Gbagbo de ne pas limoger Seydou Diarra comme il avait l’intention de le faire, les choses se remettent en place. Pour la gouverne de l’UNDD et de son patron, ce n’est pas Kadhafi qui dicte la loi en Côte d’Ivoire, mais bel et bien la France. Mais Hermann a fait ce qu’il devait faire : prouver que son voyage en pleine tourmente en Côte d’Ivoire avait un prix qu’il est en train de payer et au plus fort.

Souleymane Koné

L’hebdo

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