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L’école burkinabé n’est-elle qu’une fabrique de chômeurs ?

Publié le lundi 6 août 2007 à 06h39min

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L’école est un système, tout comme une fabrique. L’une et l’autre ont pour vocation de transformer une matière brute donnée pour en faire un produit semi-fini ou fini. Scolariser et fabriquer participent donc du même geste : il s’agit de se saisir d’un objet ou d’un sujet à l’état naturel, de le soumettre à une transformation systématique pour créer du nouveau à partir de l’ancien.

Inutile de dire que dans ce processus, la fin justifie, exactement, les moyens. Celui qui veut obtenir des boîtes d’allumettes au bout de ses peines dans une fabrique, sait ce qu’il faut rassembler pour commencer l’opération. En plus, il devrait ne rien ignorer des techniques de transformation de ces matières premières.

De la même manière, c’est la fin de l’école burkinabè qui devait justifier ses moyens. Il s’agit du modèle qu’elle se donne, la structure en laquelle elle se stabilise et la vision qui la distingue. Celle qui la crée comme école burkinabè différente, par exemple, de l’école française ou chinoise. Différente : non par coquetterie identitaire, mais par la nécessité qu’impose l’action utilitaire.

En somme-nous là ? A quoi sert l’école burkinabè : à fabriquer des chômeurs ou à former des concepteurs de développement ? Pourquoi les amphithéâtres sont-ils de plus en plus sollicités, alors qu’en même temps la tête de nos enfants se vide, et que l’avenir de chacun se conjugue à l’infinitif hypothétique ?

Commençons par asséner une lapalissade : tout ce qui se donne pour impossible ne peut être réalisé si personne ne l’a jamais rêvé. L’invisible ne se manifeste qu’à ceux qui tiennent à le voir. L’impensable finit par céder à une minorité exigeante pour devenir pensable pour tous. Parcourons le chemin du développement et nous verrons qu’il est pavé de ce qui, jadis ou naguère, était compté pour impossible, invisible, impensable.

Malheureusement, nous vivons dans un pays où ceux qui, de droit, doivent remplir cette fonction magnifique du rêve s’infantilisent à brûler des pneus, chaque année que Dieu fait. A jeter le Restaurant universitaire ou RU à la rue. A jouer au cache-cache avec leurs encadreurs et formateurs pour des raisons pas toujours avouables. A organiser des marches historiques pour revendiquer l’équivalent du prix d’une sauterelle.

A broyer du noir surtout en plein jour. A n’avoir pour bibliothèque fonctionnelle que le fonctionnement du système D. Or, un pays dont les jeunes gens sont incapables de rêver, a perdu son âme, c’est-à-dire son moteur intime qui fait de lui un corps viril au sens mâle
du terme.

C’est cela l’ultime et véritable corruption, le reste n’est qu’escroqueries et coups fourrés. Etre un corps sans âme et continuer cependant à se mouvoir sans direction est un désastre mental qui touche à notre conscience collective. Quelle est la genèse de ce désastre national ?

L’école qui est toujours la nôtre a été conçue pour former des auxiliaires indigènes du système colonial et non pour former des concepteurs de développement. Son programme, sa pédagogie et sa finalité sont de nature exogène. Pourtant, nous tenons à en faire le levier d’un développement endogène. Est-ce possible ? Dans une interview accordée à Africa International en 1998, l’astronaute d’origine malienne Cheick Modibo Diarra dit : “ Il suffit de regarder le monde qui nous entoure ! Il y a quarante ans, la Corée du Sud avait un PNB inférieur à celui du Mali ou du Burkina et aujourd’hui, les Coréens sont en train de faire la concurrence au Japon.

Et s’ils en sont arrivés là, c’est parce qu’à un moment donné, ils ont réalisé que la clé de tout développement passe par l’éducation, la valorisation des ressources humaines. Parfois, il vaut mieux être un peu affamé, juste manger pour subvenir à ses besoins, et investir le reste dans la culture. Dans le futur ”. L’exemple de la Corée et de l’Asie en général prouve, clés en mains, que l’école et l’instruction sont donc le (...) ceux qui, de droit, doivent remplir cette fonction magnifique du rêve s’infantilisent à brûler des pneus, chaque année que Dieu fait. A jeter le Restaurant universitaire ou R.U à la rue. A jouer au cache-cache avec leurs encadreurs et formateurs pour des raisons pas toujours avouables. A organiser des marches historiques pour revendiquer l’équivalent du prix d’une sauterelle.

secret du développement. La chose de souveraine importance est, maintenant, de nous demander : Quelle école et quelle instruction ? L’école, telle qu’elle a fonctionné depuis la colonisation jusqu’à nos jours au Burkina, peut-elle nous propulser au rang de la Corée dans la course mondiale au développement ?

Nous ne le pensons pas. En effet, l’école burkinabè souffre d’une malformation congénitale. La survalorisation des diplômes et du programme français, la sacralisation de la langue française, la conservation des structures de l’administration coloniale, la planification du développement sous l’autorité du modèle français, le fétichisme de la fonction publique... sont, entre autres, des freins à l’épanouissement d’une école vraiment nationale, créée, structurée et fonctionnant pour résoudre des problèmes nationaux Le baccalauréat (BAC) burkinabè est un Bac français, à très peu de choses près.
Nous en sommes fiers (...).

L’école burkinabé commencera à changer vraiment quand des Burkinabè se sentiront humiliés d’avoir été contraints à préparer un diplôme dont ils ne savent qu’en faire. Quand de tels Burkinabè seront à l’Assemblée nationale, au Rectorat, au Gouvernement, l’école burkinabé méritera son nom et sa vocation, comme l’école Coréenne mérite les siens. Qui a déjà rêvé, une seule nuit, que le colonisateur mettrait en place un type d’école dont la finalité serait de supprimer, de haut en bas, le rapport domination/servitude qui existe entre lui et nous ? Et qui se maintient en sa faveur.

Mais la plus grande atteinte à la “souveraineté” de l’école burkinabé réside dans la suppression, ou en tous les cas, le pervertissement de la vision que nous devrions avoir du futur. Car c’est le futur qui justifie le type d’école que nous voulons bien nous donner. Une vision, c’est-à-dire une trajectoire humainement et économiquement viable sur laquelle se transporte et se transpose, consciemment, un projet de société.

On dit généralement que le leader doit voir loin. Le simple fait que ceux des leaders africains qui se sont présentés à leurs peuple avec une telle vision, aient été laminés par les grandes puissances devrait nous faire comprendre, parlant de ce fait, “qu’un trésor est caché dedans". Sans leader aux avant- postes d’une vision collective, celle-ci s’embrouille et la “masse” qui s’y reconnaissait panique et se disperse. C’est pour cette raison, aussi, que l’Afrique ne fait que dire bonsoir au développement depuis un demi-siècle.

Si l’école burkinabè n’est pas génératrice d’enthousiasme, d’espoir et de valeurs, elle est un leurre pour la société et un calvaire pour l’élève et l’étudiant. Même avec “le froid” du mois de décembre, on voit de petits vendeurs de cartes téléphoniques dans la rue et à des heures tardives : parce qu’ils y gagnent quelque chose et savent qu’ils gagnent. Les“ bandes d’étudiants” qui crapahutent à Zogona ne sont pas fous pour être sages, tant qu’ils ne verront pas clairement que demain sera mieux qu’aujourd’hui, avec l’école et l’université. Et qu’ils y trouveront de quoi investir leurs rêves, leurs énergies intellectuelle et physique.

En attendant et pour sûr, l’école burkinabè met au monde de nouvelles créatures qu’on appelle des chômeurs. Nous le savons, nul n’a le droit de jouir du statut de chômeur s’il n’a d’abord honoré ses devoirs d’élève et d’étudiant.

Comme la France donc, le Burkina se développe : il a ses chômeurs, purs produits sortis de la même fabrique. Mon cousin El-Ali, demeurant à Sakro, qui ne sait rien faire d’autre que d’apposer ses empreintes digitales sur ses papiers officiels, ne s’est jamais déclaré chômeur, lui ! Il s’occupe, heureusement pour nous tous, de ses oignons, de ses pintades, de ses cabris et j’en passe.
L’école burkinabè met au monde de nouvelles créatures qu’on appelle des chômeurs. Et pourtant, cousin El-Ali, demeurant à Sakro, qui ne sait rien faire d’autre que d’apposer ses empreintes digitales sur ses papiers officiels, ne s’est jamais déclaré chômeur.

C’est à ce prix que d’aucuns, à Ouagadougou, s’offrent des cocktails très prisés par les ressortissants du monde entier. M. Ouédraogo Dupont est du même avis que nous. Quant aux nouvelles créatures de l’école, laissez-nous les saluer : Mesdames et Messieurs, soyez les bienvenus ! Que l’avenir vous soit léger ! L’école vous a mis au monde sur la terre des hommes intègres. Sur cette terre, tout n’est pas noir, mais rien n’est rose. Les fins de mois y sont difficiles, surtout les 25 derniers jours. Si l’envie vous vient d’aller en “ clando ” tenter votre chance en France, nous vous y encourageons fortement. Puisque vous avez été formés à préférer le pain français à la galette de mil, allez le manger où il se trouve. Faites seulement attention aux chiens méchants et tout ira bien pour vous.

Si vous restez au Burkina, au lieu de passer les beaux jours de soleil que Dieu nous donne à embrocher, nous ne savons qui, nous vous conseillons de vous en servir pour, de temps en temps, relire cette pensée de François Giroud : “ Choisir les gouvernants par l’élection c’est bien. Ne pas compter sur eux pour changer, ni même gérer la vie, c’est mieux. ”

Ibrahiman SAKANDE
Email : ibra.sak@caramail.com

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 7 août 2007 à 01:32, par KgB En réponse à : > L’école burkinabé n’est-elle qu’une fabrique de chômeurs ?

    Je ne savais pas que dans un mois il y avait autant de jours de sorte qu’on peut parler "des 25 derniers" du mois(voir avant dernier paragraphe de l’article). Si ya "25 derniers" c’est que ya "25 premiers". Maintenant, il me faudra l’aide de notre journaliste pour savoir combien de jours il ya entre les "25 derniers" et les "25 premiers" de chaque mois. Ce qui est sur, c’est qu’un tel mois dois avoir certainement au moins 100 jours. Voici une belle equation qui pourra certainement etre utilisee au prochain Test d’entree a Sidwaya.

    On savait qu’au 21eme siecle, il allait avoir des changements, mais personne n’avait imagine que cela allait commencer par le prolongement du nombre de jours dans le mois.

    Faut pas facher, c’est les vacances, et nous s’amuser.

  • Le 9 août 2007 à 17:20, par Guetamba KOMBELEMSIGUIRI En réponse à : > L’école burkinabé n’est-elle qu’une fabrique de chômeurs ?

    Bel article !
    Cependant, il faut souligner que l’école burkinabè, héritière de son aïeul française, est une machine à "reproduire la classe sociale dominante". La préoccupation de cette classe sociale est la perpétuation de son pouvoir de diriger et conduire les affaires. Pour y parvenir, elle utilise plusieurs astuces dont principalement :
    - La rélégation des intérêts du peuple à accéder un savoir digne de lui permettre de se prendre en charge ;
    - La conduite de politiques éducatives loin des préoccupations du peuple ;
    - Le laisser aller dans la conduite des affaires du monde de l’éducation ;
    - Le clientélisme dans les nomintations à des fonctions pour des enseignants aux ordres, briseurs des intérêts de leurs collègues ;
    - Les surcharges des classes ;
    - La mise en place d’une stratégie aveugle dite de developpement de l’Ecole à travers cette formule "Une classe, un adulte" en lieu et place "Une classe, un enseignant". Comme les enfants laissés à la maison gènent, il faut trouver des adultes pour les occuper ;
    - Le pilotage à vue du système éducatif et le manque de vision politique en la matière.

    En plus des comportements ci-dessus énumérés, la classe dominante nourrissant de se perpétuer à décider d’envoyer ses enfants s’instruire dans de grandes écoles. Ainsi leurs enfants une fois revenus au pays seront appelés à diriger.

    Il est fort regrettable, le peuple gangréné par la misère a perdu tout repère et est incapable de se prendre en charge en défendant ses intérêts.

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