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De l’OUA au gouvernement de l’Union : vers les Etats Unis d’Afrique (Suite)

Publié le mercredi 27 juin 2007 à 08h01min

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II. LA CREATION DE L’UNION AFRICAINE

On l’a vu aussi : devant la montée des périls, les dirigeants africains sont capables de réajustements spectaculaires.

C’est ainsi que devant la poussée du phénomène de mondialisation et le renforcement ou la création de grands ensembles économiques dans d’autres parties du monde, et pour relever les défis auxquels le continent et les peuples africains sont désormais confrontés, les Chefs d’Etat et de gouvernement ont décidé, au cours de leur quatrième session extraordinaire à Syrte, Libye, le 9 septembre 1999, de transformer l’OUA en Union Africaine avec les objectifs suivants : a) le raccourcissement de la durée de mise en œuvre du Traité d’Abuja ; b) le renforcement des Communautés Economiques Régionales et c) l’accélération de la création des institutions de la Communauté Economique Africaine à savoir la Banque Centrale africaine, le Fonds Monétaire Africain et la Banque Africaine d’Investissement (Déclaration de Syrte du 9-9-99).

Il faut préciser que la Déclaration de Syrte est un compromis entre les dirigeants africains qui voulaient la création des « Etats-Unis d’Afrique » et ceux qui voulaient une Communauté d’Etats membres souverains. C’est pourquoi, tous les objectifs clé de la Charte de l’OUA ont été retenus dans l’Acte constitutif de l’Union africaine, y compris les objectifs suivants : (1) promotion de l’unité et de la solidarité entre les Etats et les peuples africains ; (2) la défense de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance des Etats membres ; (3) la promotion de la coopération dans tous les domaines de l’activité humaine afin d’élever les conditions de vie des peuples africains ; (4) l’encouragement à la coopération internationale en tenant compte de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration des droits de l’homme.

Cependant l’Acte constitutif énumère d’autres objectifs non contenus dans la Charte de l’OUA : (1) accélération de l’intégration politique et socio-économique du continent ; (2) promotion de la paix, la sécurité et la stabilité sur le continent ; (3) promotion des principes et des institutions démocratiques, de la participation populaire et de la bonne gouvernance ; (4) promotion et la protection des droits de l’homme et des peuples conformément à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme ; (5) promotion d’un développement soutenu au niveau économique, social et culturel ainsi que de l’intégration des économies africaines ; (6) coordination et l’harmonisation des politiques entre les Communautés économiques régionales existantes et futures afin d’atteindre de façon graduelle les objectifs de l’Union.

Au niveau des principes, il est tout aussi symptomatique de constater que certains sont communs à la Charte de l’OUA et à l’Acte constitutif de l’Union Africaine : égalité souveraine et interdépendance entre les Etats membres de l’Union ; respect des frontières existant au moment de l’indépendance ; résolution pacifique des conflits entre Etats membres par les moyens appropriés qu’aurait décidé l’Assemblée ; interdiction de l’usage de la force ou de la menace entre Etats membres de l’Union ; non ingérence des Etats membres dans les affaires intérieures des autres Etats.

Cependant l’Acte constitutif de l’Union Africaine énonce de nouveaux principes tels que : le droit de l’Union d’intervenir dans un Etat membre sur décision de la Conférence dans certaines circonstances graves à savoir les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l’humanité ; la coexistence pacifique entre les Etats membres de l’Union et leurs droits de vivre dans la paix et la sécurité ; le droit des Etats membres de solliciter l’intervention de l’Union pour restaurer la paix et la sécurité ; la promotion de l’auto dépendance collective dans le cadre de l’Union ; la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes ; le respect des principes démocratiques, des droits de l’homme, de l’Etat de droit et de la bonne gouvernance ; la promotion de la justice sociale pour assurer un développement économique équilibré ; le respect du caractère sacro-saint de la vie humaine et condamnation et rejet de l’impunité, des assassinats politiques, des actes de terrorisme et des activités subversives ; la condamnation et rejet des changements anti-constitutionnels de gouvernements ; la participation des peuples africains aux activités de l’Union ; la mise en place d’une politique de défense commune pour le continent africain.

Du point de vue des Institutions, l’Union africaine est nettement plus élaborée que l’OUA. En effet, cette dernière n’avait seulement que quatre institutions clé, à savoir : l’Assemblée des Chefs d’Etat et de Gouvernement, le Conseil des Ministres, le Secrétariat général et la Commission de Médiation, de Conciliation et d’Arbitrage tandis que l’Acte constitutif a institué les Organes suivants pour l’Union africaine : la Conférence de l’Union ; le Conseil Exécutif ; la Commission ; le Parlement Panafricain ; la Cour de Justice ; le Comité des Représentants permanents ; les Comités Techniques Spécialisés ; le Conseil Economique, Social et Culturel ; les Institutions Financières.

L’Acte constitutif laisse cependant la porte ouverte à la création d’autres Organes qui s’avéreraient nécessaires, en donnant la possibilité à la Conférence de décider. C’est d’ailleurs grâce à cette disposition que celle-ci a décidé, lors du Sommet de Lusaka, en juillet 2001, d’inclure parmi les Organes de l’UA, l’Organe central du Mécanisme de prévention, de gestion et de règlement des conflits qui, par la suite sera remplacé par le Conseil de paix et de sécurité (CPS). Depuis lors, un certains nombres d’organes ont effectivement vu le jour : le Parlement panafricain, la Cour de Justice, le Conseil de paix et de sécurité, le Conseil économique, Social et Culturel. Il faut cependant noter qu’aucune des Institutions financières prévues n’a été créée jusqu’à ce jour.

Même si du point de vue de l’intégration africaine l’Union africaine constitue une avancée significative, il n’en demeure pas moins que l’Acte constitutif comporte des lacunes qui pourraient l’empêcher d’atteindre ses objectifs. Certes, il a suscité de nouveaux espoirs de mise en place d’un cadre continental plus adapté pour réaliser les aspirations communes des peuples africains en mettant un accent particulier sur la nécessité d’une vision commune pour l’Afrique et de partenariats effectifs entre les gouvernements et toutes les couches de la société. Toutefois, une des plus grandes lacunes de l’Acte constitutif est qu’il se présente comme un cadre de coopération intergouvernemental alors que l’Union africaine a été conçue comme un cadre d’intégration. C’est ainsi, par exemple, que l’Acte constitutif ne définit pas clairement les pouvoirs et fonctions des divers organes ni leurs liens opérationnels dans le processus d’intégration.

La Conférence, qui est l’organe suprême de l’UA, prend la plupart des décisions, mais ses réunions portent essentiellement sur des questions d’actualité, généralement les crises politiques et les conflits, alors qu’elles devraient se consacrer davantage aux questions directement liées aux processus d’intégration régionale et continentale (article 9a de l’AC : la Conférence « définit les politiques communes de l’Union »). Il en est de même du Conseil exécutif et du Comité des représentants permanents.

La Commission a été définie dans l’Acte constitutif comme un secrétariat(article 20-1 de l’AC : « il est créé une Commission qui est le secrétariat de l’Union », alors que, dans la pratique, les Etats membres, les pays et organisations non africains, ainsi que les organisations internationales la perçoivent comme l’organe principal d’élaboration et de mise en œuvre des politiques de l’Union africaine. Toutefois, bien que conçu comme un secrétariat dans l’Acte constitutif, les statuts de le la Commission lui confère un pouvoir exécutif dans certaines domaines. Mais la Commission n’a pas les ressources humaines et financières adéquates pour exercer ce pouvoir et mener a bien toutes ses activités.

Les domaines d’activités de la Commission, qui correspondent à des départements, sont vastes et manquent de précision, ils couvrent la paix et la sécurité, les affaires politiques, les affaires économiques, les affaires sociales, l’agriculture et l’économie rurale, les ressources humaines, le commerce et l’industrie, et les infrastructures. De plus, le cadre actuel de gestion, en particulier le fait que les responsables des départements soient élus directement pour des fonctions déjà précisées, ne favorise pas le travail d’équipe, ce qui est essentiel pour le projet d’intégration continentale.

Il y a aussi un certain nombre de contraintes socio-politiques qui empêchent une réelle intégration africaine. On peut citer les contraintes suivantes en particulier.

1. Les Etats en Afrique sont essentiellement des territoires qui sont contigus plutôt que des Etats nations. Alors que l’idée de l’Etat continue à avoir une certaine résonance, l’appel pour une Afrique unifiée aussi bien en terme d’économie qu’en terme politique, montre que l’Etat africain dans sa forme actuelle pourrait devenir à terme un obstacle et une barrière artificielle à l’unification ultérieure du continent.

2. Il est clair qu’il y a une incongruité entre l’accent mis sur la souveraineté nationale d’une part et l’aspiration forte à une intégration économique et politique d’autre part qui, en quelque sorte, rend obsolète les préoccupations de souveraineté politique.

3. Les préoccupations de sécurité étroites des Etats, définie en terme de sécurisation et de viabilisation de l’Etat, de ses institutions et de ses démembrements, pourraient être un empêchement majeur à l’intégration et à la coopération.

4. Le manque de volonté politique de la part des dirigeants africains ainsi que le manque de ressources humaines et financières adéquates est aussi un obstacle majeur pour la réalisation de l’Union.

A suivre

Ki Doulaye Corentin (Amb.)
Ancien Directeur du Centre de gestion des conflits de l’OUA/UA,
Ancien Responsable du Groupe de travail de l’UA sur le Darfour.

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