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Rapport sur les massacres en Côte d’Ivoire : passer à la vitesse supérieure

Publié le mercredi 5 mai 2004 à 08h28min

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La Commission d’enquête des Nations unies sur les
répressions qui ont suivi la manifestation de l’opposition, le 25
mars dernier à Abidjan, vient de pondre son rapport. Il est, on ne
peut plus accablant. "Les plus hautes autorités ivoiriennes" ont
organisé "une opération soigneusement planifiée et exécutée"
par les forces de sécurité et des milices, c’est-à-dire la police, la
gendarmerie, l’armée ainsi que les unités spéciales et les
forces parallèles.

C’est un désaveu cinglant pour le président
Laurent Gbagbo et cela, pour trois raisons évidentes. Tout
d’abord, le bilan des tueries, établi par la police nationale, au
lendemain du massacre, faisait état de 37 morts alors que la
commission d’enquête parle d’au moins 120 personnes tuées,
274 blessées et 20 portées disparues. Une comptabilité
macabre qui pourrait s’allonger dans la mesure où des "corps
(auraient été) transportés et enterrés quelque part".

Deuxième
démenti : alors que le président ivoirien Laurent Gbagbo
prétextait une tentative d’infiltration et d’insurrection des Forces
nouvelles pour s’emparer du pouvoir, le rapport indique qu’en
réalité, il n’y avait aucune menace, "aucune infiltration venue du
nord" et par dessus tout, "aucune tentative d’insurrection
populaire contre l’Etat".

C’est dire qu’il n’y avait aucun péril en la
demeure et que les autorités ivoiriennes étaient de mauvaise
foi. Le troisième démenti indique que les forces de sécurité
étaient bel et bien impliquées dans la sale besogne, au même
titre que les forces parallèles. Si le rapport épingle le régime, il
n’apporte, en réalité, rien de nouveau à la vérité. Ce rapport
enfonce une porte déjà grandement ouverte.

Il serait en effet
surréaliste de prétendre que le régime n’est pour rien dans les
massacres du 25 mars dernier alors qu’il a permis aux forces
de l’ordre de réprimer à balles réelles les manifestants. A
l’évidence, le régime savait que des manifestants seraient
fauchés. En vérité, le contenu de ce rapport ne surprend guère.
On émettait quelques réserves quant à la qualité du travail
qu’allait produire cette commission d’ enquête. D’autant que la
Côte d’ivoire constitue un enchevêtrement d’intérêts, une
jungle infestée de prédateurs financiers en tous genres.
Dénoncer les travers du régime équivaudrait à remettre en
cause des intérêts bien connus.

Dans l’histoire de l’Afrique,
dans sa partie francophone en tout cas, on n’a pas souvenance
qu’un régime qui a eu autant de sang sur les mains, ait
bénéficié de tant de mansuétude de la part de la communauté
internationale. Gbagbo est sans doute conscient de la place
stratégique que représente son pays sur l’échiquier
sous-régional et international et sait bien jouer. Il est conscient
également qu’ il dispose d’une pièce maîtresse pour conserver
son fauteuil : le label socialiste qu’il utilise à merveille.

Bénéficiant de solides appuis au sein de l’Internationale
socialiste, l’enfant terrible de Mama sait compter sur l’habituelle
solidarité de la famille socialiste.
En dépit des énormes intérêts en jeu, les rapporteurs ne
semblent pas s’être laissé influencer. Ils ont
consciencieusement fait le travail. En témoigne le travail de
qualité qui a été produit en si peu de temps. C’est tout à leur
honneur.

Il reste maintenant à passer à la phase supérieure,
c’est-à-dire à traduire Laurent Gbagbo et ses sbires devant les
juridictions internationales. Pas la peine de confier la suite de
l’affaire à une juridiction nationale qui, à plusieurs reprises, a
prouvé son inféodation à l’Exécutif. On en veut pour preuve la
relaxation des 8 gendarmes inculpés dans l’affaire du charnier
de Yopougon , après un jugement expéditif. Et que dire du
jugement de l’assassin du journaliste français Jean-Hélène,
dont beaucoup s’accordent à dire qu’il n’ a pas été exemplaire ?
Les droits de l’homme ne sauraient être éternellement
bafoués.

Et c’est pourquoi la communauté internationale doit
voir plus loin que le bout de ses intérêts immédiats. La France,
en particulier, dont la responsabilité dans la guerre ne souffre
d’aucun doute, depuis qu’elle s’est interposée le 20
septembre 2002, dès l’éclatement de la crise. Une intervention
qui ne s’expliquait d’ailleurs pas puisque que le territoire
ivoirien n’était pas victime d’agression extérieure.

La France
doit aujourd’hui tirer les leçons du passé en ne fermant pas les
yeux sur les atrocités commises au quotidien en Côte d’ivoire.
Elle peut mettre fin, car elle en a les moyens, à ce qui est en
passe de devenir une dislocation de la Côte d’ivoire et pire, une
rwandisation de ce pays et dont les prémices se dessinent
déjà à l’horizon.

Le pays

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