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Prise en charge de la méningite : Entre déclarations officielles et réalités du terrain

Publié le lundi 2 avril 2007 à 08h31min

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Alain Yoda, ministre de la Santé

A la date du 14 mars 2007 le Burkina a enregistré 10.796 personnes atteintes de la méningite. A la même date, le nombre de décès était de 801. Les autorités sanitaires semblent, une fois de plus avoir été surprises par l’épidémie.

Plusieurs districts sanitaires sont aujourd’hui touchés. Et l’épidemie se répand. Malgré la prise en charge gratuite annoncée par les autorités, la situation demeure alarmante sur le terrain.

" Djafaré, Djafaré, Djafaré ". Par trois fois, cette sexagénaire a appelé son fils couché sur ses jambes. Elle n’aura jamais de réponse. Elle n’entendra plus jamais la voix de son fils. Djafaré a rendu l’âme au CMA du secteur 30 de Ouagadougou en cet après midi du jeudi 22 mars. Les médecins n’ont pas pu sauver ce jeune homme d’une vingtaine d’années frappé par la maladie. Sa mère, inconsolable est surprise par la rapidité avec laquelle son fils a été emporté. Le jeune homme venait à peine d’être hospitalisé suite au diagnostic positif des médecins.

"Qu’ai-je fais pour que cette maladie entre dans ma famille ? Que la terre te soit légère Djafaré ". C’est par cette phrase que la vieille femme a dit au revoir à son fils. Les larmes ruisselant sur les deux joues, les mains sur la tête, la mère de Djafaré tente de se consoler en se remettant à Dieu le Tout Puissant. "C’est ta volonté. Je n’y peux rien." Dit-elle. Aujourd’hui au Burkina, des centaines d’autres familles vivent le même choc que celui de la mère de Djafaré.

Depuis le début de l’année, des familles ont été endeuillées par l’épidémie de la méningite. Selon les chiffres officiels à la 11e semaine de l’année, 10.796 cas suspects de méningite ont été notifiés dont 801 décès. Soit un taux de létalité de 7,42%. 21 districts sanitaires sont touchés : Zorgho, Réo, Koupéla, Tenkodogo, Ouargaye, Pama, Fada, Yako, Boussé, Nanoro, Sapouy, Kombissiri, Léo, Kongoussi, Gaoua Barsalogo, Banfora , Pissy, Paul VI , secteur 30 de Ouagadougou. Au centre médical avec antenne chirurgicale (CMA) du secteur 30 de Ouagadougou et à Pissy, des tentes ont été spécialement dressées pour les malades de la méningite.

Au secteur 30, la mobilisation du personnel est remarquable comme dans beaucoup d’autres CMA. Les uns soignent, les autres se mobilisent pour la vaccination. Difficile pour le médecin-chef du district de dégager un temps pour une interview. Le programme est chargé tous les jours depuis le début de l’épidémie : supervisions sur le terrain, réunions de crise et sollicitations diverses. Son téléphone portable ne cesse de sonner.

Même si la prise en charge est gratuite pour tous les malades de la méningite comme annoncé, certains pensent avoir été abandonnés à eux-mêmes : j’ai déboursé 13 500f pour honorer les ordonnances de ma femme " dit ce mari flanqué au chevet de sa femme enceinte. " Même si certains médicaments nous sont offerts gratuitement, nous devons payer l’essentiel " affirme cet autre parent d’un malade.

Le médecin chef du district est catégorique : " La prise en charge est gratuite pour tout le monde. Certains souffrent d’autres maladies. Si des ordonnances sont prescrites ce n’est pas pour la méningite ". " On a dit que ma fille souffre de la méningite. Mais on ne m’a jamais donné des médicaments. On me donne toujours des ordonnances " affirme une femme, une ordonnance en mains.

Le CMA du secteur 30 a bénéficié du soutien technique et financier de certains partenaires. En réalité, les médicaments ne sont pas toujours disponibles. Les stocks sont limités. Les différents acteurs ont noté que les quantités sont insuffisantes tant au niveau des médicaments, des réactifs de laboratoire, que des vaccins et consommables par rapport à la demande. Une rupture de chloramphénicol avait aussi été constatée dans les différents districts. Une molécule pourtant essentielle dans le traitement de la maladie.

Le stock de vaccin antiméningo A+ C était de 299.600 doses. Un stock largement insuffisant par rapport à la demande. Le seul district du secteur 30 a une population de 359.740. Il a donc fallu attendre la réaction des partenaires pour commencer les vaccinations de masse.

Un don de la coopération taiwanaise en chloremphenicol a permis aussi de lever les inquiétudes de certains agents soignants. Le CMA du secteur 30 est reconnu comme l’un des centres les plus dynamiques. Lors de l’épidémie du choléra en 2005, ce centre n’a perdu aucun malade. Mais cette fois ci, la situation est tout autre. Le nombre de malades est très important. Et le personnel est débordé.

Cette situation crée souvent des incompréhensions entre parents de malades et personnels soignants. "Allez-y nous attendre. Nous arrivons. Depuis ce matin est- ce que vous nous avez vus assis. Nous sommes là pour vous. Nous allons nous occuper de tout le monde" tente de rassurer un médecin à un père visiblement impatient de voir les infirmiers venir au chevet d’un de ses deux enfants malades se tordant de douleurs dans les bras de sa mère. Tenant un sachet rempli de médicaments qu’il vient d’acheter, il est visiblement inquiet de l’état de santé de son enfant. L’opération de vaccination gratuite engagée concerne la tranche d’age comprise entre deux et trente ans.

Contrairement à ce que certaines personnes pensent, cela ne veut nullement dire que les autres ne peuvent pas attraper la maladie. Ce choix s’explique par le fait que près de 80% des malades ont entre deux et trente ans et surtout à l’insuffisance du vaccin.

1 300 000 de doses seulement sont disponibles. On conseille aux autres de prendre des mesures préventives en se protégeant au maximum contre la poussière et en évitant que les muqueuses nasales soient asséchées. Et l’usage du beurre de karité est conseillé à ce niveau. Ceux qui ont les moyens pour se faire vacciner peuvent le faire dans les cliniques.

Car la vaccination reste le seul moyen efficace pour se protéger de la méningite. Sur les sites, il n’est pas rare de voir des personnes âgées venir se faire vacciner. Et les agents sanitaires ne sont pas toujours compris à ce niveau. Il est difficile de refuser le vaccin à quelqu’un qui vient vous implorer.

Autre problème, le doute de certaines personnes sur l’efficacité du vaccin. Certains parents affirment que leurs enfants sont tombés malades après avoir été vaccinés. Ce qui sème le doute à leur niveau quant à l’efficacité du vaccin. Mais pour les spécialistes, il n’y a pas de doute possible sur l’efficacité du vaccin.

Pour eux, si certaines personnes sont tombées malades après avoir été vaccinées, cela est dû au fait que ces personnes avaient déjà le germe de la maladie avant d’être vaccinées. Ce qui est sûr, l’épidémie de méningite cette année est meurtrière. Un millier de personnes a déjà péri. Et des efforts restent à faire pour endiguer la maladie.

Il est aussi connu qu’un taux de létalité élevé peut être l’indice d’une mauvaise prise en charge. A partir de quel taux, on estime que la létalité est élevée ? Nous sommes à 7,42% avant la fin de l’épidémie. Espérons que ce taux baissera avec la mobilisation des uns et des autres

Par Moussa Zongo

L’Evénement

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Vos commentaires

  • Le 2 avril 2007 à 14:20, par Le Gonze En réponse à : > Prise en charge de la méningite : Entre déclarations officielles et réalités du terrain

    Puissent les cris de tous les "Djafaré" hanter les nuits des personnes qui par négligence coupable ont fermé les yeux sur ce qu’elles savaient se profiler à l’horizon...

    • Le 3 avril 2007 à 01:12, par Citoyen En réponse à : > Prise en charge de la méningite : Entre déclarations officielles et réalités du terrain

      Il est douloureux d’assister impuisant à la mort d’un proche. je compatie à la douleur de tous ceux qi ont perdu des proches du fait de la méningite ou d’autres maladies. Seulement un proverbe de chez nous dit "si la pluie vous bat, il ne faudrait que vous battiez à votre tour" ; je veux dire de ne pas jeter l’anathème trop facilement sur ceux qui ont en charge la responsabilité de notre santé, ils ne sont pas omnipôtents.
      Même si de nos jours beaucoup de gens viennent à la santé juste pout trouver un emploi, la plupart y travaille par vocation et ils meritent la reconnaissance sociale.
      Pour le cas présent, je ne pense pas que quelqu’un aie par négligence fermé les yeux sur quoi qe ce soit.
      Voilà, la méningite est due à plusieurs type de germes, les uns ont des vaccins et les autres pas. Ceux qui ont des vaccins, ces vaccins sont spécifiques aux germes en question. Donc premier constat il n’est pas possible de prédire à l’avance quel germe va causer une épidémie telle ou telle année. Il est donc indispensable de déterminer le germe en cause à chaque endroit avant de parler de vaccination. Cette détermination ne peut se faire que sur les premiers cas.
      Deuxième constat, les services de santé burkinabè sont assez performants en matière de surveillance épidémiologique et les chiffres cités ça et là sont leur production. L’information n’est pas non plus tenue cachée car je peux vous assurer qu’à tous les niveaux les données sont affichées et accessibles au public et par semaine du centre de santé le plus périphérique jusqu’au niveau central. Dans les provinces il existe des comités de gestion des épidémies qui se réunissent regulièrement et ces comités comprennent les representants de la population.
      Dans le cas d’espèce le burkina est victime de son climat et de sa faiblesse au niveau internationnal. Les vaccins ne se fabriquent pas au burkina tout le monde le sait bien. Ceux qui fabriquent le vaccin ne le font pas pour nos beux yeux et des commandes de petits pays comme le notre ne les émeut pas trop. Il n’y a semble t-il qu’un laboratoire seulement au monde actuellement qui fabrique le vaccin contre les méningocoques. On imagine aisément la difficulté à s’apprvisionner en vaccin. Donc pour permettre aux pauvres comme nous d’avoir accès au vaccin en cas de besoin, une régulation au niveau des instances internationales s’est imposée. C’est ainsi qu’aucun pays ne peut constituer un stock de réserve de plus de 500 000 doses et les approvisionnements ne peuvent se faire qu’après avoir fait la preuve scientifique qu’un district (et non même le pays) est en épidemie, faire la preuve du germe en question, donner les pôpulations couvertes par ce district avant d’être autorisé de lancer une commande. Ces opérations, il faut scrupuleusement le faire pour chaque district. Encore que les quantités à commander à la fois sont régulées ce qui fait qu’il est impossible pour le burkina d’avoir en même temps une quantité qui couvre toute sa population même s’il avait l’argent.
      Il est clair que dans cet imbroglio, des delais sont necessairement observés sans que cela ne resulte de la mauvaise volonté de qui ce soit au niveau national.
      Dans un tel contexte international défavorable, il est indispensable que nous nous serions les coudes pour lutter efficacement contre les différents maux qui peuvent nous atteindre. Les decideurs sanitaires de notre pays ne sont certainement pas aussi diaboliques au point de se taire par négligence et causer des décès.
      La plupart des agents travaille d’arrache pied pour contenir la maladie et c’est le lieu de les feliciter car en ces periodes troubles, ils n’ont plus de vie personnelle, certains n’existent que pour le travail. Acceptons souvent de voir le verre à moitié plein et non le verre à moitié vide. Cela aura l’avantage d’encourager à plus de sacrifice.
      Si quelqu’un veut se rendre compte que les structures de santé se sont préparées conséquemement, il faut approcher les structures dont ils relèvent et ils auront des informations justes et pertinentes. Le taux de létalité est contenu dans les proportions que qu’une gestion assez efficace puisse atteindre. Pour mémoire l’OMS estime qu’en dessous de 10%, la prise en charge peut ête jugée efficace (même si nous souhaitons n’avoir à deplorer aucun décès).
      Je conclurai en disant que ma réponse se veut juste un éclairage sur les modes de prise de décision en ces circonstances et que nous gagnerons certainement plus si nous nous mobilisons pour apporter notre part à la lutte.

    • Le 3 avril 2007 à 04:53, par Wendy En réponse à : > Prise en charge de la méningite : Entre déclarations officielles et réalités du terrain

      Quelle formule, le Gonze ! C’est triste mais je n’ai pas pu m’empêcher de rire. Vous avez parfaitement raison. Pour cette histoire de méningite on nous a parlé en conseil de ministres d’un ronflant plan de riposte alors que le fantôme était déjà dans la maison. Et chaque année c’est la même chose. De qui se moque-t-on ?

  • Le 3 avril 2007 à 11:46, par Le Gonze En réponse à : > Prise en charge de la méningite : Entre déclarations officielles et réalités du terrain

    Si sauver des vies, surtout en situation d’épidémie est une obligation de moyen, prendre les bonnes dispositions en professionnels avertis et en politiciens consciencieux est et demeure une obligation de résultat. Et c’est sur cela que nous ne cesserons d’interpeller ceux qui nous gouvernent. Allez expliquer aux proches des personnes disparues ainsi qu’on ne savait pas à l’avance quelle germe allait nous frapper, ou qu’on avait pas d’argent pour pré-positionner en quantité et en qualité des médicaments appropriés...!

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