Même si cette histoire que nous ont contée les différents protagonistes est bien longue, essayons de résumer en commençant par le récit de la principale concernée qui risque d’être aussi la principale victime de cette histoire où le mot "deal" jaillit de la quasi-totalité des lèvres.

Mme K. F. est une ancienne stagiaire de l’ENSP de Koudougou, promotion 2003-2005, inscrite sur titre. A la fin de sa formation, elle se lance dans le petit commerce avec pour principaux clients les stagiaires qui s’y succèdent. Elle leur vend pagnes, habits, chaussures, casques et autres. Ce sont ces échanges qui vont l’inspirer. Elle sait qu’ à chaque sortie les élèves sont drapés dans leur blouse. "Pourquoi ne pas confectionner un pagne unique qui servira d’uniforme à tous les élèves des ENSP lors de leur sortie officielle ?" se demande-t-elle alors ! Elle expose de ce pas son idée à certains proches qui la trouvent bonne et l’encouragent à la mettre en pratique. Sitôt dit, sitôt fait.

Elle ira même jusqu’à bouder le test d’ intégration organisé cette année afin de se consacrer entièrement à son projet.

Dans un premier temps, elle va faire une maquette du pagne à partir du motif de son propre habit et du logo de l’ENSP figurant sur sa carte de stagiaire qu’elle avait conservée en souvenir. Sur la maquette il sera, en plus du logo , imprimé « Promotion 2006 ».

Cette maquette sera soumise aux responsables de l’ENSP de Koudougou qui vont l’apprécier positivement et encourager l’initiatrice à poursuivre son œuvre. Les démarches auprès d’une banque lui permettront d’avoir un crédit de 3 millions et celles auprès de Faso Tex, qui avait du reste confectionné la maquette, permettront de sortir l’échantillon qui sera présenté à la Direction régionale de l’ENSP de Koudougou. Mais comme la sortie est nationale, il était de bon ton que les autres Directions régionales, les élèves et la Direction régionale puissent se prononcer sur le pagne.

Ce sera chose faite lors d’une rencontre à Bobo qui a réuni les cinq (5) directeurs régionaux, les délégués des élèves et le directeur général de l’ENSP. A leur demande, Dame K.F. avait fait confectionner auparavant d’autres couleurs du pagne. Au cours de cette rencontre, tous ont apprécié l’initiative ainsi que la qualité du pagne et ont porté leur choix sur le pagne blanc qui fait, il est vrai, plus infirmier.

De retour à Koudougou, le directeur régional fera le bilan de leur rencontre à Mme K.F. et l’informera du choix porté par les différents acteurs sur le pagne blanc. Il lui dira de prendre des dispositions pour satisfaire les différentes ENSP dès que celles-ci communiqueront leurs besoins.

Jusque-là, tout baigne

Jusque-là tout va bien et Justin Sawadogo, le directeur régional de Koudougou, que nous avons rencontré le vendredi 03 novembre dernier, nous a confirmé que tel a été le cheminement de la démarche. Cependant, il a précisé qu’après le choix définitif du modèle, aucune ENSP n’avait encore capitalisé ses besoins si bien qu’aucune commande ferme n’avait été lancée à dame K.F. en termes de quantité. Il aurait tout simplement conseillé à l’intéressée de se tenir prête afin de pouvoir satisfaire les ENSP dès qu’elles feront connaître leurs besoins.

Mais pour prendre de l’avance, elle a fait confectionner 05 balles qu’elle mettra en vente au niveau de Koudougou. Selon elle, il s’agissait d’avoir par la vente à Koudougou une disponibilité financière afin de pouvoir relancer la commande au niveau de Faso Tex qui avait du reste reçu l’argent des trois balles que la femme avait enlevées et remises à l’ENSP de Koudougou pour vente.

Signalons qu’au début, le pagne était vendu à 5500 F. Mais sur demande du directeur général de l’ENSP, Adama Traoré lui-même qui a avancé le manque de moyens des élèves, le prix sera ramené à 5000 F. La D.R de Koudougou a même sorti une note informant les élèves que le pagne était disponible au sein de l’établissement au prix unitaire de 5000 F.

Un enseignant permanent a même été responsabilisé pour la vente. C’est ainsi que presque les 03 balles ont été vendues même s’il reste des pagnes chez la fournisseuse et à l’ENSP Koudougou. C’est du reste cet enseignant qui a accompagné la fournisseuse dans toutes les démarches au compte de l’ENSP Koudougou et qui a servi de relais entre la Direction générale, la Direction régionale de l’ENSP et Mme K.F. Ce qui suppose que le directeur général était régulièrement tenu informé de l’évolution du projet.

Tout allait bien jusqu’à ce qu’une information soit donnée à la fournisseuse. En effet, la Direction générale l’informa que les élèves ont choisi un nom de baptême, « Promotion conscience professionnelle », et souhaitaient que ce nom figure sur le pagne. Mme K.F. se rend illico presto à Faso Tex qui lui fait savoir que la chose serait difficile à réaliser puisque la maquette était faite et même, des lots considérables de pagnes déjà imprimés.

Il était pratiquement impossible de repasser ces pagnes sous imprimeur pour apposer la modification. Et même si c’était faisable, cela encombrerait le pagne et porterait un coup à l’esthétique. Mais faire un autre pagne suppose qu’on annulerait le 1er lot déjà confectionné avec ce que cela implique comme perte sèche de 3 millions pour K.F. Car, il faudrait échanger les pagnes de tous ceux qui en avaient acheté. Que ferait-elle avec 03 balles de pagnes estampillés Promotion 2006 avec le logo de l’ENSP ?

L’épouvantail du million de francs

Elle entreprend alors des démarches auprès des responsables de l’ENSP afin de leur expliquer l’impossibilité de l’opération. Ces démarches vont la conduire chez le directeur général qui la reçoit. L’entretien, dit-on, est des plus cordiaux jusqu’à la seconde où la vendeuse évoqua l’histoire des pagnes en s’identifiant comme la fournisseuse. Le directeur général, M. Adama Traoré, selon Mme K.F., va ipso facto changer de ton et la prier de vider les lieux. Ses tentatives d’explications, selon ses dires, seront vaines et le directeur général la chassera presque de son bureau.

Le cadeau que Mme K.F. avait emballé pour l’offrir par courtoisie au D.G. sera refusé et celui-ci la menacera même d’appeler la police si elle ne décampait pas avec son présent. Ce n’est que plus tard qu’elle comprendra la raison de ce comportement. Revenue à Koudougou, K.F. apprendra d’abord qu’on l’accuse d’avoir soudoyé le directeur régional de Koudougou, Justin Sawadogo, avec un million de francs et pire , certains mêmes avancent que les pagnes seraient tout simplement un deal de la direction régionale de Koudougou.

Elle n’a pas fini de ruminer cette histoire qu’elle apprendra dans les coulisses que la direction générale de Ouagadougou a entrepris des démarches pour confectionner un autre pagne pour la sortie nationale. Ne sachant plus à quel saint se vouer, elle se confiera à gauche et à droite afin de savoir la conduite à tenir. Simple coïncidence ou cela est-il dû à ses déboires, Mme K.F. sera hospitalisée à maintes reprises, pour des ennuis de santé d’ordre essentiellement psychologique. C’est du reste sur son lit d’hôpital qu’elle nous fit le récit de ses déboires.

Elle nous a dit que Faso Tex l’a assurée que quelqu’un d’ autre ne peut plus utiliser sa maquette pour imprimer des pagnes sans son autorisation. Mais cette assurance n’était visiblement pas contre tout risque, car, contre toute attente, c’est ce même Faso Tex qui va imprimer des pagnes pour la direction générale avec comme seule modification « Promotion conscience professionnelle » à la place de « Promotion 2006 ». Ils n’ont même pas pris la peine de changer le motif du pagne ni la couleur.

Nous avons contacté par téléphone le directeur général qui nous a renvoyé à son directeur régional, chose que nous avons faite, comme indiqué plus haut le vendredi dernier. M. Sawadogo nous a fait le récit de ce qui s’est passé et qui ne diffère presque pas de celui de Mme K.F. Cependant, il nous informera qu’en début d’année les élèves avaient choisi un pagne ordinaire pour faire un uniforme pour leur sortie. A ce moment, ni la direction régionale ni les élèves ne savaient que la sortie allait être nationale encore moins qu’elle se déroulerait à Koudougou. Ce choix était uniquement destinée à une utilisation locale.

Quand la décision de faire la sortie à Koudougou et de façon nationale a été connue, cette idée a été abandonnée au profit de celle de Mme K.F. qui présentait un pagne avec logo et nom de l’ENSP, ce qui avait l’avantage de concerner tous les sortants des ENSP. On comprend donc mal que sur la base d’un simple nom on laisse tomber une initiative qui avait déjà coûté des millions , beaucoup d’efforts et de sacrifices.

Selon le D.G., lors de la rencontre de Bobo, le délégué des élèves de Ouagadougou lui a confié avoir entendu qu’il y avait un problème de pagne à Koudougou. Il lui aurait alors expliqué qu’il n’ en était rien. Et qu’il n’y avait pas d’amalgame possible à faire entre le pagne local des élèves qui a, du reste, été abandonné et le pagne national de Mme K.F.

« C’est plus tard qu’on nous a informé des modifications à apporter sur le pagne de Mme K.F. sur lequel on devait ajouter « Promotion conscience professionnelle », a précisé M Justin Sawadogo tout en reconnaissant que quand le choix se faisait il n’était pas question de nom de promotion. Ce n’est qu’après que les élèves ont exigé qu’il y ait le nom de la promotion dessus.

C’était simplement pour boycotter

On se demande alors pourquoi une telle exigence quand on sait que ces mêmes élèves étaient à la rencontre de Bobo, qu’ils ne sont pas censés ignorer le processus de confection d’un pagne et que le pagne de Mme K F était déjà en vente à Koudougou.

C’est là qu’on tombera des nues quand le délégué des élèves de Ouagadougou, M. Inoussa Sawadogo, nous affirmera devant Mme K.F. qu’ils ont rejeté son pagne dans le seul but de boycotter son marché. Il a même confié à Mme K.F., en notre présence, que si elle s’était manifestée plus tôt, le problème aurait pu être résolu. Cependant, il n’est pas trop tard, a-t-il dit ce jour. Il suffit à K.F. de lui envoyer 200 000 F et il règlera le problème. C’est du reste une proposition qu’il avait déjà faite à la pauvre dame par téléphone le jour même que nous avons rencontré Mme K.F. sur son lit d’hôpital.

Selon ce délégué, on leur aurait dit que la dame a sous-traité avec le directeur régional et l’administration de l’ENSP à Koudougou et leur aurait même déjà versé un million. Et comme ils n’avaient pas eu leur part du gâteau, ils ont avancé le mobile de la modification du nom de la promotion pour rejeter le pagne qui avait pourtant fait l’unanimité à Bobo. Est-ce cette même raison qui a conduit la direction générale à rejeter le pagne de Mme K.F ?

Cette dernière croit dur comme fer que c’est le cas surtout quand elle se rappelle du changement de ton et des menaces qu’elle a essuyés le jour de sa visite au directeur général à Ouaga. On peut être porté à la croire quand on apprend que c’est la direction générale de Ouaga qui a piloté l’opération de réimpression du nouveau pagne. Ce pagne est même déjà déposé dans les différentes ENSP et déjà vendu à Ouaga à la somme de 5000 F. Nous en avons fait le constat le lundi et avons même acheté un pagne au secrétariat du DAF où se fait la vente.

Une élève, à qui nous avons appris que nous venons de Koudougou, nous a conseillé de nous approvisionner à l’ENSP Ouaga, car à Koudougou on vend le faux du pagne.

C’est du reste la nouvelle qu’on a répandue, faisant passer le pagne original pour un faux. Alors qu’un simple coup d’œil, sans parti pris, révèle que le pagne de Ouaga ne paie pas de mine devant celui de Koudougou. On constate aisément qu’il a été hâtivement imprimé car avec la date de sortie toute proche, l’heure n’était plus à la recherche de l’esthétique.

On se demande comment les responsables de Faso Tex ont pu aussi se faire les complices (disons-le comme ça) d’un tel acte, eux qui avaient pourtant assuré la Dame K.F. que personne ne pouvait utiliser sa maquette. On n’a pas besoin d’être devin pour se rendre compte que c’est la même maquette qui a été réutilisée. Du reste, devant l’opposition de la Dame et son besoin de contrer la fabrication du nouveau pagne, l’un des responsables de Faso Tex, voulant s’en laver les mains, a avoué à Mme K.F. que la chose a été ficelée en haut lieu.

Au même moment, ce même Faso Tex, par la bouche même de son directeur général, somme actuellement Mme K.F. de venir régler et enlever les 02 balles restantes sous peine d’être enfermée. Alors, dites-nous bonnes gens, va-t-elle les enlever pour les liquider avec qui du moment que la direction générale de l’ENSP imposera à coup sûr son pagne aux élèves ? Ne dit-on pas d’ailleurs que celui de Koudougou est le faux ?

Nous refusons d’ être les dindons de la farce

Quoi qu’il en soit, si ce coup tordu a été fait à Mme K.F. sur la base de la rumeur d’un versement d’une commission d’un million à monsieur Justin Sawadogo, il faut dire que c’est regrettable et injuste. Surtout que Justin Sawadogo nous a juré sur l’honneur n’avoir reçu aucun kopeck de K.F. Même son de cloche du côté de celle-ci qui nous avoue n’avoir remis aucun franc au directeur régional. « M. Sawadogo m’a aidée de bon cœur et il n’a jamais été question de commission ou de pourcentage entre nous », a-t-elle assuré. Et d’expliquer que le pagne lui revenait à la finition à 4700 F. Vendu à 5000 F, il ne lui rapporte qu’un bénéfice de 300 F.

« Alors comment penser que je peux me permettre de verser un million au directeur régional ? C’est absurde et pratiquement impossible », a-t-elle ajouté. Quand nous nous sommes entretenu avec les élèves, que ce soit à Ouaga ou à Koudougou, nous avons senti qu’il y a eu de l’intox dans cette histoire de pagne. Et le fait de n’avoir pas pu rencontrer le D.G. laisse bien de questions en suspens.

Comme celles de savoir qui a été le fournisseur du nouveau pagne ? Qui a pu persuader Faso Tex de refaire un autre pagne sur la base de la maquette de Mme K.F. alors qu’eux- mêmes reconnaissaient que cette maquette était sa propriété ? Pourquoi le nouveau pagne est-il vendu directement à la Direction générale de l’ENSP au service du DAF ? Car, durant notre parcours, on ne nous a jamais parlé d’un autre fournisseur extérieur à l’instar de Mme K.F.

Certains mêmes sont allés jusqu’à dire que c’est le directeur général, M. Adama Traoré en personne, qui est derrière cette commande. Le directeur commercial de Faso Tex ne dit pas autre chose quand il a avoué à Mme K.F. que les choses ont été ficelées en haut lieu.

Peut-on alors parler de contrefaçon ? Justin Sawadogo ne voit pas la chose de cette façon. Car, pour lui, si le nouveau pagne a été fait avec le motif du pagne de Mme K.F., le logo, lui, est une propriété de l’ENSP et le pagne de la direction générale sera utilisé dans le cadre des activités de l’ENSP. Cette explication est-elle suffisante ? Quoi qu’il en soit, Mme K.F. se sent flouée dans cette affaire.

C’est d’abord sur son initiative que les sortants de l’ENSP vont porter un pagne unique uniforme et ce, pour la première fois. C’est elle qui a confectionné la maquette sur le modèle de son propre pagne. C’est elle qui a fait imprimer les pagnes et a même commencé la vente. Alors peut-elle croiser les bras et regarder la direction générale faire imprimer d’autres rouleaux de pagnes à partir de sa maquette en ne modifiant qu’un petit nom, et se retrouver toujours avec 02 balles de pagnes, non vendus, un crédit de trois millions à rembourser à la banque avec en sus le lot des élèves qui avaient acquis son pagne, et Faso Tex sur le dos ?

Il faut croire que non. Et c’est pour cette raison qu’elle s’est attachée les services d’un d’avocat afin de l’aider à ne pas sortir perdante de cette affaire. Elle compte par ce moyen faire arrêter la vente du nouveau pagne dans les ENSP et à défaut ester en justice pour contrefaçon et usurpation de bien personnel. A moins que d’ici là, la hiérarchie de l’ENSP prenne langue avec elle afin de trouver un terrain d’entente. En la matière, on dit toujours qu’un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès.

Surtout que déjà les masques commencent à tomber et les murs de protection à s’effondrer à l’image du délégué de Ouaga qui a déclaré qu’eux, élèves, savent maintenant que des gens veulent, avec l’histoire du nouveau pagne, bouffer sur leur dos. Il dit avoir été berné avec cette exigence de modification à apporter sur le 1er pagne. Ne voulant pas être les dindons de la farce, ils comptent s’opposer à ce que beaucoup n’hésitent plus à qualifier de deal de la Direction générale. Mais ira-t-il jusqu’au bout de sa détermination sans les 200 000 F demandés à Mme K F ? Attendons de voir.

Cyrille Zoma

L’Observateur