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"Le Burkina Faso n’a pas d’arriérés de paiement extérieurs"

Publié le vendredi 2 avril 2004 à 07h33min

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La mission de M. Robert Franco, premier représentant-résident du Fonds monétaire international (FMI) au Burkina Faso est à son terme après trois ans et demi. Avant de prendre sa retraite de cette institution, celui qui a passé trente ans de carrière au Fonds dont 15 en Afrique évoque dans cette interview, la lutte contre la pauvreté au Burkina Faso, le financement du développement, les relations avec le FMI et donne une lecture de la situation économique nationale.

Sidwaya (S.) : Les discussions du conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) ont récemment porté sur la lutte contre la pauvreté au Burkina Faso. Quels sont les résultats auxquels elles ont abouti ?

Robert Franco (R.F.) : Les discussions étaient présidées par un des directeurs généraux adjoints et réunissaient tous les administrateurs des pays membres du FMI. Le CA a d’abord procédé à l’examen du dernier rapport 2000-2002 du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP). Les administrateurs ont noté avec satisfaction que ce programme a été mis en place d’une manière adéquate. Tous les résultats escomptés n’ont certes pas été atteints mais dans l’ensemble, les projets ont été bien menés. Ensuite, elles ont reposé sur un examen de l’exécution d’un programme que le CA a approuvé en juin 2003. Il vise la réduction de la pauvreté et la croissance. Il s’est agi de passer en revue les engagements que le gouvernement burkinabè avait pris lors des missions périodiques du FMI. Le CA veut s’assurer que l’Etat du Burkina Faso respecte ses contrats. D’autres points ont porté sur les stratégies d’accroissement des recettes publiques. Tout s’est bien passé dans l’ensemble et une mission du Fonds viendra au mois de mai pour entamer des échanges sur l’exécution de la deuxième partie du Programme. Le résumé de ces discussions sera bientôt sur Internet. Concrètement, le gouvernement doit persévérer dans la lutte contre la corruption. La structure créée à cet effet, est rattachée au premier ministère alors qu’il est préférable qu’elle soit indépendante.

Il y a aussi le problème de l’absorption des ressources Programme pays pauvres très endettés (PPTE).

En chiffres globaux, le stock de la dette pour le Burkina était de 1,8 milliard de dollars US. Ainsi, il faut plus de réduction de la dette. Le total de cette réduction pour le Burkina Faso est environ de 930 millions de dollars US. Malheureusement, à cause des emprunts que le gouvernement a dû contracter pour financer son programme des investissements publics et combattre la pauvreté, le ratio de soutenabilité de la dette a sensiblement augmenté.

Et cela, inquiète le FMI et les autorités burkinabè. Il faudra s’assurer que tous les nouveaux emprunts sont concessionnels.

S. : A la table ronde des bailleurs de fonds en février 2004, vous avez dit que le Burkina Faso a atteint les limites de son endettement et appelé les autres bailleurs à privilégier les dons. Cela traduit-il le surendettement et l’insolvabilité du pays ?

R.F. : Non ! Cela ne veut pas dire que le Burkina Faso est surendetté ou que ce pays n’est plus solvable. J’ai demandé aux bailleurs qui n’ont pas encore signé l’annulation de la dette de le faire. Le Burkina Faso éprouve des difficultés à servir sa dette extérieure. Il a même négocié sa dette avec le club de Paris. Le ratio de soutenabilité de la dette du Burkina est de 150%. Le pays n’a pas d’arriérés de paiement extérieurs.

Il est donc solvable. Avant la table ronde, il y a eu la visite d’une institution nord-américaine qui "mesure la pauvreté" dans les pays de la planète. Elle a attribué la note "B" au Burkina Faso. Cette notre démontre qu’il y a des efforts qui sont faits pour réduire la pauvreté. Le pays vend des bons du trésor sur le marché monétaire de l’UEMOA. C’est un des meilleurs en la matière.

S. : Quelle lecture faites-vous de la situation économique du Burkina Faso ?

R.F. : La nature n’a pas doté le Burkina Faso de ressources naturelles abondantes. La seule grande ressource de ce pays, ce sont ses hommes et ses femmes. Le climat est rude, les ressources minières sont rares.

La richesse du pays est basée sur quelques produits : le coton pour l’exportation, les ressources animales, un peu de tourisme, etc. Quoi qu’elle soit lourde, la fiscalité ne permet pas au gouvernement de mobiliser les ressources financières nécessaires au fonctionnement d’un Etat moderne. L’on a grosso modo, 300 milliards de FCFA de recettes contre 500 à 600 milliards de dépenses. Le déficit étant comblé par des apports extérieurs. Le gouvernement gère assez bien les finances publiques. Cependant, il y a une bonne partie du secteur informel qui échappe à la fiscalité. Ainsi, le budget restera fragile pendant longtemps. Néanmoins si l’on garde les performances de ces cinq dernières années, le taux de croissance qui est en moyenne de 5,5% l’an entre 1996 et 2003 permet d’espérer. Ces chiffres ne sont pas négligeables.

Les objectifs du millénaire sont très ambitieux et l’on constate que les investissements entrepris dans certains domaines commencent à porter leurs fruits.

Quelle sera l’image du Burkina Faso dans 25 ans ? Il y a un document en préparation. Il faut trouver de nouvelles sources de croissance, diversifier l’économie, financer davantage le secteur de l’informatique.

S. : Pendant que le FMI cite le Burkina Faso comme son meilleur élève, le PNUD le classe parmi les cinq pays les plus pauvres de la planète. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

R.F. : Le mode de classement du PNUD repose sur un indice pondéré avec plusieurs variables dans la scolarisation, l’éducation, l’alphabétisation, le niveau de vie, l’espérance de vie, etc.

C’est la raison pour laquelle cet indice est très bas pour le Burkina Faso. Il est d’ailleurs contesté par plusieurs personnes. C’est un indice mécanique, arithmétique qui est créé. Cette année, c’est la Norvège qui est classée première alors que pendant longtemps, c’était le Canada. Si on mettait dans cet indice, la température moyenne, le Canada ne serait pas en tête de ce classement. Il ne faut pas accorder trop d’importance à cet indice bien qu’il donne un aperçu général.

L’analyse du PNUD se rapproche beaucoup plus de celle de la Banque mondiale que de la nôtre. Le FMI est beaucoup préoccupé par les données financières. La Banque centrale vient de baisser de 0,5% ses taux directeurs dans l’objectif de stimuler les investissements. Si le Fonds qualifie le Burkina Faso de bon élève, c’est par rapport à des indices qui lui sont propres. Le déficit budgétaire qui est en nette diminution dans ce pays. On ne peut pas avoir une croissance économique et des investissements nécessaires pour celle-ci, si la macroéconomie n’est pas en bon état. Si un pays a un déficit budgétaire très élevé, une inflation galopante, il ne peut pas créer les conditions de son développement. Or, le Burkina Faso est un pays qui répond à ces exigences du FMI.

S. : La stratégie de réduction de la pauvreté au Burkina tarde à donner les résultats escomptés. N’y a-t-il pas lieu d’augmenter les investissements ?

R.F. : Il y a un problème lié à l’absorption des ressources PPTE. Ces fonds doivent être utilisés pour combattre la pauvreté. Le Burkina Faso a bénéficié d’une annulation de dette extérieure de 80 milliards de FCFA depuis que le processus a commencé en février 2000. Cependant, le Trésor public burkinabè continue à verser cette somme dans le compte spécial PPTE. L’annulation de la dette ne veut pas dire qu’elle est totalement effacée. Elle est remise pour financer des secteurs-clefs du développement dans les pays qui bénéficient de cette mesure. Les bailleurs de fonds ne reçoivent plus cet argent. Il est destiné au compte PPTE. Le ministre des Finances et du Budget, Jean-Baptiste Compaoré déclarait : "J’ai toujours des problèmes de liquidités. Je ne paie pas les bailleurs de fonds, mais je dois toujours alimenter le compte PPTE".

Sur les 80 milliards de FCFA qui auraient dû être utilisés pour combattre la pauvreté, il n’y a que 45 milliards qui ont pu être déboursés.

Un bailleur a eu à dire : "Que voulez-vous, Messieurs les Burkinabè ? On a annulé 80 milliards et vous n’avez pu dépenser que 45 milliards. De quelles difficultés parlez-vous" ?

Alors il faut d’abord que les ministères techniques soient capables d’identifier des projets de manière bien précise pour combattre la pauvreté. Ensuite, il faut s’assurer que les fonds spéciaux qui sont maintenant logés à la BCEAO seront transférés de manière régulière et financeront réellement les projets auxquels ils sont destinés.

S. : Que retenez-vous de votre séjour de trois ans et demi au Burkina Faso ?

R.F. : En trente ans de carrière au FMI dont quinze ans en Afrique. C’est la première mission que mon épouse et moi effectuons sans nos enfants. Ils ont grandi et sont entrés à l’université. Cela nous a quelques peu perturbés. Mais mon séjour burkinabè a été très agréable. Je retiens de ma longue expérience à travers des séjours dans plusieurs Etats que le Burkina Faso demeure un pays exceptionnel en termes de relations de travail, de disponibilité des autorités et de la qualité de l’’accueil. J’ai effectué ma meilleure mission dans ce pays. Le gouvernement burkinabè n’a cessé de ménager aucun effort pour répondre à nos sollicitations et mettre à notre disposition tous les documents utiles à notre mission. La paix sociale qui règne également au Burkina Faso m’a beaucoup impressionné. Car, sans cette paix, aucun investissement n’est possible. L’agriculture dont dépend en grande partie l’économie burkinabè, a bénéficié d’une pluviométrie exceptionnelle l’an dernier. Il faudra continuer la réalisation des barrages et des forages pour faire en sorte que l’agriculture soit moins dépendante de la pluviométrie. C’est ce à quoi est en train d’œuvrer le ministre Salif Diallo. C’est vrai qu’il y a beaucoup d’actions à entreprendre. Mais je pars avec la conscience tranquille car je suis confiant pour ce pays. Les choses avancent dans la bonne direction et je ne manquerai pas de revenir au Burkina Faso de temps en temps.

Propos recueillis par
Jolivet Emmaüs Sidibé PAG BELEGUEM

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