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Magie et mystère dans la cité : Rêve de gloire et velléité de puissance sur fond d’occultisme

Publié le mercredi 20 septembre 2006 à 07h32min

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Phénomène quotidien dans tous les quartiers de Ouagadougou, l’affaire commence à irriter quelque peu non à cause d’un cartésiannisme quelconque mais surtout face à l’énorme gaspillage auquel on assiste dans un pays où la sécurité alimentaire reste encore la priorité des priorités.

Vous avez dit phénomène ? Eh bien ! Il s’agit des céréales de toutes sortes que des individus déposent aux croisements des voies et dont les fonctions occultes, caractérisées par une incroyable diversité, sont censées apporter bénédiction, protection, guérison, richesse et puissance ou à l’inverse, malédiction, maladie ou faillite.

En attendant, le simple bilan céréalier de cette irruption du "surnaturel" dans l’ordinaire des citadins est suffisamment néfaste pour qu’il faille songer à classer le phénomène parmi les facteurs réducteurs de la production céréalière au même titre que les criquets ou l’insuffisance de pluies.

En effet, ce ne sont pas moins de 20 à 200g de céréales que l’on trouve éparpillés aux croisements des voies et ce dans l’ensemble des 30 secteurs de la ville. Si l’on prend une moyenne de 30g de céréales par carrefour sur seulement 5000 de la centaine de milliers de carrefours que compte la ville, cela fera 0,03kg x 5 000 soit 150 kg par jour et donc 45 tonnes sur 300 jours de l’année. En prenant une production moyenne de 3 tonnes de céréales par hectare, ce sont donc les producteurs de 15 hectares au moins qui sont soustraites à la consommation sur la base de considérations mystiques.

Il est clair que l’on ne peut pas enlever à l’âme africaine son irrépressible besoin de communier avec les forces occultes. C’est une pulsion atavique à laquelle même les plus cartésiens s’adonnent avec d’autant plus de facilité que, représentant une issue à la non-issue, elle prend la relève lorsque la raison est impuissante. La frustration de vivre une vie qu’on voyait autrement, le besoin d’argent, d’amour, la passion de la notoriété, ... constituent autant de motifs de rendre parfois à diverses divinités un culte dont les tenants et aboutissants sont souvent difficiles à comprendre.

Exemple : quelque part dans un quartier de Ouagadougou en ce mois de mars 2005. Le vent du Sud brûle l’atmosphère. Il fait chaud. Comme des milliers d’autres personnes, M. X rentre chez lui lorsque, à un carrefour situé non loin de son domicile, il voit une dame, nue comme un ver, se lavant à un sceau d’eau posé à même le sol. La quarantaine au plus, l’on voit à sa peau qu’elle est d’une classe indiscutablement aisée.

Aucun attroupement autour d’elle et même aux alentours. Les passants curieusement, semblent la comprendre et respectent son étrange exhibition. A une dizaine de mètres est garée une voiture au volant de laquelle on distingue une autre femme, elle aussi élégamment vêtue. Petit détail, la voiture ne porte aucune plaque minéralogique.

La baigneuse se redresse, répand le contenu du seau d’eau sur sa tête et se dirige vers la voiture. Elle ouvre la portière arrière, s’installe et la voiture démarre aussitôt... à Ouagadougou en plein 13h. L’agriculture décidément est le secteur qui paie le plus lourd tribu aux dérives occulto-rituelles des citadins car les animaux eux aussi interviennent quand vient le moment de faire des sacrifices.

Ainsi donc avant même que se tiennent les élections, un candidat à la députation en mal de confidences racontait à un camarade de promotion rencontré au cours d’un voyage : "Mon type ! Moi je serais député dans ce pays là ! Toi tu es trop blanc c’est pourquoi tu ne bouges pas. Moi j’ai enterré un bélier entier et j’ai fait tout ce qu’il faut : je sais qu’il n’y a pas match". Coïncidence ou pas, il est actuellement député (va falloir songer à le consulter au cas où...).

Rêves de gloire contrariés par des insuffisances personnelles que l’on identifie alors comme autant de sorts jetés par d’invisibles ennemis, amours brisées, instabilités de toutes sortes poussent autant de gens à rechercher le salut dans la magie et le mystère que détiennent les forces de l’ombres auxquelles il faut alors accéder par le chemin de l’occultisme.

Les tonnes de céréales répandues dans la ville et que chacun a le loisir de voir aux carrefours traduisent une certaine disposition des Burkinbè à évacuer leurs angoisses par l’occultisme mais n’y a-t-il pas là aussi un gaspillage qui ne dit pas son nom ?

Luc NANA

L’Hebdo

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