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Rapatriés de Côte d’Ivoire : "Nous ne pouvons pas dire que nous sommes oubliés"

Publié le samedi 26 août 2006 à 09h23min

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Tous les Burkinabè ont toujours en mémoire le retour en masse de nos compatriotes de la Côte d’Ivoire en 2003. A la faveur de ce retour, au Kourittenga, une association des rapatriés est née : l’association Nabonswendé des rapatriés de Liguidi-Malguem à une quinzaine de kilomètres au sud de Koupéla.

Dans cet entretien, le président de ladite association, M. Modeste Bélemkoabga nous parle des difficultés actuelles des rapatriés mais aussi des ambitions de son association.

S. : Pourquoi une association de rapatriés ?

Bélemkoabga Modeste (B.M.) : C’est depuis les premiers moments de notre retour de la Côte d’Ivoire, que l’idée m’est venue de créer une association afin de rassembler les frères et sœurs rapatriés. Nous sommes revenus dépouillés de nos biens et avec de nombreux problèmes. Or, seul, aucun ne pouvait s’en sortir. Voilà pourquoi, nous avons voulu créer l’association des rapatriés. L’idée a ainsi germé et avec l’appui et les conseils des agents de la Croix-Rouge, l’association a vu le jour mais non sans difficultés. En effet, il nous a fallu beaucoup de démarches ; il fallait des papiers. Tout cela nous a pris trois ans puisque ce n’est qu’en fin décembre 2005 que nous avons obtenu le récépissé de l’association. Et l’objectif, c’est de rassembler tout ce monde pour faire front commun contre la pauvreté. Comme on le dit "un seul doigt ne ramasse pas la farine".

L’association Nabonswendé des rapatriés comptait 110 membres à ses débuts. Mais avec le temps, plusieurs ne viennent plus aux réunions. L’enthousiasme du départ a fait place au découragement. A l’heure où je vous parle, l’association compte 70 membres actifs, tous des rapatriés dont un grand nombre de femmes qui représentent plus des 2/3.

S. : Trois ans après votre retour, quelles sont les difficultés que continuent de vivre les rapatriés ?

M.B. : Je n’aime pas me souvenir de ce que nous avons vécu en Côte d’Ivoire. Mais je suis obligé d’évoquer cela un peu afin que vous puissiez saisir ce que les rapatriés vivent comme difficultés. La plupart d’entre nous ont vu mourir des frères ou des connaissances. Des femmes y ont perdu leurs maris ou leurs enfants tués et jetés dans des poubelles ou enterrés à la hâte. Beaucoup d’entre nous ont abandonné tout leur bien matériel et financier. Moi, j’ai abandonné une plantation de plusieurs hectares. Alors, au plan social, matériel, financier, les rapatriés ont tout perdu même le moral. Pour eux, ce fut comme s’il n’y avait plus de solidarité entre humains. Vous voyez le choc moral et social. C’est dans cet état que nous avons regagné nos villages respectifs.

Dans beaucoup de cas, ce sont des veuves avec quatre, cinq enfants ou plus. En Côte d’Ivoire, on travaillait la terre. Ici, il n’y a pas de terres cultivables. Les quelques lopins de terres que l’on accepte céder aux rapatriés sont très pauvres. Tu ne peux rien récolter si tu n’y investis pas avec de l’engrais ou du matériel agricole moderne. Mais dites-moi, comment un rapatrié comme moi pourra-t-il trouver ces moyens matériels ou financiers. Alors, en clair, nos difficultés ont pour noms : manque de nourriture, de logements, de vêtements, de moyens matériels et financiers, de soutien moral. Vous saisissez un peu nos difficultés ?

S. : Vous sentez-vous vous abandonnés... oubliés ?

B.M. : Nous sommes reconnaissants au gouvernement pour l’opération Bayiri et également pour le soutien dont nous avons bénéficié. Ici au Kourittenga, la Croix-Rouge a toujours été à nos côtés ! C’est par son appui que notre association a vu le jour. Alors, nous ne pouvons pas dire que nous sommes oubliés mais je dois le confesser. Ce n’est pas du tout facile pour la plupart des familles rapatriées que je connais.

S. : Quelles activités mène votre association et quels sont vos projets ?

B.M. : Grâce à l’association, les femmes arrivent à mener des activités génératrices de revenus notamment du petit commerce. Notre association dispose également d’un champ collectif. Mais par manque de moyens financiers et matériels, et la précarité des pluies, les récoltes ne sont pas au rendez-vous. Semer trois sacs d’arachide pour en récolter un, avouons que c’est une perte. Cependant notre association a beaucoup d’ambitions et de projets. L’un de nos ambitieux projets est la création d’une ferme d’élevage de porcs dans le village de Liguidi-Malguem. Les femmes n’attendent que des appuis en petits crédits et en matériels pour du jardinage et de l’embouche. Il y a le vouloir mais sans moyens, on ne peut rien entreprendre.

S. : Un appel ?

B.M. : Encore une fois, nous remercions l’Etat, les autorités administratives locales dont le haut-commissariat et la Croix-Rouge. Ils ont déjà fait beaucoup pour nous. Mais nous en avons toujours besoin. Certains d’entre nous ont toujours besoin de soutien moral. Notre association est là avec son récépissé. Nous n’attendons que du soutien pour faire valoir ce pour quoi l’association est née à savoir lutter contre la pauvreté, pour l’épanouissement de nos membres.

Entretien réalisé par Onésime Aké Loba LANKOANDE (onesimeakeloba@yahoo.fr)
AIB/Koupéla

Sidwaya

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