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RD Congo : Le pire est à redouter

Publié le mardi 22 août 2006 à 07h34min

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"Un événement historique et une étape importante dans le processus de paix." Kofi Annan, qualifiant ainsi le premier tour de l’élection présidentielle en République démocratique du Congo, pense, comme nous, qu’une nouvelle page s’ouvre ainsi dans le quotidien d’un pays sevré de scrutins libres et pluralistes depuis plus de 40 ans.

Soumis, depuis la disparition de Mobutu, à des soubresauts sociopolitiques et à une guerre de leadership, ce vaste pays d’Afrique centrale, que Frantz Fanon appelait dans les années 1960 "la gâchette de l’Afrique", se remet progressivement sur la route de la paix.

Des années de transition semblent avoir remis la RDC sur les chemins d’une démocratie visiblement appelée de tous les voeux par des millions de Congolais dont un grand nombre n’a jamais vécu l’expérience des urnes. Depuis le 30 juillet où l’élection s’est déroulée dans le calme et sans accroc majeur, selon des observateurs, les résultats étaient attendus avec anxiété, et les annonces de victoire faites par l’un ou l’autre camp n’ont pas manqué de faire naître une tension perceptible dans le pays.

Le pire était redouté notamment avec les démons du régionalisme qui ont refait surface, nourris par des analyses parfois tendancieuses de médias occidentaux et les propos ethnicistes de politiciens en manque d’inspiration. Pourtant, l’objectif prioritaire, aujourd’hui, doit se bâtir autour d’un Congo uni où "l’étranger", s’il a à coeur le développement du pays, doit plutôt être encouragé.

Normalement, dans la construction d’une nation, surtout celle congolaise, aucun bras ne peut être de trop, en raison de l’immensité de la tâche. Incontestablement, malgré les morts qui ont été comptabilisés à Kinshasa après l’annonce des résultats de ce premier tour qui donne Kabila vainqueur avec 44,81% des suffrages contre 20,03% pour Jean Pierre Bemba, le vice-président, on peut affirmer que la RD Congo s’est rapprochée des portes de la démocratie.

Mieux, comme si on était sous des cieux autres que ceux de l’Afrique, dans sa grande majorité où un président en exercice est rarement mis en ballotage, la victoire étant acquise dès le premier round, Joseph Kabila se retrouvera face à son principal challenger, en principe le 29 octobre prochain. Le jeu des alliances est alors lancé. Les reports de voix n’étant pas systématiques, ce sont les consignes de vote qui seront de mise, selon les intérêts que les autres candidats auront avec Kabila ou Bemba. Le poids financier ne sera pas non plus un atout négligeable dans cette course vers le fauteuil présidentiel.

Qui bénéficiera des 13,06% de l’opposant historique Antoine Gizenga arrivé en troisième position, ou des 4,77% de Nzanga Mobutu, le fils de l’autre, ou encore des 3,46% de Oscar Kashala, médecin récemment rentré des Etats-Unis ? Ostensiblement, rien n’est joué d’avance, et les parrains des deux candidats dans la sous-région et en Occident, pèseront lourd dans la conquête des voix déterminantes pour la suite du scrutin.

En attendant ce second tour avant lequel la Cour suprême devrait statuer sur les litiges, la Commission électorale indépendante présidée par l’abbé Apollinaire Malu Malu a plus ou moins réussi le pari de cette élection que d’aucuns présentaient comme l’étape de tous les dangers. Ce n’était pas une évidence dans un pays victime de la confiscation du pouvoir pendant près de 40 ans et d’un conflit régional de 6 ans impliquant 7 pays africains... et d’une instable transition. La mise en ballotage de Kabila n’est certes pas l’oeuvre du premier venu. Bemba, au propre comme au figuré, a une carrure de grand et ses appuis extérieurs ne sont pas des moindres.

Une chose est certaine : le pouvoir ne sera pas une sinécure pour le nouvel homme fort de Kinshasa. En témoignent les affrontements entre forces pro-Kabila et pro-Bemba, quelques heures avant l’annonce des résultats provisoires. De même, l’attaque du domicile de Jean Pierre Bemba par la garde de Joseph Kabila hier 21 août, et qui a nécessité une protection des soldats de la MONUC, la force des Nations unies en RDC, est un signe précurseur des heures chaudes que pourraient vivre ce pays. C’est encore la preuve que le défi du président qui sera élu après la proclamation définitive et officielle des résultats sera de renforcer la cohésion, et le sentiment d’appartenir à une même nation, cette fois-ci dans un Etat de droit. Ainsi, disparaîtra toute passion nationaliste d’un autre âge, qui constitue pour le Congo un boulet dans sa marche vers la paix.

Dans la balance, on ne saurait occulter les convoitises extérieures sur les richesses d’un pays où les grandes puissances n’hésitent pas à allumer le feu, qui pour vendre ses armes, qui pour procéder à un pillage en règle des ressources naturelles. Chacun voudra s’arroger la paternité du succès de ces élections, afin de signer des contrats mirobolants avec les nouveaux dirigeants. Il urge donc de mettre des barrières solides à toutes ces dérives qui, inéluctablement, seront préjudiciables à l’embryon de démocratie au Congo.

Dans cette logique, la présence des 17 500 Casques bleus de l’ONU et des militaires de l’EUFOR sera nécessaire pour empêcher toute action belliqueuse qui mettrait à mal la poursuite normale de l’ensemble des élections. Surtout que tout nouvel embrasement de la RDC serait synonyme d’un chaos sous-régional, voire africain, les connexions dans les guerres étant multiples.

Il reste cependant que l’avenir de la fragile démocratie au Congo dépendra de sa classe politique. A ce propos, le constat de l’historien Elika Mbokolo mérite mûre réflexion. "Nous vivons, dit-il, une période passionnante et cruciale pour l’avenir du pays. La classe politique s’est montrée en dessous des attentes de la population. Les arguments de campagne relevaient plus du spot publicitaire que du débat d’idées...". Malheureusement, c’est ce débat d’idées qui a jusqu’à présent fait cruellement défaut aux acteurs politiques du Congo. Le pire est donc à redouter, si les choses devaient rester en l’état.

Le Pays

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