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SAP : Neuf ans de galère

Publié le jeudi 27 juillet 2006 à 08h15min

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Ils sont 29 travailleurs licenciés en décembre 1997 de la société africaine de pneumatiques basée à Bobo. Depuis cette date, c’est la croix et la bannière pour faire exécuter une décision de justice qui leur est favorable. Une fois de plus, ils s’adressent au ministre du Travail et de la Sécurité sociale pour qu’il fasse tout ce qui est en son pouvoir afin que justice leur soit rendue.

Monsieur le ministre, le 9 décembre 1997, nous avons été licenciés par la Société africaine de pneumatiques (S. A. P) pour avoir participé à la grève du 9 décembre 1997. Au nombre de 29 travailleurs, dont 11 délégués syndicaux et du personnel, nous saisissions, le 14 janvier 1998, l’Inspecteur de travail de Bobo par une plainte contre cette décision de notre employeur. Cela a occasionné des rencontres de conciliation infructueuses organisées par la Direction régionale de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale du Houet et sanctionnées par un procès-verbal de non-conciliation du 19 juin 1998.

Par la suite, une procédure de règlement de conflits collectifs fut initiée et a abouti à une sentence arbitrale du 14 novembre 1998 par laquelle l’arbitre se déclarait incompétent. Nous avons relevé appel de cette décision et le Conseil d’arbitrage en son audience du 8 février 1999 a vidé la sentence arbitrale n°05/99 dont la teneur suit : " Statuant en matière de différend collectif et en dernier ressort".

En la forme :

- déclare l’appel du comité CGT-B de la SAP recevable.

Au fond :

- déclare le Conseil d’arbitrage incompétent pour apprécier la validité de l’acte de désignation de l’arbitre et rejette par conséquent le moyen tiré de la saisie hors délai de l’arbitre par le ministre.

- infirme la sentence arbitrale du 2/11/1998,

- dit qu’il s’agit d’un conflit collectif et déclare le Conseil d’arbitrage de Bobo¬ Dioulasso complétemment saisi.

- déclare légitime la demande de réintégration des travailleurs et ordonne par conséquent la réintégration des 18 travailleurs licenciés le 9/12/1997 et celle des 11 délégués du personnel et délégués syndicaux qui ont été suspendus avant d’être licenciés.

- désigne le directeur régional de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale du Houet pour suivre l’exécution de la sentence.

- fixe au 14/01/1998, la date de prise d’effets de la présente sentence ".

Le directeur régional de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale du Houet, par lettre N°91/METSS/SG/DRETSS/B-DSSO du 1er mars 1999, demandait au président-directeur général de la SAP de " bien vouloir prendre les dispositions utiles pour l’application effective de ladite sentence avec date d’effet le 14 janvier 1998 ". Las d’attendre, nous avons été contraints de faire servir par acte d’huissier en date du 25 juin 1999, une ordonnance N° 259/99 rendue le 23 juin 1999 par le vice-président du Tribunal de grande Instance de Bobo-Dioulasso pour voir « statuer sur le refus d’exécution de la sentence N°05/99 du 8 février 1999 rendue par le Conseil d’arbitrage ».

Sans aucun argument, la SAP a relevé le caractère non encore exécutoire de la sentence du Conseil d’arbitrage par sa notification de refus de l’appliquer. Nous avons également produit la déclaration de pourvoi en cassation en date du 23 avril 1999 formée par Maître A. Abdoul O. Ouédraogo, Avocat Conseil de la SAP olympic contre ladite sentence arbitrale du Conseil d’arbitrage, conférant du même coup à cette dernière son caractère exécutoire. Mais la SAP persiste et refuse d’appliquer la sentence du Conseil d’arbitrage N°05/99 du 8 février 1999 qui a acquis force exécutoire et est passée en force de chose jugée.

Concernant particulièrement les délégués syndicaux et du personnel au nombre de onze, la sentence du Conseil d’arbitrage a statué sur leur cas dans les mêmes termes que les 18 autres travailleurs. Conformément à la procédure édictée, face au silence observé par le directeur régional de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale du Houet, les délégués syndicaux et du personnel ont introduit un recours hiérarchique le 14 juillet 1998 devant le ministre de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale.

Le ministre ne s’est pas non plus prononcé sur le recours, ce qui a déterminé les délégués à saisir la Chambre administrative de la Cour suprême par lettre datée du 11 novembre 1998. Le recours en annulation introduit le 18 Novembre 1998 au greffe de la Chambre administrative de la Cour suprême par les délégués a abouti au jugement n°19 du 2 juillet 2001 du Tribunal administratif de Bobo ¬Dioulasso en ces termes : "Statuant publiquement, contradictoirement, en matière administrative et en premier ressort ;

En la forme :

- reçoit la demande d’annulation des requérants,

Au fond :

- annule la décision du ministre de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale ayant autorisé le licenciement des onze délégués syndicaux et du personnel de la SAP.

- met les dépens à la charge du Trésor public ".

Monsieur le ministre,

Au vu de cette décision, et selon les arguments du ministère de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale, à savoir que son silence avait comme motivation de ne pas influencer l’issue de la procédure arbitrale, l’Etat marquait et son accord avec la sentence du Conseil d’arbitrage intervenu le 8 février 1999 et avec le jugement n°19 du 2 juillet 2001 du Tribunal administratif de Bobo Dioulasso.

Mais contre toute attente, c’est encore Maître A. Abdoul O. Ouédraogo, Avocat Conseil de la SAP olympic qui, cette fois, se constitue, en date du 29 août 2001, pour le compte de l’Etat burkinabè et interjette appel contre ledit jugement. Devant le Conseil d’Etat, Maître A. Abdoul O. Ouédraogo, Avocat Conseil de la SAP olympic et de l’Etat burkinabè soulève l’absence de décision du ministre du Travail en prétextant notre recours du 11 novembre 1998. Selon l’Avocat Conseil de la SAP olympic et de l’Etat burkinabè, il aurait fallu attendre le 15 novembre 1998 pour introduire notre recours en annulation, contre la décision du ministre chargé du Travail.

Mais, notre recours en annulation même si elle est datée du 11 novembre 1998, a été notifié au greffe de la Chambre administrative de la Cour suprême le 18 novembre 1998 conformément au certificat de dépôt n°089/98 du 30 décembre 1998 qui a été établi pour servir et valoir ce que de droit. Cela, nonobstant le fait que le silence du ministère chargé du Travail a persisté jusqu’à l’audience du 21 juin 2001 du Tribunal administratif de Bobo Dioulasso, soit plus de deux ans et 7 mois après le 14 novembre 1998.

Monsieur le ministre, il est constant de relever que :

- La SAP défie l’Etat car la juridiction compétente pour statuer en dernier ressot en matière de différend collectif est bel et bien le Conseil d’arbitrage selon le Code du travail ancien. Et conformément aux dispositions du Code du travail ancien, le pourvoi en cassation contre la sentence du Conseil d’arbitrage ne suspend aucunement les effets de cette dernière.

- Les difficultés d’exécution de la sentence N°05/99 du 08 Février 1999 rendue par le Conseil d’arbitrage sont établies et persistent du fait de la SAP réconfortée par l’Etat burkinabè qui a accepté par ailleurs les services du Conseil de la SAP olympic dans la même affaire.

- la sentence arbitrale du Conseil d’arbitrage a ordonné la réintégration des 18 travailleurs licenciés le 9 /12/1997 et celle des 11 délégués du personnel et délégués syndicaux qui ont été suspendus avant d’être licenciés.

Monsieur le ministre, devant les difficultés d’exécution de la sentence arbitrale N°05/99 du 8 février 1999 du fait de la SAP, nous avons saisi notre centrale syndicale, et le dossier s’est retrouvé dans ce qu’il est dorénavant convenu d’appeler "les dossiers pendants devant la justice". Ainsi, à l’occasion des négociations du 20 mai 2005, le gouvernement a marqué son accord pour la mise en place d’un comité paritaire chargé de la mise à plat de tous les dossiers de conflits sociaux pendants devant la justice et ce dans un délai de deux semaines.

Les travaux de cette structure se sont tenus du 31 mai au 10 juin 2005, et les conclusions de ces travaux entérinées par le gouvernement vous ont été transmises avec des recommandations relatives à chaque dossier. Et s’agissant particulièrement de notre dossier, le comité paritaire avait fait les observations suivantes :

- "La sentence du Conseil d’arbitrage du 8 février 1999 a ordonné la réintégration des 29 travailleurs licenciés de la SAP.

- cette sentence a vu une opposition de la SAP par la notification écrite du refus d’application de ladite sentence en date du 23 février 1999.

- Il se trouve que le 23 avril 1999, la SAP a notifié par écrit une déclaration de pourvoi en cassation contre ladite sentence au greffe de la Chambre judiciaire de l’ex-Cour suprême, acte inscrit au greffe de la Chambre sociale de la Cour de cassation sous le n°01/2000.

- Ce pourvoi en Cassation intervenu après la notification écrite de refus d’appliquer la sentence s’interprète comme un désistement au refus de l’appliquer ; la SAP donnant de ce fait à la sentence son caractère exécutoire conformément à l’article 213 du Code du travail ancien. Il s’ensuit que la sentence a acquis force exécutoire et est passée en force de chose jugée".

En conséquence, le comité paritaire gouvernement - syndicat faisait la recommandation ci-après : "saisine du procureur général près la Cour d’Appel de Bobo-Dioulasso par l’entremise du ministère de la Justice afin que la sentence du Conseil d’arbitrage qui a acquis force exécutoire soit effectivement exécutée". Et depuis, la SAP refuse jusque-là d’exécuter ce que le gouvernement du burkina Faso a entériné.

Monsieur le ministre, ce que nous réclamons n’est autre chose qu’un droit citoyen ; celui d’être des justiciables burkinabè qui ont utilisé les voies civilisées dans le strict respect des lois de la République.

Nous demandons simplement et seulement à l’Etat burkinabè de nous traiter en Burkinabè vivant dans un Etat de droit ; des burkinabè qui ont exercé un recours de droit républicain et à qui la justice a donné raison. A cette étape, nous ne demandons rien d’autre à l’Etat burkinabè. Sinon, cela fait près de 10 ans que nous sommes au chômage, mais, monsieur le ministre, nous n’avons demandé à l’Etat à aucun moment ni des vivres, ni des fournitures scolaires pour nos familles.

Nous voulons seulement que l’Etat burkinabè soit équitable en droit et franchement républicain. C’est au regard de toutes ces dispositions que nous sollicitons, monsieur le ministre, que vous fassiez diligence dans l’exécution de la sentence arbitrale du Conseil d’arbitrage du 8 février 1999 rendue en matière de différend collectif et en dernier ressort.

Vous en souhaitant bonne réception, nous vous prions d’agréer, monsieur le ministre, l’expression de notre haute et parfaite considération.

Pour les 29 travailleurs licenciés de la SAP,

Bobo-Dioulasso, le 19 juillet 2006

GANOU Drissa

Délégué syndical

SIRIBIE B. Emmanuel

Délégué syndical

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