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Côte d’Ivoire : On a « oublié » l’essentiel

Publié le jeudi 27 juillet 2006 à 08h31min

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Alors que le processus d’identification des personnes entrait dans sa phase décisive avec les audiences foraines des violents affrontements entre jeunes du camp présidentiel et ceux de l’opposition dans toutes ses composantes, sont venus nous rappeler que l’on tente à l’heure actuelle, de régler la crise ivoirienne en l’envers.

S’exprimant sur les violents heurts qui ont opposé militants frontistes (du Front populaire ivoirien, le parti au pouvoir) et jeunesses houphouettistes et leurs alliés du RDR (Rassemblement des Républicains) à Divo et à Grand-Bassam avec trois morts et de nombreux blessés, le Premier ministre ivoirien Charles Konan Banny a indiqué que « rien ne justifie la violence ».

Indigné, voire courroucé après une rencontre avec le président Gbagbo qui avait usé de son « jeu » favori à savoir le dilatoire (« ça va aller », a-t-il lapidairement déclaré à l’issue de l’entretien) pour noyer le poisson, Konan Banny a, par ailleurs, déclaré que les audiences foraines se dérouleraient « coûte que coûte ». En écho à cette ferme résolution, le porte-parole de l’ONUCI (forces onusiennes en Côte-d’Ivoire) a « condamné » les actes intervenus appelant le camp présidentiel à la « retenue ». Un appel qui faisait suite au « bombardement » du véhicule de fonction du représentant de Kofi Annan dans le pays, par des jeunes « patriotes » armés de cailloux. Dans le camp présidentiel cependant, c’est un son de cloche différent qu’il nous a été donné d’entendre.

« Pas question d’octroyer la nationalité ivoirienne au rabais à des étrangers », voilà résumée la position des « frontistes » relayée et rabâchée à longueur de temps par Affi N’Guessan. Des mots rien que des mots, diront certains, sauf qu’ils sont à la base des maux qui minent le pays depuis plus d’une décennie. Un raccourci pour dire que lorsque les « zinzins » et les « bayefoués » prenaient les armes le 19 septembre 2002 pour réclamer leurs primes et indemnités diverses, ils étaient mus par des considérations mercantiles bien sûr, mais aussi et surtout par une lassitude morale compréhensible.

Etiquetés comme les militaires de « l’autre camp », entendez ceux du Nord qui avaient avec le sergent-chef Ibrahim Coulibaly alias « IB », perpétré le coup d’Etat de Noël 1999 qui avait porté le général Gueï au pouvoir, ils étaient l’objet de brimades et de privations diverses. C’est ainsi que leurs camarades qui étaient « clean » et du bon côté (les soldats « sudistes ») avançaient régulièrement en grade et se voyaient confier tous les postes de commandement d’où une atmosphère de plus en plus pourrie au sein de l’armée ivoirienne.

Stop ou encore ?

Et comme dans le même temps l’ostracisation des civils et intellectuels du Nord se poursuivait sous le régime Gbagbo, il va sans dire que les « ingrédients » militaires et civils d’une « insurrection » étaient réunis. Gbagbo, l’historien qui aurait dû avoir une lecture dialectique du mal-être ivoirien et y apporter une réponse appropriée, n’a pu ou plutôt n’a pas voulu être à la hauteur de la tâche. Elu dans des conditions « calamiteuses » et pris en otage par l’aile militaire et tribaliste de son régime il a contribué davantage à la désintégration de la mosaïque de peuples et de culture qu’est la Côte d’Ivoire.

Un repli « tribalo-militaire » que l’on tente de cacher sous un « nationalisme » à l’eau de rose sur fond de procès du « néocolonialisme » français. Une analyse qui peut être fondée, mais qui ne masque pas cependant la gestion patrimoniale du pouvoir en Côte d’Ivoire expérimentée par Félix Houphouët-Boigny et perfectionnée par ses successeurs. Et, comme la manne cacaoyère n’est plus là pour régler les problèmes existentiels des uns et des autres, la république citoyenne a fait place à celle des tribus. Mutatis mutandis, la Somalie et la RD Congo présentent le même cas de figure.

Dans le cas du premier pays, les tribunaux islamiques se veulent les défenseurs d’une « légalité » « islamo-revolutionnaire » dont le but ultime est d’instaurer la charia dans le pays et d’y chasser les « infidèles ». On comprend dès lors pourquoi Addis-Abeba allié inconditionnel de Washington (c’est grâce au soutien des USA que Melès Zenawi est parvenu à chasser Mengistu Haïlé Mariam du pouvoir) a été « activé » pour combattre ces « fous de Dieu ». Il faut circonscrire le mal avant qu’il ne gangrène tout le pays. Dans le cas de la RD Congo et, même si des élections générales se profilent à l’horizon, le « fait tribal » a toujours été effectif dans ce pays.

Le Katanga a connu deux tentatives de sécession (Tshombé en 1964 et le « général » Nathaniel M’Bumba en 1978) le Kasaï ne s’est jamais senti concerné par la Nation congolaise depuis la mort de Patrice Lumumba, cependant que le Kivu et les autres provinces orientales vivent mal leur « congolité ». L’actuelle campagne le laisse voir avec des candidats qui s’identifient jusqu’à plus soif à leur région au point qu’on en est à se demander si la voie fédérale ne serait pas la plus idoine pour ce pays gigantesque et quasi-ingouvernable depuis Kinsasha. Pour en revenir à la Côte d’Ivoire, Affi N’Guessan le « théoricien » y parle aussi de « combat pour la légalité » qui n’est rien d’autre que la négation des droits de ceux qui sont rangés dans la catégorie des « faux ivoiriens ».

C’est donc avec des gens qui ont oublié leur propre histoire et leur civilisation que l’on négocie pour instaurer une république citoyenne et démo cratique. Si ce n’est pas du masochisme, ça y ressemble beaucoup, et le fait de tourner en rond depuis cinq ans devait inspirer bien de personnes. Gbagbo et les siens ne lâcheront pas le « morceau » convaincus qu’ils sont de ne jamais le reprendre par le biais du vote démocratique. Leur « base sociale » ne le leur permet pas (qu’on le veuille ou pas le vote en Côte d’Ivoire sera ethnique) et avec les monstrueuses violations des droits humains qu’ils ont commises en l’espace de cinq ans, leur « retraite » risque d’être tourmentée.

Pour parler comme les « nouchis » abidjanais, « cabri mort n’a plus peur de couteau ». Ce n’est donc plus « bouche parole » qui va le faire changer d’avis. Que les uns et les autres le comprennent bien afin que l’on s’achemine vers la seule occurrence qui va permettre une véritable refondation de la Côte d’Ivoire : la transition militaire. A moins que l’on ne préfère une guerre civile aux conséquences incalculables.

Boubakar SY

Sidwaya

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