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Transport urbain : Libéraliser pour répondre à la crise du pétrole

Publié le mercredi 26 juillet 2006 à 06h52min

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Des extrapolations fondées sur les problèmes d’occupation des terres et la croissance démographique de façon générale indiquent que dans une dizaine d’années au plus, plus de 30% de l’ensemble de la population sera localisé en zone urbaine.

Cette croissance effrénée des centres urbains qui grandissent à un rythme compris entre 3 et 4,5% l’an a une incidence identique sur la demande énergétique dont malheureusement l’augmentation, tout en aggravant la dépendance énergétique du pays vis-à-vis de fournisseurs exogènes, dérègle le rythme de la croissance en provoquant des situations inflationnistes difficiles à supporter par les populations.

Face à une telle perspective, il faut déployer au plus tôt des solutions d’attente sinon de contrôle en partant du fait que le coût des hydrocarbures, donc de l’énergie, peut-être comparé au mouvement du rabot d’un menuisier.

En effet, pour polir le bois, le rabot effectue d’abord un mouvement arrière qui rend de ce fait inéluctable le mouvement devant emporter les copeaux vers l’avant. Même illustré de manière puérile, il est aisé de comprendre que le coût de l’énergie croîtra pendant que croîtra de son côté la demande énergétique du fait de la pression démographique. Il faut de ce fait un sursaut avant l’impasse. Parmi les cartes dont dispose le Burkina pour affronter la nouvelle donne énergétique, il y a entre autres le transport urbain.

En prenant le seul exemple de la ville de Ouagadougou dont la population est estimée à environ un million trois cent mille habitants, moins d’une quarantaine de bus mis en ligne par la seule société de transport urbain desservent actuellement et de manière très insuffisante les différentes zones de la cité. Le reste du transport urbain est assuré par des véhicules personnels le plus souvent poussifs et pollueurs appelés "Au revoir la France" et des engins à deux roues pétaradant à des vitesses infernales sur des routes de plus en plus exiguës et encombrées. Au triple plan de la gestion de la dépendance énergétique de la lutte contre la pollution et du désencombrement des voies, une politique axée sur une valorisation des transports urbains s’avère indispensable.

Anticiper en tenant compte du bilan énergétique

Il ne faut pas perdre de vue que dans le bilan énergétique national, plus de 60% du volume des hydrocarbures importés par le pays servent d’énergie pour le transport. Une option ferme et soigneusement examinée pour le transport en commun pourrait permettre de faire passer cette dépense de plus de 60% à moins de 20%. En termes financiers, ce seront plusieurs milliards de francs qui pourront ainsi être épargnés et orientés vers d’autres secteurs de l’économie. Le transport en commun au Burkina Faso représente une niche commerciale à la fois inexplorée, fructueuse et névralgique. Cette dernière caractéristique, tout en situant l’urgence du problème, oblige à un examen approfondi de ses tenants et aboutissants. Cet examen doit commencer par une connaissance totale de la manière dont d’autres métropoles de la sous-région ont abordé le problème du transport urbain. Si on prend l’exemple d’une capitale comme Abidjan, on remarque que les autorités ont libéralisé le transport en commun en autorisant la desserte des quartiers périphériques par des opérateurs privés utilisant le plus souvent de vieilles guimbardes que la population a vite fait de surnommer "Gbakas", le résultat a été certes la naissance d’une nouvelle branche d’activité économique en milieu urbain et une réponse sur mesure à une demande sans cesse croissante, mais d’un autre côté, ces mêmes opérateurs privés se sont signalés par un manque d’esprit citoyen et un mépris de la sécurité des personnes face auxquels il s’avère encore nécessaire de redéployer de nouvelles stratégies.On se rappelle la chanson du célèbre ivoiro-burkinabè Daouda Koné dans laquelle il décrit avec talent l’univers spécial qu’est devenu celui des "Gbakas". Avec des clients déjà entassés comme des sardines, l’apprenti, qui de toute façon restait accroché dehors sur le car, trouvait le moyen d’embarquer un autre passager en déclarant à celui qui se trouvait assis le plus près de la portière : "M’sié ! poussez un pé !".

A Bamako avec les "Dourounis" c’est exactement la même chose et que dire de Dakar... On voit donc que l’option pour le commun tous azimuts a abouti à une nouvelle forme d’encombrement et à l’émergence d’une nouvelle forme d’incivisme. Fort de toutes ses leçons, le Burkina peut libéraliser lui aussi mais en prenant les précautions d’usage qui consisteront en l’érection de balises légales pouvant éviter aux usagers de s’entendre déclarer : "M’sié ! Poussez un pé !".

Par exemple, avant que d’ouvrir le secteur à l’appétit des privés, les autorités pourront créer une structure spéciale qui sera chargée du contrôle des véhicules de transport en commun. Cette structure élaborera un cahier des charges très strict et soumettra chaque véhicule à un contrôle permanent au cours de ses trajets. La libéralisation des transports urbains en commun est une étape décisive qu’il faut envisager dès à présent en gardant la longueur d’avance que constitue pour nous l’expérience des autres.

Gouverner c’est prévoir et nul doute que ce problème sera examiné avant que les Ouagalais commencent à suffoquer sous la pollution si ce n’est l’inflation.

Luc NANA

L’Hebdo

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