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Guinée-Conakry : Un pouvoir à bout de souffle ?

Publié le mercredi 14 juin 2006 à 07h43min

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La situation sociale était des plus explosives lundi dernier en Guinée. Réprimées dans le sang, de violentes manifestations de lycéens se sont soldées par le bilan macabre de dix morts. C’était lors d’affrontements entre forces de l’ordre et élèves.

Ces derniers protestaient contre la suspension, par le gouvernement, des examens, en raison d’une grève générale des enseignants lancée depuis le 8 juin dernier, pour l’amélioration de leurs conditions de travail.

Déterminés à aller jusqu’au bout de leurs revendications, les syndicats d’enseignants, sous la bannière de l’Inter Centrale Guinéenne, entendent sanctionner le gouvernement qu’ils accusent "d’ignorer systématiquement la misère de la population". Ils exigent notamment une baisse du prix du carburant et le quadruplement des salaires des fonctionnaires.

Dix lycéens sur le carreau. Un drame qui pourrait être inscrit au tableau déjà encombré des mauvais présages. Dût-il empêcher la lame de fond de déferler sur son pouvoir, tout gouvernant devrait se garder de commettre ces deux erreurs fondamentales. Elles ne pardonnent pas. L’une est de tirer sur une foule d’adolescents réclamant plus de justice et de liberté - l’ex-président malien déchu, Moussa Traoré, en sait quelque chose.

L’autre est de chasser de son territoire les étrangers. Pour revenir aux enseignants qui ne grognent, en réalité, que pour leur ventre et leur survie, doivent-ils porter le poids de la responsabilité du grand chapitre de cette dernière tragédie guinéenne ? Il nous semble que non. Car, à dire vrai, les épisodiques irruptions du volcan guinéen qui ne cessent d’embraser l’atmosphère sociopolitique guinéenne étalent leurs magmas de malaise social. Un malaise social plus durement exacerbé par la tyrannie du système Conté.

Stèle inexpugnable dressée au coeur du paysage politique guinéen, Lansana Conté, au pouvoir depuis 1984, qui tient la Guinée d’une main de fer, se refuse en effet à débarrasser le plancher. S’il n’est pas une calamité qui étrangle son propre peuple, il se présente en tout cas sous les traits d’un dirigeant profondément "pouvoiriste", et dont la boulimie du pouvoir est telle qu’il est assimilable à un rouleau compresseur qui lamine toute résistance sur son passage. L’Histoire, à moins d’être plus tard falsifiée, retiendra de cet homme qu’il a craché au visage de la démocratie, et donné à son pays l’image d’un navire qui voguait sans boussole, aux abords du triangle des Bermudes.

Or, aussi vrai qu’"aucun peuple ne supporte la direction d’un chef qui ne trace plus les voies qui mènent à la voiture", aussi évident est qu’un dirigeant fatigué, de surcroît sérieusement rongé par la maladie, n’a plus rien de mieux à proposer à ses concitoyens que passer la main, et ce de façon élégante, c’est-à-dire démocratiquement.

Que peut-on encore proposer après toutes ces années d’exercice du pouvoir ? Les Américains, pour ne pas les citer, ne font décidément pas les choses au hasard, conscients qu’ils sont que l’usure du pouvoir conduit inexorablement au double fléau de la sclérose et de l’ankylose. Tout autour de nous, le constat est établi que le manque d’alternance a été toujours source de tensions, de convulsions et de drames. Là où l’alternance a été impossible, elle s’est attirée les démons de la résignation qui n’ont pu être exorcisés que par la révolte.

Si, à Conakry, plusieurs milliers de collégiens et lycéens ont scandé : "Le changement, c’est pour aujourd’hui", ils ne faisaient, sans doute, que relayer les aspirations de bon nombre de citoyens guinéens. Le président Conté est-il encore perméable à de tels slogans, lui qui semble toujours vouloir tenir tête aux forces du changement ? La Guinée, qui n’a pas encore gagné la bataille de l’alternance, pense-t-elle encore rompre les amarres avec l’ère Conté ? S’est-elle finalement résolue à la fatalité ?

Pour l’heure, rien encore ne laisse présager qu’elle s’affranchira des serres du pouvoir Conté. En tout cas, pas tant que l’élite montrera des signes de division, qu’elle se laissera instrumentaliser et, en plus, qu’une majeure partie de la faune politique guinéenne ira paître sur les verts pâturages du pouvoir.

Pas non plus tant que coups bas, génuflexions devant l’homme fort de Conakry, délation, crocs-en-jambe politiques, ceci dans le seul but d’avoir l’oreille du chef, de compter parmi ses proches et de bénéficier de ses largesses, constitueront les faits divers du Palais de la présidence. Aussi, pas tant que le système restera verrouillé de l’intérieur, ne donnant ainsi aucune chance à l’alternance.

A l’évidence, ce sont autant de faits qui desservent la Guinée et contribuent à entraver sa marche vers le royaume de la démocratie. Cette nation qui est loin d’être pauvre, car disposant de ressources naturelles immenses, aurait pu être pourtant un Etat prospère, si seulement les richesses étaient gérées dans un climat de bonne gouvernance. Rien ne sert d’être riche. Encore faut-il arriver à bien gérer ces richesses.

Et puis, n’oublions pas le silence assourdissant des soi-disant champions de la démocratie qui ne semblent rien faire pour débarrasser ce pays des hardes de pays "démocratiquement arriérés". Seule consolation, tout de même, Conté fait partie des dernières survivances de militaires civilisés au pouvoir sur le continent.

Le Pays

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