Il est 12h 16 mn quand le juge Seydou Millogo, président du tribunal revient dans la salle. Après une suspension de plus de trois heures, le juge annonce le renvoi du dossier au 16 octobre 2006. Motif : permettre à la justice d’examiner la requête de récusation du président du tribunal par la défense et "calmer les esprits". Mes Sankara, Farama et Sagnon bondissent de leur siège pour protester. Ils n’en auront pas le temps.

C’est la salle, pleine comme un oeuf qui le fait à leur place. Désapprobation totale. Le juge Millogo tente de calmer la salle en vain. Aucune des parties dans l’affaire n’aura la parole sur le report. Le juge lève la séance. Le tribunal quitte la salle accompagné par les huées de la salle. Oumarou Kanazoé, le plaignant dans cette affaire et Tintin Ilboudo sont également sifflés par la foule quand ils quittent le palais.

Dans les rangs des avocats de la défense, c’est la stupéfaction. Me Sankara s’échappe, s’engouffre dans son véhicule sous les acclamations de ses supporters. Pas un mot à la presse. Me Farama dit ne rien comprendre. Il s’attendait à un renvoi à la toute prochaine audience, tout au moins. Le tribunal, selon son président veut se donner le temps.

Trois heures avant, c’est un juge serein qui fait son entrée en salle d’audience. il fait une mise au point, demande le silence et annonce que tout enregistrement et photographie est interdit. Il va plus loin et s’inquiète de la partialité du public de la salle qui a ovationné les deux commerçants à leur entrée dans la salle d’audience. Quid du tribunal, interroge-t-il ?. Fair-play, la salle déclenche un tonnerre d’applaudissements pour le tribunal. Fin des civilités.

Après l’appel des plaignants et des témoins, la défense de Dabo et de Tapsoba introduit une requête devant le tribunal pour récuser son président. Cette requête fait suite à l’incident du 5 juin dernier, audience au cours de laquelle, le président du tribunal, le juge Millogo et Me Sankara, avocat de la défense ont eu des échanges peu courtois à en croire nos confrères de "Sidwaya" et de "Le Citoyen". Le président du tribunal suspend l’audience pour examiner la requête. Il était 9h15. La suite, on la connaît.

Le dossier comme annoncé dans notre édition de lundi s’est compliqué avec le dépôt d’une plainte contre Oumarou Kanazoé, Alizet Gando et Tintin Ilboudo. Cette plainte est le fait des deux prévenus du jour, Moussa Dabo et Ousmane Tapsoba . Ils y dénoncent un trafic d’influence et une tentative de corruption. En principe, si le dossier est enrôlé, il passera le 19 juin 2006. Dans les couloirs , on parle d’une éventuelle jonction entre ce dossier et la plainte de Oumarou Kanazoé.

Par Abdoulaye TAO

Chronique d’une journée d’audience pas ordinaire

L’attente fut longue ce 12 juin 2006. Dès l’ouverture de l’accès à la salle d’audience une foule de badauds investit la salle d’audience du tribunal de grande instance de Ouagadougou.

8h 30 : la salle commence à refuser du monde. Oumarou Kanazoé, tout de blanc vêtu est déjà là. A ses côtés, Tintin Ilboudo, un des hommes clés de cette affaire de 50 millions "détournés" par Moussa Dabo et Ousmane Tapsoba.

Tout est en place pour le début de l’audience. D’un côté les avocats des deux commerçants dévisent tranquillement : Me Sankara, Me Farama et Me Sagnon. En face, Kanazoé est défendu par Me Mamadou Savadogo, ancien bâtonnier et Me Nombré, suppléant de Me Halidou Ouédraogo, malade.

Dans la foule des anonymes, on distingue au premier rang, Hamidou Compaoré, député à l’Assemblée nationale. Le conseiller Nana Thibault, lui aussi est présent. Là haut, sur le balcon, le député Malick Sawadogo a réussi à se trouver une place.

9h : Moussa Dabo et Ousmane Tapsoba font leur entrée , acclamés par une grande partie de la salle. Les deux commerçants saluent le public et forment le V de la victoire. Les 9 mois de détention ne semblent pas avoir entamé leur moral. A 9h 11, le tribunal présidé par le juge Seydou Millogo fait son entrée. Mise au point de celui-ci sur la police de l’audience. Pendant ce temps, les gardes de sécurité pénitentiaire font décoiffer certaines personnes dans le public. Oumarou Kanazoé est prié de retirer son bonnet blanc. L’audience commence avec l’appel des prévenus ainsi que des témoins.

9h15 : Me Sankara introduit une requête pour récuser le juge Millogo avec lequel, la défense a eu des échanges durs lors de l’audience du 5 juin 2006. Ce jour-là, la défense a demandé pourquoi ses clients n’avaient pas été régulièrement convoqués. Le président du tribunal suspend l’audience pour examiner la requête.

11h 35 : brève apparition du procureur du Faso dans la salle, histoire de prendre la température.

11h40 : Oumarou Kanazoé se concerte avec un de ses avocats. Au moment, où il décide de sortir de la salle, le tribunal, recomposé fait son entrée. Il est présidé par une dame. Celle-ci appelle les autres dossiers du jour. La plupart sont renvoyés à une autre date. Me Farama s’inquiète du sort de leur requête auprès de la présidente du tribunal.

12h00 : la salle se vide progressivement des avocats qui avaient des dossiers ou qui étaient venus assister au procès des deux commerçants. Ousmane Tapsoba escorté par les gardes quitte la salle momentanément.

12h 06 : c’est au tour de Tintin Ilboudo de quitter la salle.

12h 16 : le juge Millogo est de retour. La salle retient son souffle. Le procès est renvoyé au 16 octobre 2006, après les vacances judiciaires. Déception dans la salle. Le tribunal quitte la salle sous les sifflets du public.

A.T.

Le Pays