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Tchad-Soudan : Jusqu’où ira la crise entre N’Djamena et Khartoum ?

Publié le mardi 2 mai 2006 à 06h12min

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Depuis plus de trois ans le Tchad au Soudan, préoccupe au plus haut niveau les opinions en Afrique centrale surtout et même la communauté internationale. S’agirait-il d’une responsabilité à la dérive des dirigeants de ces deux pays qui ont pratiquement une histoire et une culture commune, ou simplement de désagréments politiques entre leurs dirigeants qui s’accusent mutuellement de volonté de déstabilisation ?

Pour le moment, la communauté internationale hésite à donner sa position officielle. Mais jusqu’où ira cette crise ?

Depuis sa prise de pouvoir il y a une dizaine d’années, Idriss Déby a remisé au vestiaire son treillis de rebelle socialiste pour enfiler le costume d’un libéral pro-occidental. Selon certains analystes, cela ne pouvait pas plaire au régime du Soudan voisin, soupçonné depuis longtemps de carrefour du terrorisme mondial. Très vite, Idriss Déby deviendra le chouchou et le protégé de l’Occident pour lutter contre le terrorisme. Aujourd’hui, son régime est confronté à une rébellion sérieuse , qui selon N’Djamena est soutenue par Khartoum, la capitale voisine.

Pour N’Djamena, le pouvoir d’Idriss Deby est attaqué en toute impunité à partir de sa frontière avec le Soudan. Le Soudan a rejeté toutes les accusations portées contre lui. En revanche, il reproche au régime du président Idriss Déby de soutenir les rebelles du Darfour (Ouest du Soudan), pour renverser le président Omar El-Béchir. Des responsables des Forces unies pour le changement (FUC) et d’autres forces rebelles ont récemment avoué leur complicité avec Idriss Déby qu’ils ont soutenu à prendre le pouvoir.

Ils réclament aujourd’hui la dette à payer, c’est-à-dire le renversement du régime El Béchir qu’ils tentent depuis 10 ans de renverser. Cette crise entre les deux Etats qui s’accusent mutuellement de volonté de déstabilisation politique a conduit à la rupture de leurs relations diplomatiques.

La situation est réellement préoccupante puisqu’on signale à N’Djamena des attaques programmées par le Soudan pour faire partir Idriss Déby, avec des renforts en armes et en combattants envoyés à El-Geneina, la capitale de l’Etat soudanais du Darfour-Ouest à la frontière tchadienne.

Autre signe de la tension entre les deux Etats voisins, le Tchad a retiré sa délégation des négociations de paix sur le Darfour à Abuja. Pour la délégation tchadienne envoyée dans la capitale nigériane, Olesegun Obasanjo ne peut plus jouer le médiateur dans le conflit entre les deux Etats, parce qu’il devient un médiateur dans un conflit où il est partie et prétend assurer la réconciliation des belligérants.

Le pétrole tchadien vient compliquer encore la crise

Le Tchad est en proie à une grave crise financière, exacerbée par une situation militaire aux lendemains incertains. Le pays souhaite récupérer environ 100 millions de dollars de ses pétrodollars, actuellement bloqués par la Banque mondiale depuis début janvier 2006, ou retenus par le consortium pétrolier américano-malaisien qui extrait le brut des champs du Sud (Doba). Le Tchad est aujourd’hui confronté à ses forces politiques de l’opposition, à sa rébellion et ses partenaires financiers pour l’exploitation de ses gisements pétroliers.

Le régime d’Idriss Déby a décidé de modifier unilatéralement une loi sur la gestion des revenus pétroliers. Cette révision législative a notamment supprimé un fonds pour les générations futures sur lequel étaient bloqués 10% des revenus pétroliers et annulé la plupart des clauses qui imposaient au Tchad de les affecter en priorité à la lutte contre la pauvreté. C’est plus de 25 millions de dollars qui ont été bloqués. Ce blocage des fonds a amené l’Etat tchadien a décidé de reporter jusqu’à fin avril sa menace de suspendre immédiatement sa production de pétrole.

La production pétrolière du Tchad est modeste. Elle est estimée à 200 000 barils par jour. La rébellion est déterminée aujourd’hui à pratiquer la stratégie de l’asphyxie en s’attaquant à la manne pétrolière du pays. Mais cette rébellion a-t-elle aujourd’hui les moyens pour renverser le pouvoir en place ? Elle croit, en tout cas selon les dernières déclarations de ses responsables que tout est possible, l’essentiel étant de prendre date. Elle est aujourd’hui bloquée par un dispositif militaire français fort de 1350 hommes matériellement équipés au sol et pour contrôler l’espace aérien du Tchad en vue de parer à toute éventualité. Déçue par la rupture du dialogue à Abuja entre Khartoum et N’Djamena, on peut toujours craindre que l’idylle ne tourne au vinaigre.

Le Tchad assouplit ses positions pour complaire

Le pays d’Idriss Déby qui connaît ces derniers jours une accalmie dans la crise qui l’oppose à plusieurs groupes de rebellion à travers les récentes déclarations de ses responsables politiques montre que l’autorité à N’Djamena a assoupli ses positions sur le contentieux pétrolier avec la Banque mondiale et sur les réfugiés soudanais que N’Djamena considérait comme réservoir de soldats pour renverser son pouvoir.

En effet depuis plus de trois ans, le Soudan a déversé sur le sol tchadien quelque 200 000 réfugiés. Ce qui attire ce beau monde au Tchad, selon certains observateurs, c’est le vide démocratique et l’absence de commandement militaire bien assuré. Il y a au Soudan comme au Tchad un “néant militaire”, ce qui favorise le développement de la crise et l’installation des réfugiés de part et d’autre des deux territoires voisins.

Pour les responsables politiques et militaires de ces deux pays, ainsi qu’aux yeux de la communauté internationale, l’enjeu de cette crise est vital d’abord pour eux, mais pour la sous-région de l’Afrique centrale. Le Tchad peut retrouver son unité et se remettre au travail. Mais il ne pourra pas ignorer de si tôt d’éventuelles menaces que les subtilités de cette crise ont créées. Toutefois dans le contexte de cette guerre civile, il faut éviter de brouiller par des interventions intempestives qui commencent à faire jour du côté de l’Occident et reconnaître aussi et surtout que la bonne gouvernance a quelques écueils à franchir pour s’imposer.

Les Américains ont donné déjà ces signes en dépêchant à N’Djamena récemment leur sous-secrétaire d’Etat pour la région Afrique, le diplomate Yamamoto. La France pour sa part, affine son dispositif militaire . La Chine et dans une moindre mesure la Russie , soupçonnées d’être des alliées de Khartoum dans ce conflit qui l’oppose à N’Djamena s’en préoccupent au plus haut degré. Une situation qui vient nous rappeler que la guerre des blocs n’est pas effectivement terminée .

Augustin Bandé

Sidwaya

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