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Dynamique de la pluviométrie en zone sahélienne et Sud-soudanienne du Burkina Faso

Publié le dimanche 20 août 2023 à 10h00min

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KARAMBIRI Bienvenue Lawankiléa Chantal Noumpoa 1 et GANSAONRE Raogo Noël 2
1. Institut National des Sciences et des Sociales
2. Centre universitaire de Gaoua

Résumé
L’évolution de la pluviométrie dans la zone sahélienne a connu d’importante variation depuis les années de sécheresse. Cette zone a été considérée par de nombreux auteurs comme la plus affectée par les variations climatiques de ce siècle. Ainsi, cette étude a pour objectif d’analyser la dynamique de la pluviométrie dans deux zones climatiques du Burkina Faso. Les données de pluie de 1921 à 2018 de la station synoptique de Dori et de Bobo Dioulasso ont été utilisé. Les résultats montrent que la pluviométrie a connu une régression depuis 1921 dans les deux localités, mais avec une forte tendance à la baisse à Bobo-Dioulasso. Cependant à Dori la sécheresse est fréquente et rude, puisqu’on y enregistre deux années extrêmement sèches (1926 et 1987).

Introduction
La région sahélienne est considérée comme la partie du monde la plus affectée par les phénomènes climatiques les plus extrêmes durant le XXème siècle. Cette région à laquelle appartient le Burkina Faso a connu des périodes de sécheresse et de forte pluviométrie, Sambou et Paturel (2018). Ainsi, durant les années 1910, 1940, 1970 et 1980, la zone sahélienne a connu de graves sécheresses qui ont fragilisées les systèmes de production et rendu vulnérables les populations. L’évolution des paramètres climatiques, notamment de la pluviométrie, a un effet considérable aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays en voie de développement. Au Burkina Fao, les constantes variations du climat ont affecté la plupart des secteurs de production. La rudesse de ses impacts sur les populations et leurs activités économiques nécessite un suivi constant de l’évolution du climat dans la perspective d’anticiper les éventuelles variations, Ali et Lebel (2009).

1. Méthodologie
Le territoire du Burkina Faso est subdivisé en trois zones climatiques que sont les zones sahéliennes, nord-soudanienne et sud-soudanienne (carte 1). Située dans la partie nord du pays, la zone sahélienne occupe environ 25 % du territoire national. Elle est la moins arrosée avec une pluviométrie moyenne annuelle de 500 mm. La zone sud-soudanienne occupe l’ouest et le sud du pays. Sa pluviométrie moyenne annuelle est de 1000 mm d’eau par an. C’est la zone climatique la plus arrosé du pays.

Carte 1 : les zones climatiques du Burkina Faso

1.1. Les données de l’étude
La réalisation de l’étude a nécessité l’utilisation de données. En effet, des séries de valeurs de la moyenne annuelle de la pluviométrie de 1921 à 2018 ont été collectées. Il s’agit des données de la station de Dori et Bobo-Dioulasso respectivement pour les zones sahélienne et sud-soudanien. Les données ont été fournies par l’Agence de la Météorologie nationale (ANAM).

1.2. Le traitement et l’analyse des données

Indice standardisé de précipitation
Dans le cadre de cette étude, l’ISP a été calculé afin de mettre en évidence la fréquence des anomalies pluviométriques (positives ou négatives) des zones climatiques étudiées. La démarche qui consiste donc à normaliser (ou « standardiser ») les données de pluviométrie à l’aide d’une transformation centrée réduite. Il est calculé selon la formule suivante :

x_i^’=(x_i-¯x)/σ(x)
où :x_i^’ = anomalie centrée réduite pour l’année i
x_i = quantité mensuelle ou annuelle des précipitations dans une certaine année
¯x= la moyenne annuelle de la série.
σ (x)= l’écart type de la série

Méthode de détection de rupture
Une « rupture » de stationnarité est définie comme étant un changement dans la loi de probabilité d’une série chronologique à un instant donné Lubes et al. (1994). La détection de rupture dans les séries temporelles permet de vérifier la non-stationnarité des séries pluviométriques et à valider l’hypothèse sur la baisse ou la hausse de la pluviométrie.

Méthode bayésienne de Lee et Heghinian
La méthode bayésienne de Lee et Heghinian ne s’exprime pas comme un test statistique classique. Toutefois, elle vise à confirmer ou infirmer l’hypothèse d’un changement de moyenne dans la série.

2. Résultats

2.1. Évolution du climat à Dori

La moyenne annuelle des totaux pluviométriques de la station synoptique de Dori montre une alternance de déficit et d’excédent pluviométriques. En effet, de 1921 à 2018, il y’a 47 années d’excédent pluviométrique avec des degrés d’humidité différente contre 51 années de déficit pluviométrique avec des degrés de sécheresse variables d’une année sèche à une autre, comme l’indique la figure 1. Les années humides représentent donc 46,39 % contre 51, 54 % d’année sèches sur l’ensemble de la période d’étude. Et 2,06 % des années n’ont connu ni de déficit, ni d’excèdent pluviométrique (Karambiri et Gansaonré, 2023). Le tableau 2 présente la distribution temporelle du comportement de la pluie à Dori.

Figure 1 : variation temporelle de l’indice standardisée précipitation de la station synoptique de Dori

La figure 1 et le tableau 2 montrent une régression continue des quantités de pluies. Les années sèches se répartissent dans le temps sur l’ensemble de la série pluviométrique de l’étude. Treize (13) années, soit environ 13,26 % du nombre d’année d’étude ont connu un déficit pluviométrique assez prononcé. Comme l’indique le tableau de 1979 à 1987, cette zone était dans un déficit pluviométrique important.

C’est d’ailleurs à cette période qu’on enregistre l’année la plus sèche (1987), excepter celle de 1926. Pour davantage appréhender le comportement de la pluviométrie, des moyennes décennales de l’ISP ont été calculées. Sur les neuf décennies et huit ans définis, six décennies (1921-1930 ; 1931-1940 ; 1971-1980 ; 1981-1990 ; 1991-2000 et 2001-2010) se sont révélées être négative.

Le déficit pluviométrique est plus prononcé en 1926 par rapport aux autres années. Cependant, 2012 a enregistré la plus grande quantité d’eau tombée. L’année la plus humide est 1953 et celle la plus sèche est 1926. Selon les normes de l’OMM, 1953 fut une année extrêmement humide tandis que 1926 était une année extrêmement sèche. Cette variation montre des disparités. Effectivement, on constate deux longues périodes d’excédent pluviométriques allant de 1952 à 1958 et de 1961 à 1966.

Ce qui veut dire que les années 1960 étaient humides par rapport aux autres années, comme le montre la figure 1. Cette période est suivie d’une succession d’environ 10 années de déficit pluviométrique de 1979 à 1987. Bien avant cette période, la période allant de 1970 à 1973 fut déficitaire. La pluviométrie de la station synoptique de Dori située dans la zone sahélienne n’a pas une tendance détectable. La droite de tendance se confond à l’axe des abscisses, témoignant ainsi d’une forte variation de la pluviométrie dans cette zone.

L’application du test de Pettitt permet de voir une rupture pluviométrique en 1969. Cette rupture pluviométrique est confirmée par la méthode de Segmentation de Hubert qui divise la série de 1921 à 2018 en trois périodes. Une première période sèche de 1921 à 1951 avec pluviométrie moyenne de 489,80 mm. Une deuxième période relativement plus humide s’étale entre 1952 à 1966 avec une pluviométrie moyenne de 642,28 mn. Enfin une troisième période de 1967 à 2018 qui est la plus sèche de ces trois périodes. La pluviométrie moyenne de cette période est de 470,96 mm.

2.2. Évolution de la pluviométrie à Bobo-Dioulasso

La station synoptique de Bobo est marquée par une variation de la pluviométrie qui se présente sous forme d’une alternance des années déficitaires et des années excédentaires. Les excédents les plus prononcés sont enregistrés au cours des années 1925, 1935, 1951, 1952, 1954, 1955, 1957,1968 et 1970. Cependant, les années déficitaires sont 1983, 2011 et 2017. L’analyse a permis d’identifier trois phases d’évolutions de la pluviométrie. D’abord une phase de succession des excédents de pluie qui sont 1927-1933, 1943-1949, 1951-1955(Karambiri et Gansaonré, 2023).

Ensuite une phase successive de déficit (1971-1978, 1980-1984, 1986-1990). Et une dernière période qui est caractérisée par une instabilité dans la dynamique pluviométrique. La période de l’étude (1921-2018), montre que 50 années soit 51, 02 % ont été humide contre 48 années de déficit pluviométrique soit 48,98 % comme le montre la figure 5. L’année 1952 était la plus arrosée (1551,6 mm) et 2017, la plus sèche (747,9 mm). Ainsi, la tendance pluviométrique reflète bien une importante variabilité pluviométrique entre 1921 et 2018.

Figure 5 : Variation temporelle de l’indice standardisée précipitation de la station synoptique de Bobo-Dioulasso

La droite de régression linéaire de la figure 5 montre une régression des quantités de pluies qui tombent. Dans cette zone qui est la plus arrosée du pays, en depuis de la régression de la pluviométrie, des années d’extrême sécheresse n’ont jamais été enregistrées. Les années modérément secs et très secs représentent environ 18 % des années de la série d’étude. Ces caractéristiques montrent que cette zone climatique connait des variations moins sévères. Les moyennes décennales inférieures à zéro concernent six décennies (1941-1950 ; 1971-1980 ; 1981-1990 ; 1991-2000 ; 2001-2010 et 2011-2018). Ce qui traduit une variation plus ou moins régulière et récente des quantités pluviométriques. Cependant, le test de Pettitt montre qu’il y’a eu une rupture dans la série 1921-2018 à Bobo-Dioulasso. La méthode bayésienne de Lee montre que cette rupture pluviométrique a eu lieu en 1970.

L’application de la méthode de segmentation de Hubert permet de diviser la série en trois phases distinctes. Deux périodes humides et une période sèche. La première période humide s’étend de 1921 à 1950 avec comme moyenne pluviométrique 1124,76 mm. La deuxième phase, plus humide, va de 1951-1955 avec une moyenne pluviométrique 1456,78 mm. Elle est très courte. La dernière période est sèche et s’étale de 1956 à 2018. Sa moyenne pluviométrique est de 1042,67 mm. La différence entre la période humide et la période sèche est de 414,11 mm soit une baisse de 28, 42 % des précipitations. De façon générale, la tendance de la pluviométrie à Bobo Dioulasso est à la baisse.

Conclusion

La présente étude a permis de mettre en relief la dynamique climatique à la station de Dori et de Bobo Dioulasso. Elle a confirmé les tendances à la baise déjà démontré par de nombreux auteurs, avec des périodes de ruptures plus ou moins similaires. Elle met en exergue les différences d’évolution de la pluviométrie dans les trois zones climatiques en s’appuyant sur les données de Bobo-Dioulasso et Dori. Le paradoxe qui se révèle est la similarité entre les évolutions pluviométriques de Bobo-Dioulasso et de Dori, à la différence d’une fréquence importante des épisodes de sécheresse à Dori et une tendance plus élevée à la baisse de la pluie à Bobo-Dioulasso.

Bibliographie

Ali A. & Lebel T. (2009). The Sahelian standardized rainfall index revisited” in Int. J. Climatol. 29, pp. 1705-1714

Karambiri Bienvenue Lawankiléa Chantal Noumpoa, Gansaonre Raogo Noël, 2023. Variabilité Spatio-temporelle de la Pluviométrie dans les Zones Climatiques du Burkina Faso : Cas de Bobo Dioulasso, Ouagadougou et Dori, European Scientific Journal, ISSN 1857-7431,Vol.19, No.9, pp. 262-283.

Lubès H., Masson J.M., Servat E., Paturel J.E., Kouamé B. & Boyer J.F. (1994). Caractérisation de fluctuations dans une série chronologique par application de tests statistiques-Etude bibliographique. Rapport n° 3. ORSTOM, Montpellier, France, 1994.

Sambou S. D. H. & Paturel J. E. (2018). Variabilité spatio-temporelle des pluies de 1932 à 2014 dans le bassin versant du fleuve Kayanga/Gêba (République de Guinée, Sénégal, Guinée-Bissau). Physio-Géo, Volume 12, consulté le 17 septembre 2019.

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