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Déchets plastiques : Ces « voisins » qui nous envahissent

Publié le jeudi 7 mars 2024 à 09h00min

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Déchets plastiques : Ces « voisins » qui nous envahissent

Ouagadougou est une poubelle à ciel ouvert. Les déchets plastiques jonchent les rues, les caniveaux, les points d’eau… malgré les actions de salubrité lancées autrefois en pompe par les autorités, malgré les actions citoyennes volontaires, malgré la sensibilisation, c’est encore pire. Les déchets plastiques sont à nos portes. Ils reviennent sous nos yeux, hagards et vides, et menacent notre existence.

Chassez le naturel et il revient au galop. Cette expression colle bien à la peau des Burkinabè, instruits ou non. L’insalubrité dans nos villes est la preuve que nous sommes loin de la civilisation. C’est triste de voir combien nous sommes devenus sales. Nous avons longtemps été gavées de campagnes de sensibilisation, de sérénades sur la protection de l’environnement ; nous avons à maintes reprises participé aux opérations de nettoyage des espaces publics, le constat reste le même : les déchets plastiques nous envahissent de partout.

Les poubelles publiques, déjà insuffisantes, sont devenues des objets décoratifs. Bon Dieu ! Si ces poubelles avaient le don de la parole… Les sachets d’eau et autres sachets noirs ont transformé Ouagadougou en une gigantesque fresque mosaïque, de Balkuy à Kamboinsin et de Nioko à Zagtouli. Même le centre-ville n’est pas épargné.

Une après-midi, nous avons été témoin d’une scène inimaginable sur la chaussée qui sépare la BCEAO de la place de la nation. Un des occupants d’un véhicule 4*4 a jeté par la fenêtre une peau de banane et un sachet d’eau qui ont failli atterrir sur la tête d’un garçonnet accroché au dos de sa mère. La bonne dame n’avait pas eu le temps de fulminer que le véhicule roulait en trombe et disparaissait aussitôt à l’horizon.

Quelle mouche a pu bien piquer cette personne ? Ne pouvait-elle pas garder les déchets pour les déposer dans une poubelle une fois à destination ? Cet acte d’indiscipline se retrouve également chez les voyageurs qui ont fait du jet des déchets plastiques par la fenêtre des bus, leur sport favori. C’est dangereux et irresponsable.

L’éducation, la bonne, commence autour de soi. Jeter un déchet à la poubelle est un geste banal mais responsable et salvateur. C’est un acte d’amour envers les générations futures. Combien de maladies auraient-elles pu être évitées si notre cadre de vie respirait la propreté ?

Des pays comme le Rwanda ou plus près de chez nous, le Ghana, sont cités en exemple dans la gestion des déchets plastiques et en termes de responsabilisation des citoyens face au péril plastique. Au Burkina, le plastique résiste à la loi. Eh oui, il existe bien un arsenal juridique, hélas, impuissant.

Le gouvernement a adopté en 2014 la loi n°17-2014/AN portant interdiction de la production, de l’importation et de la distribution des emballages et sachets plastiques non biodégradables. Après une dizaine d’années, ça semble être le statu quo.

Ce ne sont pas les textes d’application qui manquent. Il s’agit notamment du décret n°2015-798/PRES-TRANS/PM/MERH du 3 juillet 2015 portant contraventions et amendes administratives applicables en matière d’emballages et sachets plastiques ; l’arrêté n°2015-0361/MERH/CAB du 27 février 2015 portant conditions d’utilisation, de récupération et d’élimination des emballages et sachets plastiques non biodégradables non interdites (dans le domaines de la santé, de la sécurité et de la recherche) et l’arrêté n°2015-037/MERH/CAB du 27 février 2015 portant procédures d’homologation des emballages et sachets plastiques biodégradables.

A l’incivisme écologique des populations, qui ne savent pas souvent faire de distinction entre les sachets biodégradables et ceux qui ne le sont pas, il faut ajouter l’impuissance de l’Etat face aux importateurs des sachets plastiques qui n’en ont cure. Bénéfice, bénéfice, bénéfice… ils n’ont que ce refrain en tête. Leurs affaires sont florissantes avec des populations qui ne peuvent se défaire de l’emprise des sachets.

Pourtant, il existe des sachets et emballages plastiques alternatifs, notamment en amidon, en papier et en tissu. Même si les emballages peuvent être améliorés, il faut déjà saluer les actes de certaines stations-service qui ont remplacé depuis plusieurs années le sachet par le papier.

Pour le retour de la paix, l’Etat a besoin d’argent. Beaucoup d’argent. Les déchets plastiques sont une niche qui peut bien être exploitée. Plutôt que de stagner dans les actions de sensibilisation qui engloutissent des millions de francs CFA, pourquoi ne pas durcir le ton ? L’Etat pourrait mettre en place une brigade pour sanctionner “les pollueurs” à travers des amendes.

En plus de brandir le bâton, l’Etat doit accroître les infrastructures de collecte des déchets plastiques et poursuivre les actions de collecte qu’il avait entamées il y a de cela quelques années. Il faut également encourager les investissements privés dans le recyclage des déchets plastiques pour la fabrication de pavés, briques, tables-bancs pour les salles de classe, etc. Il y a de l’or dans les poubelles, il faut savoir où chercher.

Fredo Bassolé
Lefaso.net
Crédit-Photo KKylandry via Iwaria

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