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Ouagadougou : Entre chance et stratégie, le Pari mutuel urbain est une passion pour certains et un gagne-pain pour d’autres

Publié le mercredi 14 février 2024 à 22h00min

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Ouagadougou : Entre chance et stratégie, le Pari mutuel urbain est une passion pour certains et un gagne-pain pour d’autres

Jeu de hasard, le Pari mutuel urbain burkinabè (PMUB) offre depuis le début des années 90 une aubaine aux parieurs de miser sur des numéros de chevaux participant à une course et d’empocher de l’argent, parfois des millions. Pour beaucoup, le PMUB n’est pas seulement un jeu, mais une véritable passion. Des individus de tous les âges, de toutes les classes sociales s’y adonnent à cœur joie. C’est un moyen de se détendre, de socialiser et surtout de rêver. Ces parieurs assidus scrutent les performances des chevaux et des coureurs avec une attention extrême, espérant que leurs choix les mèneront vers la fortune.

« Les chevaux que j’ai choisis aujourd’hui sont les numéros 16, 1, 6, 11 et 2 », déclare Alidou Sawadogo, qui tente sa chance au Pari mutuel urbain burkinabè (PMUB) un mercredi du mois de janvier 2024. Comme cet ouvrier, ils sont plusieurs à nourrir l’espoir en un lendemain meilleur, en participant chaque jour à ce jeu hippique. Dès 8h, dans un des clubs PMUB du quartier Rimkièta, certains parieurs analysent leurs journaux pour identifier les meilleurs chevaux et trouver la combinaison gagnante. D’autres se hâtent de jouer leurs classements.

Dans l’environnement de ces passionnés du PMUB, il y a ceux qui vendent leurs combinaisons aux joueurs intéressés. Il est environ 10h lorsque nous rencontrons Yacouba Simporé, sous un arbre, à quelques mètres de l’entrée du club PMUB du quartier Tampouy. Turfiste depuis l’avènement du pari mutuel urbain au Burkina Faso, il dit avoir vendu des couplés et des trios gagnants à plus d’une personne. « Un couplé fait 500 francs CFA, et le quinté coûte 300 francs CFA. Je peux vendre quinze à vingt combinaisons par jour. Les gens me connaissent et ils achètent parce qu’ils veulent gagner de l’argent. Il y a des gens qui viennent me voir pour jouer à leur place. Lorsque je gagne, l’on divise le gain en deux », a-t-il soutenu.

« Il y a des gens qui peuvent jouer jusqu’à 50 000 francs CFA sans gagner. Moi je ne peux pas jouer 5 000 francs CFA sans gagner », Yacouba Simporé, vendeur de combinaisons

À la quête perpétuelle de la fortune

Alexis Kaboré, lui, joue au PMUB depuis 15 ans. Contrairement à monsieur Sawadogo qui a opté pour le quinté, il dit être venu jouer un trio. « Ma base, ce sont les numéros 2 et 1. Cependant, je suis sûr de deux chevaux et j’émets des doutes sur deux autres. Parmi les deux sur lesquels j’ai des doutes, il y en a un qui va s’ajouter aux deux pour lesquels j’ai une certitude afin de former mon trio », a-t-il affirmé.

À la question de savoir s’il est sûr de remporter la cagnotte du jour, M. Kaboré souligne qu’il est difficile d’être à 100% persuadé de gagner aux jeux du hasard. « Il s’agit précisément aujourd’hui d’une course de haies. C’est-à-dire qu’un cheval peut tomber et tous les autres vont suivre. Donc, on ne peut pas être sûr à 100% », présente-il.

M. Kaboré confie gagner au moins deux fois par semaine, même s’il ne s’agit pas forcement de gros lots. « Le seul gros lot que j’ai gagné, c’était en fin d’année 2023, où j’ai remporté environ 1 700 000 francs CFA », partage-t-il.

« Mon objectif est de gagner un jour le jackpot », Alexis Kaboré, un passionné du PMUB

Nous entrons à l’intérieur du club PMUB de Tampouy, après échanges avec les sieurs Simporé et Kaboré. L’on perçoit en ce lieu, aussi bien des parieurs jeunes que des personnes d’un âge avancé. Il y a une bonne ambiance dans la salle, les parieurs patientent devant l’écran pour assister à l’arrivée des chevaux.

Se rendant à l’évidence qu’un intrus s’est infiltré, certains rougiront les yeux, en nous demandant de partir. « Nous ne voulons pas être médiatisés ! », clament-ils, assez furieux.

Nous n’aurons donc pas l’opportunité de vivre en live avec eux les émotions de la course aux chevaux. Par contre, nous sommes chanceux de pouvoir nous familiariser au langage du monde des turfistes. Et cela, grâce à un passionné du PMUB rencontré au club situé à quelques encablures de la mairie de Sig-Noghin, dans l’arrondissement n°3 de Ouagadougou. Cet homme admis à la retraite a requis l’anonymat.

Le langage des parieurs

De ses explications, il ressort que le tiercé est un type de pari où les parieurs doivent sélectionner les trois premiers chevaux dans l’ordre exact d’arrivée. Le quarté, lui, est un type de pari similaire au tiercé, mais les parieurs doivent sélectionner les quatre premiers chevaux dans l’ordre exact d’arrivée. Quant au quinté, il s’agit d’un genre de pari où les parieurs doivent sélectionner les cinq premiers chevaux dans l’ordre exact d’arrivée.

Un exemplaire de combinaisons que propose Yacouba Simporé aux parieurs du PMUB

« Le simple est un pari sur un seul cheval. Tandis que le couplé est un pari où les parieurs doivent sélectionner deux chevaux qui termineront dans les deux premières positions, dans n’importe quel ordre. Pour ce qui concerne le trio : c’est un pari où les joueurs doivent sélectionner les trois premiers chevaux dans n’importe quel ordre », a-t-il montré.

« Jouer au PMUB est une façon de contribuer au développement »

Lui également, joue au PMUB depuis très longtemps. « Je joue depuis les années 90. C’est une source de distraction pour moi », fait-il savoir. Selon lui, le fait de jouer régulièrement est une façon de contribuer au développement du pays. Car de son avis, dans la masse à partager, aussi bien l’État, la Loterie nationale du Burkina (LONAB), que les parieurs y gagnent.

S’il affirme que chacun a sa petite stratégie pour gagner, il estime que c’est beaucoup plus la chance qui prime. « Pour moi, c’est 70% de chance et 30% de stratégie ou de connaissance. Par exemple, je sais que le jour où je vais gagner, je ne mets pas plus de quinze minutes pour obtenir la combinaison. Il y a des jours où je mets deux heures à chercher sans gagner », s’est-il ouvert.

Des parieurs consultant les journaux hippiques pour constituer leurs combinaisons

L’expert en la matière indique que les parieurs consultent souvent les journaux hippiques de la LONAB, appelés couramment “Le Programme’’ sur la base duquel les joueurs font leurs pronostics. Mais il y a aussi des journaux spécialisés qu’ils paient, ajoute-t-il, à 100F, 200F, 1 000 FCFA. « Moi j’utilise trois journaux que je combine qui me permettent de gagner par moment. J’ai gagné une fois 1 000 000 de francs CFA, une autre fois 700 000 FCFA, etc. », s’est-il remémoré.

“Les Pressés-pressés’’

Au nombre des acteurs qui interviennent dans le système du PMUB, figurent “Les Pressés-pressés’’. Leur rôle consiste à payer au gagnant qui n’a pas le temps d’aller récupérer son gain à LONAB, la somme qui lui est due, moyennant des frais de retrait. « Ce n’est pas un pourcentage que nous prélevons sur le gain du parieur. Mais nous nous entendons pour qu’il nous donne quand même une contrepartie. Quelqu’un peut gagner 200 000 francs CFA et te demander d’enlever seulement que 2 000 francs. Nous pouvons, dans la journée, rendre ce service à une ou deux personnes, vu qu’il s’agit d’une question de chance », a mentionné l’un des leurs, Ousmane Zoungrana.

« Les gens pensent que nous gagnons beaucoup d’argent alors qu’on se cherche », Ousmane Zoungrana, payeur intermédiaire des gagnants au PMUB

Cela fait 13 ans que M. Zoungrana dit rendre ce service aux gagnants du PMUB qui ont besoin urgemment de retirer leurs gains. Ils sont au total 20 personnes à pratiquer cette activité aux abords de la LONAB, laisse-t-il entendre, après avoir fait faillite dans la vente de la Tombola minute plus.

Si M. Zoungrana reconnaît que la LONAB a pris une mesure leur interdisant de payer les gagnants d’un montant d’au moins 5 000 000 de francs CFA, il fait remarquer que ce sont justement le paiement de ces grosses sommes qui les arrange. À en croire notre interlocuteur, ce sont leurs patrons qui leur fournissent la liquidité nécessaire pour payer les parieurs.

Pour le sexagénaire et passionné du PMUB avec qui nous échangions depuis le club situé en face de la mairie de l’arrondissement n°3, les femmes ont en partie raison de ne pas aimer les hommes qui s’adonnent à ce jeu. Car, argumente-t-il, certains en font une obsession de sorte à tout miser sans réserve dans le PMUB. Ce qui tourne parfois au drame. « Beaucoup fondent tout leur espoir sur le PMUB, alors qu’il n’est qu’un jeu de hasard. Et cela peut financièrement jouer sur la famille et voire même l’ordre social. Les hommes sont donc interpelés à faire du PMUB une distraction comme tous les autres sports sans pour autant tomber dans l’obsession », recommande-t-il.

Pour rappel, créé le 1er mai 1990, le PMUB est de nos jours le produit phare de la LONAB en chiffre d’affaires.

Hamed Nanéma
Lefaso.net

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