Situation du Burkina en 2023 : Le Premier ministre à l’Assemblée législative de transition, un exercice pas assez maîtrisé
Le 1erdécembre 2023, le Premier ministre Apollinaire Joachimson Kyelem de Tambela était face aux députés de l’Assemblée législative de transition, pour la troisième fois depuis sa nomination. Concernant l’exposé sur la situation nationale, c’est la deuxième fois qu’il se prête à cet exercice. Il a été fidèle à lui-même sur ses conceptions politiques, ses sympathies sankaristes et ses aversions étrangères et idéologiques, mais concernant la vie de la nation et les changements opérés depuis qu’il dirige le gouvernement, il y avait beaucoup de zones d’ombre comme le témoigne la flopée de questions posées par les députés. Qu’est ce qui peut rester de ses longues heures d’échanges entre le Premier ministre et les députés de l’Assemblée de transition ?
Le sentiment qui se dégage, au-delà de la volonté de souveraineté proclamée quand on a fini de voir ce long exercice où le Premier ministre a essayé de maintenir l’attention et de détendre l’atmosphère, c’est un manque de professionnalisme de la part du gouvernement. Il y a des reproches que l’on peut faire sur la conception du document. Il est vrai que le plaidoyer du Premier ministre Me Kyelem de Tambela sur la constitution adaptée pour la refondation de l’État …sur la prétendue universalité des valeurs … et sur la démocratie » est d’une importance capitale pour lui.
Et même s’il a consenti à le mettre en dernière position, pour lui c’est last but not least.
Comme témoigne le nombre d’alinéas à lui consacré : 24 sur 85 soit plus de 28% des alinéas de l’exposé. La sécurisation du territoire ne comportait que 5 paragraphes soit 0,05%. Même s’il en a parlé peu, il a considéré que c’est la préoccupation la plus importante et qu’il fallait en parler au début de son discours pour profiter de la fraîche attention des députés.
Les députés ont posé beaucoup de questions sur la sécurisation du territoire et son corollaire le retour des personnes déplacées, le montant des dépenses engagées pour la lutte contre l’insécurité. La faiblesse du document est le manque de données statistiques sur ces questions. En mai 2023, concernant la sécurisation du territoire, le Premier ministre avait indiqué que l’armée contrôlait 65% du territoire mais que 20% de celui-ci avait un accès difficile pour les forces de défense et de sécurité. Six mois après le pays contrôle 65,65%, du territoire a déclaré le chef du gouvernement répondant à une question d’un député, il a ajouté que des incursions des groupes armés terroristes se font sur 22,39% de la partie contrôlée. On se demande pourquoi le gouvernement n’a pas jugé bon dès le départ de présenter lui-même ses indicateurs et de les analyser pour la représentation nationale.
De même au niveau des personnes déplacées, il n’y a pas, dans le discours, un indicateur spécifique sur cette catégorie, encore moins sur le sous ensemble des personnes déplacées retournées dans leurs localités. Les personnes déplacées internes sont visibles seulement quand le Premier ministre parle des personnes vulnérables ayant reçu un appui alimentaire et des articles ménagers qui sont plus trois millions, dont des personnes déplacées internes. La communication sur les indicateurs est aussi une question de souveraineté et de transparence. Au vu des suggestions qui ont émaillé les interventions des députés, ils en auraient fait davantage et de judicieuses si les informations étaient partagées et la communication parfaite.
L’ALT tire son épingle du jeu
Le Premier ministre a raconté une anecdote étrange qui n’était pas probablement sur ses fiches sur la maladie mentale où il y’aurait un village au Burkina Faso, où c’est par le biais de la sorcellerie que certains deviendraient fous. On est dubitatif sur le caractère scientifique de ce propos, en attendant une confirmation du ministère de la Santé et de l’Enseignement supérieur.
L’autre couac important de cette rencontre, c’est le fait que le gouvernement a laissé entendre que le code du travail serait en examen à l’Assemblée législative de transition, alors qu’il l’avait retiré. La communication intra gouvernementale semble ne pas se dérouler bien. Et le Premier ministre qui coordonne l’activité gouvernementale a été dans l’embarras par ce manque d’information. Est- ce la rencontre qui n’a pas été bien préparée où les réponses aux questions qui ont été défectueuses de la part du ministère du Travail ?
Au total de ce second passage, ce sont les députés qui tirent leur épingle du jeu concernant le contrôle de l’action gouvernementale par les questions pertinentes, quand bien même concernant le vote des lois, ils n’expriment pas cette variété de points de vue et de préoccupations.
Sana Guy
Lefaso.net