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Assassinat de l’étudiant Inoussa Kazienga : 13 ans après, l’opérateur économique Alidou Ouédraogo blanchi

Publié le mardi 28 novembre 2023 à 21h25min

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Assassinat de l’étudiant Inoussa Kazienga : 13 ans après, l’opérateur économique Alidou Ouédraogo blanchi

Le mercredi 8 novembre 2023, se sont ouvertes les assises de la chambre criminelle de la Cour d’appel de Ouagadougou délocalisées au Tribunal de grande instance de Koudougou. Deux procès étaient à l’ordre du jour, dont celui impliquant l’opérateur économique Alidou Ouédraogo. Les faits qui lui sont reprochés sont essentiellement la complicité d’assassinat par instigation. Ali Zongo, Saturnin Gue et Roland Kéré eux étaient poursuivi pour les faits d’assassinat de l’étudiant Inoussa Kazienga. L’étudiant était à l’époque vendeur de cartes de recharge au sein de l’entreprise de l’opérateur économique Alidou Ouédraogo.

C’est à 9h que les choses débutent. Il s’agissait pour ce procès, de déterminer qui était le coupable dans cette affaire qui a secoué la ville de Koudougou en 2010. A l’époque, beaucoup de rumeurs avaient circulé au point que la maison et les boutiques de l’opérateur économique Alidou Ouédraogo avaient été incendiés.
Le principal accusé depuis le début de cette affaire, Ali Zongo, a été entendu le premier par la cour, et par la suite son présumé complice Saturnin Gué. Roland Kéré lui était absent parce que décédé.

Selon l’histoire qui est ressortie des enquêtes préliminaires, ce serait à une soirée piscine entre étudiant que la victime Inoussa Kazienga s’est moquée de Ali Zongo qui est venu participer alors qu’il n’était pas étudiant. Et ce serait suite à cette humiliation que Ali Zongo aurait nourri des sentiments de vengeance. C’est ainsi que dans l’optique de se venger, un plan macabre sera mis en place avec la complicité de Saturnin Gue et Roland Kéré qui auraient, par la suite, tué la victime à coups de poings et ensuite en l’étranglant à l’aide d’une corde, dans la nuit du 13 au 14 février 2010.

Devant la cour, Ali Zongo et Saturnin Gue diront que ce sont les gendarmes qui les avait arrêtés qui les ont forcés à mentir.
Devant le tribunal, Ali Zongo et Saturnin Gue diront chacun ne pas connaître la victime et ont déclaré ne pas avoir tué Kazienga Inoussa. Des débats, il est aussi ressorti que Ali Zongo consomme de la drogue.
A la question de la cour adressée à Ali Zongo : « connaissiez-vous Ouédraogo Alidou ? », il répondra : « oui », ajoutant qu’ils ne se fréquentent pas. Il lui sera posé la question : « avez-vous son contact ? ». A cette question, il répondra « non ».

Lire aussi : Assassinat de l’étudiant Inoussa Kazienga : Enfin un coupable ?

Ensuite, entre en jeu le procès-verbal d’audition de Roland Kéré qui sera lu devant la cour. Rappelons que Roland Kéré est décédé. Selon l’enquête, des traces de sang avaient été retrouvés chez Roland Kéré qui dira par la suite que c’était le sang d’un rat. Faute de matériel, aucune expertise ne pourra être faite à l’époque. Etait-ce le sang d’un rat ou du sang humain ? On ne le saura jamais.

La cour reviendra sur Ali Zongo, lui demandant si c’est « M. Alidou Ouédraogo qui vous a envoyé tuer Kazienga Inoussa ? ». A cette question Ali Zongo répondra : « Mr Alidou Ouédraogo me n’a envoyé nulle part ».
C’est maintenant le tour de Alidou Ouédraogo d’être entendu. A la question de la cour : « M. Alidou Ouédraogo aviez-vous le contact de Kazienga Inoussa ? », il répondra « non ». Alidou Ouédraogo ajoutera qu’ils étaient six ou sept qui s’approvisionnaient en cartes de crédit auprès de lui pour les revendre et qu’Inoussa Kazienga étaient un nouveau revendeur. Et qu’après que le responsable des ventes de cartes de crédit à l’époque l’ait informé que Inoussa Kazienga n’était pas venu faire le versement, il est allé faire la déclaration.

A la question du ministère public représenté par l’avocat général Mahama Sory de savoir : « connaissez-vous les accusés ? » Alidou Ouédraogo répondra « non, c’est Ali Zongo que je connais ».

Mahama Sory insiste : « Y’a-t-il un problème entre vous ? ». « Même pas », répondra l’accusé.
« Avez-vous demandé d’exécuter Kazienga Inoussa ? » Mr Alidou Ouédraogo répondra : « même pas », avant de passer le relais à son avocat, Me Cheik Oumar Ouédraogo qui le questionne : « Est-ce qu’un de vos employés s’est déjà retrouvé dans une telle situation ? Mr Alidou répondra : « non ». « Pourquoi la rumeur disait que c’est vous ? », insiste l’avocat. Mr Alidou Ouédraogo répondra : « je ne sais pas ».

Lire aussi : Assassinat de l’étudiant Inoussa G. Kazienga : L’ANEB ne veut pas qu’on enterre le dossier

Avant les plaidoiries, la famille de la victime Inoussa Kazienga a souhaité que justice soit faite et que le coupable paye pour son crime.
Lors des plaidoiries, le ministère public a demandé 20 ans d’emprisonnement, dont 11 ans ferme, pour Zongo Ali et Gué Saturnin. Une condamnation à vie pour Kéré Roland et un acquittement pour Alidou Ouédraogo au bénéfice du doute.
Viendra le tour des conseils de Ali Zongo et Saturnin Gue, respectivement maîtres Marcelin Zida et Souleymane Bako. Ils diront que cette enquête est une histoire à dormir debout parce qu’aucune des pièces à conviction n’est disponible. « Si vous voulez croire à cette histoire à dormir debout je vous félicite », « c’est inadmissible qu’on puisse considérer ses gens-là (Zongo Ali et Gue Saturnin) comme coupables sans preuves conséquentes », lâcheront-ils.

C’est enfin au tour de Mr Cheik Oumar Ouédraogo avocat de Mr Alidou de faire sa plaidoirie : « Les trois accusés avaient dit que c’est Mr Ouédraogo Alidou qui a donné l’instruction. Il est devant votre barre pour complicité d’assassinat par instigation. Si à cause de la torture ils ont donné de mauvais témoignages, il se sont rattrapés en niant les faits. Mais qu’est ce qui prouve que c’est Mr Ouédraogo Alidou qui a donné l’instruction ? ». Après cela la cour s’est retirée pour délibération.

Rappelons que lors des faits la rumeur déclarait que le sexe et la langue de la victime avaient été retirés pour des rituels occultes. A l’époque, le certificat médical après découverte du corps avait révélé cependant que l’état avancé de la décomposition ne permettait pas de savoir les causes de la mort et ne permettait pas de savoir si, oui ou non, une partie du corps de la victime manquait.

Il était un peu plus de 21h quand vint la délibération. La cour décide d’acquitter M. Alidou Ouédraogo au bénéfice du doute. Les principaux accusés dans l’affaire, Ali Zongo, Saturnin Gue et Roland Kéré, poursuivis pour assassinat de Inoussa Kazienga ont aussi été acquittés. La cour justifie cette décision par la non disponibilité des pièces a convictions.

Au sortir du procès, l’avocat de Alidou Ouédraogo, Me Cheik Oumar Ouédraogo déclarera qu’aucune preuve n’incriminait son client. Il reviendra aussi sur la rumeur qui avait circulé à l’époque sur un bébé qui aurait été sacrifié. « La rumeur faisait état de ce que Mr Alidou était en plein rituel en train de sacrifier un bébé quand Mr Kazienga Inoussa l’a surpris en train de faire ce rituel-là. Et c’est ce qui a valu sa mort. Je pense que si un bébé avait disparu en son temps dans la ville de Koudougou, Koudougou c’est pas une si grande ville…. Au moins des déclarations de perte d’un bébé auraient été faites devant les autorités de police judiciaire et que ceci allait corroborer les rumeurs. Donc en l’espèce il n’y a rien eu. Il n’y a pas eu de déclaration en ce sens. Aucun enfant de Ouédraogo Alidou n’a fait l’objet de disparition vraiment mystique. De tel sorte qu’on puisse croire que vraisemblablement Mr Alidou s’était adonné à un tel rituel pour aller en chasse aux sorcières contre son employé Kazienga Inoussa », a déclaré Me Cheik Oumar Ouédraogo.

En rappel, cette affaire a fait couler beaucoup d’encre et de salive il Ya 13 ans de cela. Alidou Ouédraogo a passé trois années de sa vie en détention et a été obligé, à sa sortie, de quitter la ville de Koudougou. C’est du moins ce que nous laisse entendre son avocat Me Oumar Ouédraogo. « Alidou Ouédraogo a payé trois années de sa vie en détention à la maison d’arrêt et de correction, de juillet 2010 en avril 2013. Il a été obligé à sa sortie, de quitter la ville de Koudougou. Cette situation a affecté son moral et le plus profond de son être. Car même s’il ne le dit pas, c’est comme s’il était un exilé à Ouagadougou. Il ne pouvait plus vivre dans la ville de Koudougou », précise Me Ouédraogo. L’avocat ajoute que son client a subi à travers ce dossier un préjudice d’ordre matériel consistant en la privation de tous ses biens et un préjudice d’ordre moral, car « détenu pendant trois ans de façon injuste ».

L’avocat se réjoui de cette décision que la justice qui, de son avis, rend sa liberté à M. Ouédraogo et lui permettant de laver son honneur. Pour Me Oumar Ouédraogo, il lui appartient, à titre personnel, de saisir les juridictions compétentes pour se faire éventuellement indemniser, s’il le souhaite. Même s’il ne l’encourage pas à effectuer cette démarche. « Il est vrai que la gendarmerie est une institution de l’Etat que Mr Ouédraogo peut poursuivre. Cependant, je pense que l’indemnisation ici, c’est le verdict qui a été rendu faisant de sorte que son image ait été lavé. Il n’a pas besoin d’une procédure pour se faire payer de l’argent car l’argent ne pouvait pas laver son image. Mais cette décision qui est rendue a dit le droit en fonction de la réalité des faits. Je pense qu’il n’y a pas meilleur indemnisation que cette décision qui a été rendue », conclut-il, en invitant également les auteurs des rumeurs à se conformer à la décision de la justice.

P. Ouédraogo
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 29 novembre 2023 à 11:54, par Sylvanus En réponse à : Assassinat de l’étudiant Inoussa Kazienga : 13 ans après, l’opérateur économique Alidou Ouédraogo blanchi

    Ce procès pénal pose le problème de la formation de la Police judiciaire (PJ) du Burkina Faso ainsi que son sous-équipement.

    Ailleurs, là où la PJ est assez efficace, l’aveu de culpabilité seul ne peut envoyer quelqu’un devant les tribunaux, quelles que soient les conditions dans lesquelles l’aveu a été obtenu. Faute de preuves matérielles et/ou scientifiques, vous êtes surs et certains que le prévenu sera acquitté au terme du procès. Voilà pourquoi on s’acharnera toujours, même en cas de flagrant délit, à réunir les preuves matérielles et scientifiques irréfutables de la culpabilité de l’accusé avant le début du procès.

    Vivement que la Justice travaille à obtenir une PJ de qualité et que l’Etat équipe conséquemment ses services de PJ. Un tel procès est une honte pour notre justice, sinon pour notre PJ. D’un côté, si l’on se réjoui du fait que le verdict évite que des innocents soient injustement condamnés (conformément à l’adage qui dit qu’il vaut mieux un coupable en liberté qu’un innocent en prison), de l’autre côté la famille de la victime ne pourra probablement jamais faire son deuil, vu que personne n’est désigné coupable. Le sentiment d’injustice subsistera toujours, et même à l’égard de ceux qui ont été acquittés au bénéfice du doute tant que le/les vrai(s) coupable(s) n’aura/n’auront pas été démasqué(s).

    Et que dire de ces accusés qui auraient subit injustement la prison, l’humiliation et la destruction de leurs biens du fait des insuffisances criardes de la PJ qui n’a même pas été capable de prouver que le sang retrouvé sur les vêtements de l’un des accusés était du sang humain ou pas !

    Il est vrai que 13 ans après les moyens et compétences de la PJ se sont améliorés mais ils restent en deçà de ce qui est souhaitable. Même là, s’ils avaient été capables de recueillir et conserver autant d’indices que possible, aujourd’hui on aurait pu les exploiter avec les moyens modernes dont on dispose maintenant, y compris le recours à des labo à l’étranger. Bref... Bravo tout de même à la justice pour ce verdict

    Répondre à ce message

  • Le 29 novembre 2023 à 12:41, par Sylvanus En réponse à : Assassinat de l’étudiant Inoussa Kazienga : 13 ans après, l’opérateur économique Alidou Ouédraogo blanchi

    Ce procès pénal pose le problème de la formation de la Police judiciaire (PJ) du Burkina Faso ainsi que son sous-équipement.

    Ailleurs, là où la PJ est assez efficace, l’aveu de culpabilité seul ne peut envoyer quelqu’un devant les tribunaux, quelles que soient les conditions dans lesquelles l’aveu a été obtenu. Faute de preuves matérielles et/ou scientifiques, vous êtes surs et certains que le prévenu sera acquitté au terme du procès. Voilà pourquoi on s’acharnera toujours, même en cas de flagrant délit, à réunir les preuves matérielles et scientifiques irréfutables de la culpabilité de l’accusé avant le début du procès.

    Vivement que la Justice travaille à obtenir une PJ de qualité et que l’Etat équipe conséquemment ses services de PJ. Un tel procès est une honte pour notre justice, sinon pour notre PJ. D’un côté, si l’on se réjoui du fait que le verdict évite que des innocents soient injustement condamnés (conformément à l’adage qui dit qu’il vaut mieux un coupable en liberté qu’un innocent en prison), de l’autre côté la famille de la victime ne pourra probablement jamais faire son deuil, vu que personne n’est désigné coupable. Le sentiment d’injustice subsistera toujours, et même à l’égard de ceux qui ont été acquittés au bénéfice du doute tant que le/les vrai(s) coupable(s) n’aura/n’auront pas été démasqué(s).

    Et que dire de ces accusés qui auraient subit injustement la prison, l’humiliation et la destruction de leurs biens du fait des insuffisances criardes de la PJ qui n’a même pas été capable de prouver que le sang retrouvé sur les vêtements de l’un des accusés était du sang humain ou pas !

    Il est vrai que 13 ans après les moyens et compétences de la PJ se sont améliorés mais ils restent en deçà de ce qui est souhaitable. Même là, s’ils avaient été capables de recueillir et conserver autant d’indices que possible, aujourd’hui on aurait pu les exploiter avec les moyens modernes dont on dispose maintenant, y compris le recours à des labo à l’étranger. Bref... Bravo tout de même à la justice pour ce verdict

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