Dans une autre vie, elle était vendeuse de bissap, ce jus d’hibiscus prisé pour son goût et pour ses vertus médicinales. Requérant l’anonymat, elle prétend qu’elle ignorait complètement l’impact négatif du produit sur l’homme. « J’utilisais le formol pour rendre mon bissap très sucré. Lorsque je mettais du formol dans le bissap, le goût était juste waouh ! Les gens se bousculaient pour en acheter. Avec le formol, je n’avais pas besoin d’acheter beaucoup de sucre. Le bénéfice était carrément à presque 100% », a laissé entendre la vendeuse de bissap.

A la question de savoir qui lui a conseillé d’utiliser le formol, la vendeuse répond que c’est un boucher qui lui a montré les bienfaits du formol. « J’ai connu le formol grâce à un ami boucher. Il m’a dit que lui il l’utilise afin de pouvoir mieux conserver la viande et pouvoir la revendre le lendemain. Il m’a assuré que c’est sans danger et cela me permettrait de rentabiliser davantage mon commerce de bissap. Quand j’utilisais le formol pour mon jus de bissap, cela donnait une coloration un peu noirâtre. Ce n’était pas la même couleur que le bissap naturel avec du vrai sucre. Mais peu de personnes y prêtaient vraiment attention. Cela passait inaperçu. Les clients voulaient juste du bissap pour se désaltérer ils n’avaient pas le temps pour observer tous ces détails », a-t-elle précisé.

Après une longue période d’utilisation, elle effectue des recherches par curiosité. Elle découvre alors que le formol est utilisé dans la fabrication des mousses d’isolation, de certains shampooings et produits cosmétiques, de certaines peintures, pour la colle à moquette, etc. « J’ai découvert qu’une forte utilisation de formol dans les produits de consommation n’était pas bonne pour la santé. En plus, son utilisation pour la consommation humaine est interdite. Je suis allée voir une amie qui est plus cultivée et elle m’a dit même que je risque de faire de la prison si je n’arrête pas. Elle a même menacé de me dénoncer parce qu’à quelques occasions, elle aussi avait acheté et consommé mon bissap. C’est alors que j’ai carrément arrêté le commerce de ce jus pour me lancer dans la vente de pagnes. Si j’avais su très tôt, je n’aurais jamais utilisé le formol pour m’enrichir », dit-elle.

A l’entendre le formol permet aussi à son ami boucher de conserver la viande pendant plus d’une semaine. « Lorsque le boucher utilise le formol dans la viande, il arrive à la conserver pendant longtemps. En plus, les mouches ne le fatiguent pas. Pour ne pas attirer les soupçons, il attache l’eau dans un sachet blanc et accroche à son lieu de commerce faisant croire que c’est ce qui chasse les mouches », a confié.

Dr Yacouba Sawadogo, nutritionniste

Pour Zeïnabou Kafando grande amatrice de bissap, les femmes qui utilisent le formol pour sucrer leur bissap sont des « sorcières ». « Comment une personne normale peut faire cela ? Personnellement, quand je vois du bissap contenant du formol et celui qui n’en contient pas, je ne sais pas faire la différence. Je consomme le bissap depuis mon bas âge et j’aime les bissaps bien sucré. J’espère que je ne suis jamais tombée sur du bissap contenant du formol », a-t-elle exprimé. « Certains commerçants sont prêts à s’enrichir au détriment de la santé des de la population. Parfois obligée de consommer des jus et nourritures du dehors, elle se sait plus quelle attitude adopter face à cette situation. Utiliser son propre argent pour payer des jus qui pourraient entraîner la mort », s’indigne Mme Kafando.

Le formol peut causer la mort

Le formol est une solution aqueuse incolore à 37 % de formaldéhyde dans l’eau selon Yacouba Sawadogo, nutritionniste. « Le liquide est utilisé comme désinfectant ou pour conserver des échantillons biologiques (animaux). Mis en contact avec l’air atmosphérique, il donne de l’acide formique. De structure chimique H−CHO, il est la forme liquide du méthanal gazeux. Le formol, solution de formaldéhyde, est le fixateur chimique le plus couramment utilisé en histopathologie. Il offre une excellente préservation de la morphologie des tissus, ce qui est sans doute l’une des principales raisons de son utilisation courante. Le formol fait partie de famille des aldéhydes formiques (CH20) », a indiqué Dr Yacouba Sawadogo.

A l’entendre, le formol est un liquide clair à odeur piquante, mais incompatible ou à très forte réactivité avec les oxydants forts et alcalis, les phénols, urée, oxydes, isocyanates et les anhydrides. « Le formol est dérivé du formaldéhyde qui est un agent cancérigène connu. Il est utilisé pour conserver les corps dans les morgues. Il peut également augmenter la durée de conservation des aliments frais. Bien que le formol puisse provoquer des nausées, de la toux et une sensation de brûlure dans les yeux, le nez et la gorge à court terme, elle peut provoquer le cancer si elle est consommée sur une longue période », souligne le nutritionniste.

La détection à l’œil nu de la présence du formol dans un aliment, selon Dr Yacouba Sawadogo, est souvent très difficile mais il existe certains indices tels l’odeur. « Sa présence dans les protéines d’origine animale repulse les mouches c’est-à-dire que vous ne verrez pas de mouches autour des viandes ou poissons », indique-t-il.

À entendre le nutritionniste, s’exposer fortement et constamment au formol peut entraîner la mort par gonflement de la gorge ou par brûlures chimiques aux poumons. « Le contact direct avec la peau, les yeux ou le tractus gastro-intestinal peut provoquer de graves brûlures. Boire aussi peu que 30 ml, soit environ deux cuillères à soupe de formol, peut entraîner la mort. Pour ceux qui l’utilisent pour conserver ou rehausser le goût des aliments malheureusement il n’est pas sans conséquences sur la santé et même la vie des consommateurs », met en garde Dr Sawadogo.

Des conseils pour ceux qui utilisent le formol

Dr Yacouba Sawadogo avertit ceux qui utilisent du formol comme rehausseur de goût ou comme conservateur : il y a des conséquences graves sur leur santé et celle des consommateurs. « Il faut arrêter et prendre attache avec les professionnels de la nutrition pour plus de conseils pratiques. Les consommateurs doivent être plus vigilants car la santé n’est pas un acquis permanent mais une lutte de tous les jours », fait-il remarquer.

Carine DARAMKOUM
Lefaso.net