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Burkina : Vivre selon le modèle Thomas Sankara

Tribune

Publié le lundi 16 octobre 2023 à 11h17min

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Burkina :  Vivre selon le modèle Thomas Sankara

Aujourd’hui, les Africains commencent à comprendre le message laissé par le président Thomas Sankara à la postérité : vivre africain, c’est être soi-même, faire soi-même, vivre de soi-même, prendre soin de soi-même et de son environnement humain, animal, matériel et forestier, se donner les moyens d’agir dans la vie en citoyen intègre. C’est la conviction de Patrice Zombré qui recense, dans les lignes qui suivent, les grands actes posés par l’homme afin de lui rendre hommage.

Introduction

Isidore Thomas SANKARA, né le 21 décembre 1949 à Yako au Burkina Faso, est Fondateur et Président de la Révolution Burkinabè du 04 août 1983 au 15 octobre 1987. Président du Faso, il a insufflé aux burkinabè une politique d’émancipation nationale et un modèle de développement pour l’Afrique.

Cette politique d’émancipation s’est déclinée à travers des actes, des comportements et des principes de développement. Elle a été au cœur d’un vaste programme national à l’envergure régional.

Vivre, c’est d’abord être soi-même

Pour Thomas, le burkinabè se devait d’être lui-même pour vire burkinabè. C’est ainsi, qu’il a décidé de rebaptiser la nation en « Burkina Faso » et d’utiliser l’appellation « Burkinabè » pour désigner le citoyen du Burkina Faso. Cette appellation, qui est en fulfuldé (peulh), est invariant et signifie « habitant du Burkina ». Burkina signifie « Intègre » et Faso signifie « République » ou encore « Terre » ou « Territoire ».

C’est d’ailleurs pour cela que Burkina Faso ne s’utilise pas avec le mot république pour éviter une répétition et que Burkinabè ne s’accorde jamais.

Bien qu’il ne l’a pas encouragé officiellement, c’est sous Thomas Sankara que les burkinabè ont commencé à faire porter fièrement des noms en langue maternelle à leurs enfants. Ils avaient compris !
Il faut être soi-même.

Vivre, c’est produire et consommer soi-même

Oui, Thomas Sankara a dès 1984 appelé les burkinabè à produire et consommer burkinabè afin d’atteindre l’Autosuffisance alimentaire. Ce discours a occasionné des mécontentements du côté de la France qui a, non seulement annulé les commandes encours, mais aussi renvoyé les produits du Burkina Faso non encore transformés ou distribués. Parmi ces produits, il y avait le Coton, le manganèse, des fraises, des pommes de terre, du haricot vert, des petits poids, de la tomate, des mangues, du tamarin, de la goyave, des fraises et des amandes de karité.

Tactiquement, le Président du Faso a :

  Fait distribuer les denrées consommables aux fonctionnaires et aux travailleurs du privé. Ce qui nous a permis de découvrir que nous produisions de très bonnes choses. Quand je lisais les romans de bibliothèque verte, je pensais que les fraises n’existaient qu’en Europe, alors que le Burkina en produisait de très bonne qualité. Les fraises, le haricot vert, les petits poids du Burkina Faso étaient succulents mais peu d’entre nous le savaient.

  Fait créer une usine de transformation des fruits en jus, sous la marque SAVANA, en collaboration avec le Mali qui était aussi producteur de mangues et de goyaves.

  Fait créer une usine de transformation des amendes de Karité en beurre puis en savon, en recrutant les mendiants et leurs maitres à cet effet.

  Fait renforcer l’usine CITEC Huilerie de Bobo-Dioulasso ;

  Fait créer SOFITEX et encourager la fabrication du Faso-Dan-Fani, qui signifie vêtement du terroir.

  Encouragé l’agriculture, y compris celle irriguée ;

  Encouragé l’élevage et la formation de médecins vétérinaires (il y en avait très peu à l’époque).

  Encouragé l’exploitation du manganèse de Tambao et prévoyait la construction de fourneaux pour sa transformation ;

  Fait poser des rails de Ouagadougou jusqu’à Tambao à main nue sur 100 Km, dans le programme Bataille du rail, avec objectif d’amener le chemin de fer à Niamey.

  Fait créer des centres commerciaux, appelés Faso Yaar, pour la promotion et la vente des produits locaux.

C’était le début du réveil populaire. Les populations burkinabè ont pris conscience qu’en consommant burkinabè, ils encourageaient la production burkinabè avec des conséquences économiques importantes :

1) Les parents des fonctionnaires, pour la plupart des paysans peuvent s’offrir eux-mêmes ce qu’ils veulent sans nécessairement recourir à l’aide de leurs enfants ;

2) Le marché est mieux contrôlé car essentiellement national ;

3) Les prix sont fixés et maîtrisés.

Le modèle Thomas Sankara a inspiré plusieurs peuples, y compris ceux de l’occident, qui veulent maintenant produire et consommer localement. Chacun parle de « Made-in-Chez Soi »

Vivre, c’est vivre sa propre culture et de faire sa promotion

Thomas Sankara a fait comprendre aux burkinabè qu’il faut vivre sa propre culture et ne pas en avoir honte. En fait, avant la révolution, hormis les funérailles et les Nabasga (fêtes royales), la plupart des burkinabè faisaient peut recours aux danses et aux rites locales. La plupart de nos musiques étaient inspirées de la sous-région, notamment de la Côte d’Ivoire et du Congo Kinshasa, laissant les quelques rares musiciens nationaux désireux de promouvoir la culture locale en rade.

C’est Sankara qui a donné de l’importance à la culture nationale si diversifiée du Burkina Faso, en créant la Semaine Nationale de la Culture (SNC) et la troupe « Petits chanteurs au point levé ». Cette troupe, essentiellement constituée d’enfants était la preuve que la promotion de la culture se fait dès le bas âge et que l’enfant était aussi doué que l’adulte en matière de culture. A cette époque plusieurs orchestres ont fait leur naissance ou leur découverte et les populations ont pris conscience de la nécessité de montrer au monde les vertus de leurs sociétés.

Aux côtés de la SNC, il y a le Festival panafricain du cinéma à Ouagadougou (FESPACO) qui bien qu’existant avant la révolution de Thomas Sankara avait commencé son agonie. Mais que le Camarade révolutionnaire va remettre sur scène et lui donner une dimension mondiale telle que vous la connaissez aujourd’hui. Il est certain, que si Sankara vivait encore, le premier prix du Fespaco serait à 10 fois ce qu’il est aujourd’hui.

Ensuite, il y a le Salon de l’Artisanat de Ouagadougou (SIAO), pure création de Thomas Sankara pour promouvoir non seulement l’art africain mais aussi l’art au style culturel des peuples, l’artisanat identitaire des peuples du monde.

Vivre, c’est vivre sain

Thomas Sankara a montré aux africains, en commençant par les burkinabè, que les peuples doivent vivre sain. Il faut de l’Hygiène partout. Pour cela, il faut :

  Suffisamment de l’eaux aux populations. Il a lancé un vaste programme de construction de forages dans les villes et les villages, fait réaliser des châteaux d’eau pour desservir les villes, encouragé la construction de retenus d’eau par les populations elles-mêmes.

  Assainir les villes, grandes productrices de déchets et d’eaux usées. Pour ce faire, il a fait réaliser des caniveaux pour drainer les eaux sales et les eaux de pluies, créer des dépotoirs d’ordures ménagers, doter les mairies d’une capacité de ramasser les ordures ménagères et de les incinérer hors des villes.

  Rendre les villes propres. Il a créé des journées de Ville-propre, appelé « Opération Mana-mana », pendant lesquelles les résidents nettoyaient leurs maisons et les artères de leurs cités.

Pour aider la population à vivre sain, il a fait construire des cités viabilisées et propres. De sortes d’HLM dans l’objectif de pouvoir donner un logement à tous les burkinabè.

Vivre, c’est vivre en bonne santé

La santé pour tous était déjà un slogan de Thomas Sankara. Il a fait créer des Postes de santé primaire dans toutes les agglomérations (quartiers des villes, villages, campagnes) avec une permanence à tour de rôle effectuées par des résidents qui ont été formés pour les premiers soins de secours. Ces centres étaient dotés de moyens de transport des malades vers les centres médicaux. Les moyens de transport étaient entre autres des charrettes et des tricycles, aménagés en ambulances de fortune.

Thomas aussi fait créer des Centres de santé pour la mère et l’enfant. C’est plus qu’une maternité, car tandis que la maternité s’occupe des femmes enceintes et de l’accouchement, ces centres prenaient soin de toutes femmes dès leur âge de procréer et des enfants jusqu’à l’âge d’adolescence. C’était donc la fusion en maternité, pédiatrie et dispensaire pour femme.

Thomas a engagé les populations du Burkina Faso, sensibilisation comprise, à une grande Campagne de vaccination, dite « Vaccination Commando ».

Thomas a institué le sport de masse, en réservant le jeudi à tous les travailleurs et non travailleurs pour faire de la gymnastique à partir de 16 heures afin de maintenir le corps sain. Il a fait construire le Stade du 4 Août et favoriser la création de stades dans plusieurs villes, stades construits pour la plupart à main nue, j’en ai participé.
Il a créé le tour du Faso, un tour cyclisme de plus en plus mondial.

Vivre, c’est honorer la femme

Pour Thomas Sankara, il n’y a pas de bonne vie, de bonne gouvernance, de bonne société sans la FEMME.

Très tôt il a impliqué les femmes dans la gouvernance des affaires de l’Etat, en nommant Mme Rosine Ouédraogo, Ministre. Il a nommé des femmes magistrats, directrices générales de sociétés, directrices dans la fonction publique, hauts commissaires, etc.

Il a augmenté l’effectif des femmes dans plusieurs institutions dont la police, la gendarmerie, l’armée de l’air, la douane. Il a encouragé les filles à embrasser des filières techniques et scientifiques.

Le plus mémorable est « La Journée de la femme », célébrée le 8 mars pendant laquelle il demandait aux hommes de faire le marché, de cuisiner pour leurs femmes, filles et sœurs, et d’assurer l’entretien de la maison. Il a lui-même donné l’exemple !

Une place, appelé jardin du 8 mars, a été construite en l’hommage à la femme.
C’est sous la révolution que le Burkina a commencé à avoir un fort taux de scolarisation des filles, grâce à Thomas Sankara.
Vivre, c’est prendre soin de son environnement

Pour Thomas Sankara, la vie citoyenne commence par la protection de l’environnement. Protéger l’environnement, c’est :

  Lutter contre la divagation des animaux domestiques qui peuvent détruire les champs, les plantes et l’environnement de survie des populations ;

  Planter des arbres afin de refaire les forêts, reboiser les brousses, ombrager les routes et les agglomérations, afin d’avoir un climat adapté à la vie ; Il n’a pas eu besoin d’un accord mondial comme la COP pour s’y lancer ;

  Lutter contre la coupe abusive des arbres ;
  Lutter contre le braconnage ;

Sankara a créé des jardins publics dans tous les grands quartiers de Ouagadougou et dans les autres villes. Ces jardins, bien aménagés et ombragés, sont encore à jour des endroits agréables à fréquenter et les burkinabè ne s’en privent pas.

Sankara savait faire un choix d’arbres pour éviter que la saison sèche n’ait raison des efforts de la population. C’est ainsi qu’il a encouragé la plantation massive d’acacia et d’eucalyptus.

Il a fait réaliser des retenus d’eau pour permettre l’entretien de l’environnement et les cultures contre-saison, l’abreuvage des animaux.

Vivre, c’est créer les infrastructures indispensables à son développement

Pour Sankara, le citoyen doit disposer d’infrastructures de vie, de communication, d’économie et marché, d’industries.

Il a fait réaliser 100 km de chemin de fer entre Ouagadougou et Tambao, à main nue, avec objectif de relier Niamey.

Il a fait construire plusieurs barrages et retenus d’eau dont le barrage hydroélectrique de Kompienga, celui de Bagré va suivre plus tard. Le barrage du Sourou, le barrage de Kompienga ainsi que plusieurs autres barrages vont permettre la culture maraichère et la culture de contre-saison, notamment du maïs et du riz.
Il a réalisé des routes, la plupart en terres battues et quelques fois avec le concours des populations.

Vivre, c’est protéger le bien communautaire

Pour Thomas Sankara, le citoyen doit être intègre ! Il a fait de la lutte contre la corruption, les détournements de biens publics, la destruction de biens publiques, la malhonnêteté dans les affaires, SON CHEVAL DE TROIE.

C’est ainsi que les tribunaux populaires ont été créés pour juger les voleurs, les corrompus, les commerçants véreux et les renégats.

Aujourd’hui, on parle de lutte contre les biens mal acquis en Europe comme en Afrique, sans citer un seul instant Thomas Sankara !

Vivre, c’est combattre l’ignorance

Thomas Sankara savait la plupart des inactions du peuple sont dues à l’ignorance. Il savait qu’un peuple éduqué est une nation prospère. Alors, il a institué le Programme d’alphabétisation de masse, dénommé Bamtaare. Il a fait produire des supports en langues nationales et faire introduire l’enseignement des langues locales dans les écoles. Des vieux sont allés à l’école et ont appris à lire et en profitent bien dans leurs activités.

Il a institué le journal en langues nationales, en son temps, le More, le Dioula et le Fulfuldé.

Aujourd’hui, le journal est dit dans au moins huit langues (more, dioula, fulfuldé, gourmantché, bissa, dagara, bwaba, lélé) nationales.

Il a exigé la scolarisation des filles autant que les garçons.

Conclusion

Isidore Thomas Sankara, en quatre (4) années seulement, a montré au monde et surtout à l’Afrique qu’il a un modèle simple de développement pour toutes les sociétés. Il a en si peu temps créé des leviers pour l’émergence du Burkina Faso dans tous les domaines de la vie, et constituer ainsi ce que le PNUD considère aujourd’hui « Le Modèle Sankara ».

Si tous ceux qui revendiquent la parité homme-femme, la santé pour tous, le développement durable, la lutte contre le changement climatique, la lutte contre le blanchissement d’argent, le consommer local, pouvaient se souvenir des actes de Thomas Sankara ! Mais hélas, chacun se fait héros de la trouvaille de ces expressions qui ne sont que d’autres façons de redire les faits et gestes de l’homme qui a révolutionné le monde à travers le Burkina Faso.

Mais aujourd’hui, les africains commencent à le comprendre : Vivre Africain, c’est être soi-même, faire soi-même, vivre de soi-même, prendre soin de soi-même et de son environnement humain, animal, matériel et forestier, se donner les moyens d’agir dans la vie en citoyen intègre !

Que Thomas Sankara repose en paix et que sa mémoire ne soit jamais oubliée !

Patrice ZOMBRE

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