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78e AG de l’ONU : Bassolma obsédé par le contexte sous-régional

Publié le mardi 26 septembre 2023 à 18h00min

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78e AG de l’ONU : Bassolma obsédé par le contexte sous-régional

Cbs L’iconoclaste, écrivain chroniqueur, décrypte à travers les lignes qui suivent le discours prononcé par le ministre d’Etat Bassolma Bazié à la tribune de l’ONU le 23 septembre 2023. Ce discours, il le juge globalement maîtrisé avec une gestuelle qui sied au contexte, une tonalité ironique, pathétique et ascendante, un style décomplexé et iconoclaste au parfum du discours de Sankara de 1984 à la même tribune.

Comme c’est la tradition, la grand’messe des chefs d’Etat s’est tenue cette année, du 19 au 26 septembre 2023 à l’ONU où les présidents se sont succédé au pupitre pour donner leur lecture sur la marche du monde. Pour le cas spécifique du Burkina Faso, c’est à Bassolma Bazié, ministre de la Fonction publique, qu’il a été échu la charge de représenter le président Ibrahim Traoré au pupitre. Après le grand oral qui a défrayé la chronique sur les réseaux sociaux, il convient de relever qu’en termes d’analyse, le discours du Burkina a été essentiellement axé sur la dénonciation des politiques occidentales et des errements des organisations, le procès de la France et l’affirmation de la souveraineté du Burkina.

En ce qui concerne le premier point, c’est avec emphase et de façon non exhaustive que la dénonciation a été faite. Ainsi, la responsabilité de la communauté internationale à travers ses organisations (ONU, Union africaine) dans la chienlit créée en Lybie et le refus fait au Niger quant au droit d’accès au siège des Nations Unies sont fustigés sans ambages. « Le Burkina Faso condamne fermement cette manœuvre sordide », clame Bassolma. Puis, c’est la politique de deux poids deux mesures des puissances occidentales qui est passée au crible à travers le qualificatif de « patriotes » conféré aux volontaires ukrainiens engagés dans la guerre russo-ukrainienne alors que ceux du Burkina sont traités de « milices » dans le cadre de la lutte antiterroriste.

A cela s’ajoute la même politique de la CEDEAO plus prompte à mobiliser en 2 mois, « 2 milliards de F CFA » dans son projet d’attaquer le Niger pour réinstaller au pouvoir le président déchu Bazoum alors que dans le cadre du G5 Sahel, elle n’a pu mobiliser que « 25 millions de dollars » pendant des années. La suite de la litanie des dénonciations est marquée par le blocage par les puissances occidentales des moyens de défense commandés par le Burkina pour sécuriser le territoire national. « Vous parlez de défense des droits humains, je vous invite donc à nous livrer incessamment nos armes pour la défense et la protection de nos populations meurtries », peste l’orateur.

S’agissant du 2e point, il est en lien direct avec le premier et constitue une suite logique de ce dernier à travers laquelle la puissance coloniale est publiquement déshabillée. Son rôle joué dans la crise libyenne, sa réticence à quitter le Sahel quand on lui demande « de déguerpir militairement », son rôle après le coup d’Etat de septembre 2022 pour imposer des larbins à la tête du Burkina, etc., sont passés au peigne fin. Véritable procès public où le président Macron a lui-même droit à la barre, à un cours d’histoire à travers la saignée humaine africaine qui a construit la gloire de la France. Sans oublier la découverte des « accords secrets avec la France » passés publiquement en revue au risque de hérisser le coq gaulois.

Ces deux points ont occupé environ 90% du discours prononcé et traduisent l’obsession née du contexte sous-régional avec laquelle le Burkina s’est rendu à la tribune de l’ONU. Et en matière de compréhension d’un discours, connaître le contexte dans lequel il a été écrit et prononcé est très capital. C’est pourquoi, au regard de la trajectoire politique empruntée par le Burkina depuis le putsch de Traoré et les rapports tendus entre le pays et certains de ses partenaires, il n’est pas étonnant que ce soit avec une telle posture de révolté, de nègre-marron obsédé par les défis du moment que le Burkina s’est rendu à l’ONU.

Le nombre de fois illimité avec lequel le mot « France » et des chiffres relatifs à la dette de sang ont été employés dans le discours, est révélateur à lui seul du sentiment de dégoût que suscite l’Hexagone auprès des autorités burkinabè. Cette posture qui confère au discours un caractère objectif et subjectif, n’est pas anodine. Bassolma et les siens savent bien que la jeunesse africaine et en particulier burkinabè est sensible à ce style à la Sankara auquel elle a été biberonnée et sur les traces duquel ils dirigent le Burkina.

Et ce n’est pas le fait du hasard si Bassolma « lance un appel vibrant et solennel à tous les peuples d’Afrique à se mobiliser dans la fraternité et solidarité africaine ». Cette posture jointe à cet appel et le nombre de fois incalculable avec lequel les mots « peuple », « patrie », « patriote », « populations », etc. ont été employés, procèdent d’une volonté de s’attirer la sympathie de l’opinion à la fois nationale et internationale pour une bouffée d’oxygène au moment où des « tentatives de coups d’Etat sont en élaboration » contre la transition. Une obsession et posture tout à fait légitimes mais qui frisent la radicalité qui commande le Burkina à s’assumer.

Un discours dont la prédominance a été marquée par des accents diatribiques

Ainsi, le 3e point relatif à l’affirmation de la souveraineté du pays s’inscrit en droite ligne de la posture sus-citée. Cette affirmation se dégage de l’expression du refus de la docilité chère à tout nègre-marron. « … nous indiquer des partenaires à fréquenter et des conduites à tenir. Nous disons non », « Le Burkina Faso liera de façon souveraine ses partenariats avec qui il veut », voilà les passages du discours qui attestent de la volonté du pays de s’affranchir du joug des puissances impérialistes. Participe aussi de cette affirmation, la dénonciation « des chaînes d’aliénation économique, sécuritaire et socioculturelles » dont les Burkinabè sont eux-mêmes coupables et à propos desquelles le discours ne dit pas suffisamment comment en sortir.

Même si un clin d’œil fut furtivement fait à l’Alliance des Etats du Sahel, à l’Initiative d’Accra et au Plan d’action pour la stabilisation et le développement, on peut tout de même déplorer le fait que la part belle n’ait pas été suffisamment faite au chapitre relatif aux actions entreprises sur le plan national dans le sens de l’opérationnalisation de cette souveraineté. Quoi de plus normal dans un discours dont la prédominance a été marquée par des accents diatribiques à l’endroit des puissances occidentales. De ce constat, il se dégage un véritable déséquilibre dans le traitement des points cités.

Pour terminer, l’exercice du discours a été globalement maîtrisé avec une gestuelle qui sied au contexte, une tonalité ironique, pathétique et ascendante, un style décomplexé et iconoclaste au parfum du discours de Sankara de 1984 à la même tribune ; le tout dans un discours ampoulé à la fois direct et rapporté. « Ils ont négocié le maintien des relations afin que le capitaine Ibrahim Traoré mette en œuvre ce qu’ils décideront… L’ayant aussi refusé au nom de… ».

Ce passage du discours au style rapporté procède d’une volonté de mettre en exergue de façon emphatique la bravoure du jeune capitaine à la tête de l’Etat. Enfin, comme tout discours, celui prononcé par Bassolma a sa part de subjectivité, d’objectivité et de subjectivité objectivante.

Cbs L’iconoclaste
Ecrivain chroniqueur

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Vos commentaires

  • Le 26 septembre 2023 à 20:08, par Diongwale En réponse à : 78e AG de l’ONU : Bassolma obsédé par le contexte sous-régional

    Je suis désolé, mais ce discours de Bassolma Baziè face à une assemblée quasiment vide de l’ONU n’a rien de la qualité des discours de Thomas Sankara qui, lui, n’a jamais pris d’accents guerriers et vengeurs pour défendre ses arguments révolutionnaires.

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  • Le 26 septembre 2023 à 22:34, par Renault HÉLIE En réponse à : 78e AG de l’ONU : Bassolma obsédé par le contexte sous-régional

    Votre ministre a surtout ridiculisé le BF par son discours de sous-sous-sous-Castro rhabillé a marché de friperie, vous allez bientôt en avoir des échos.

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    • Le 27 septembre 2023 à 06:38, par Agglomération En réponse à : 78e AG de l’ONU : Bassolma obsédé par le contexte sous-régional

      Je ne vous le fait pas dire. J’ai lu seulement 02 pu 03 phrases de son discours avant d’abandonner. La disonnance de son discours était intenable. Mais une semaine plutôt, le commentaire d’un internaute sur les cubains qui s’aventurent en Russie en quête d’emploi m’avait tellement fait rire que j’arrivais plus à faire mes propres commentaires. Un Bassolma ne comprend pas que si FIDEL CASTRO pouvait lui répondre il lui aurait demandé de ne plus prononcer son nom dans leur discours. Ce sont des gens qui sont en déphasage avec la réalité historique et qui pervertissent les idées, les faits historiques et tout cela transparaît au final dans leurs actes.

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  • Le 27 septembre 2023 à 00:16, par Alpha2025 En réponse à : 78e AG de l’ONU : Bassolma obsédé par le contexte sous-régional

    J’ai honte que nous ayons toujours ce genre de langage en 2023. C’est la preuve que nous n’avons rien compris. Bien de pays ont été colonisés avant le Burkina. La France elle même à été colonisée. La Chine et l’Inde ont été colonisés. Pensez vous qu’ils ont perdu du temps à lancer des diatribes contre le monde entier ? Non ! Ils se sont mis au travail. Intelligemment. Résolument. Sans relâche ! Quand les chinois ont commencé à parler, ils avaient dépassé le Japon (leur ancien colon) comme deuxième puissance economique mondiale. Quand à l’Inde, des pans de l’industrie européenne sont contrôlés par des capitaux indiens (Jaguar et Land Rover, ARCELOR). L’inde et la Chine, la Turquie, l’Iran peuvent parler. Leur voix compte. On est obligé de les respecter. Certains se plaignent du fait que les nigeriens aient de l’uranium et pas d’électricité ! Ce paradoxe est le problème des nigeriens, pas celui des français. Au lieu de cela, que pensez vous du fait que les burkinabè produisent du coton, mais tissent l’essentiel de leur danfani avec du fil importé ? C’est beaucoup plus grave que le cas de l’uranium du Niger. Les nigeriens ont l’excuse de la complexité de l’industrie atomique. Les burkinabè n’ont aucune excuse : ils ont décidé de produire leur étoffé symbole avec du fil importé, alors que rien ne leur interdit de produire le fil sur place pour leur danfani. La production de l’unique filature Filsah est très insuffisante. Chaque fois que tu porte fièrement un danfani, tu enrichi un pays étranger. Avec ça, notre souveraineté...... Je crois que tout le monde a compris mon point de vue sur le discours de Badsolma : inutile et contre-productif ! Ce n’était pas la peine de dépenser autant pour faire ce discours à L’ONU. Il aurait dû le faire à L’UO. Il aurait été plus près de son public cible et cela aurait été moins cher !

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  • Le 27 septembre 2023 à 08:59, par Vérité Indiscutable En réponse à : 78e AG de l’ONU : Bassolma obsédé par le contexte sous-régional

    Félicitations infinies à BASSOLMA BAZIE. Il a parlé comme nous le voulons. On s’en fout de vos analyses et de vos commentaires. Seuls les jeunes conscients panafricanistes ultra determinés à s’affirmer pourront sauver l’Afrique.
    Le monde applaudit et les impérialistes locaux condamnent. Un pays comme ça ne peut jamais se développer. Vous êtes vraiment à plaindre.

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  • Le 27 septembre 2023 à 11:28, par Passakziri En réponse à : 78e AG de l’ONU : Bassolma obsédé par le contexte sous-régional

    Les intervenants qui m’ont précédé ont tout dit.
    J’ai démandé à une connaissance vivant dans en Suéde ce que les suedois pensent des discours des representants burkinabè et Malien à la tribune de l’ONU. Sa reponse ? : Rien ! puisque personne lÀ bas n’a pris note de tels discours , encore moins de leur contenu. Ils savent qu’il y#a eu AG à New York, pas plus. Ni les dicours occidentaux, ni les diatribes sahéliennes n’impactent leurs vies. Donc comme Alpha2005, Agglomération et les autres l’ont déjà souligné, ce sont des sorties inutiles et qui ne produisent rien , sauf la distraction de sahéliens qui s#en rejouissent depuis des jours, oubliant les vrais défis de l’heure et de l’avenir.

    Passakziri

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  • Le 28 septembre 2023 à 10:05, par KESINO En réponse à : 78e AG de l’ONU : Bassolma obsédé par le contexte sous-régional

    C’est dommage que des Africains contemporains soient encore prompt à critiquer toute idée, fut elle une insulte mais rationnelle, qui soit prononcée contre le COLON FRANCAIS. Je mets bien colon français en majuscule parce que vous avez si bien cité d’autre pays qui ont été colonisé mais vous n’avez pas dit par quelle puissance !!!
    A nos jours près de 70 ans après la soit disant Indépendance des colonies françaises, aucun de ces nouveaux états n’est réellement indépendant. Un tel discours prononcé courageusement et avec succès par notre ministre d’Etat (n’en déplaise à certains pour mes qualificatifs), ne peut aujourd’hui, en dehors de l’Afrique du Sud (et nous savons bien pourquoi), être prononcé par un pays anglophone d’Afrique. La raison simple est que les anglais sont partis réellement. Les Français non ! pire, les français ont même lors que leur était possible, récupéré les colonies portugaises (cas de la guinée Bissau par exemple) et espagnoles (cas de la Guinée équatoriale) ou encore les colonies Belges (cas de la RDC) où ils dictent leurs lois, les mêmes que dans les pays francophones. de grâce arrêtons de faire un mélange du genre quand il s’agit de se concentrer sur nos problèmes. Si nous manquons d’aller en France pendant un an ou dix, c’est pas sûr qu’on va mourir ! , on peut même changer de langue entre temps comme l’a fait le Rwanda. Nous avons tout intérêt à nous soutenir les uns les autres plutôt qu’à plaider la cause de nos bourreaux d’hier et d’aujourd’hui. C’est une question d’acceptation du sacrifice, plutôt que des égoïsmes que nous observons çà et là. Merci

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