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Santé : « La colopathie n’engage pas le pronostic vital des patients, mais altère leur qualité de vie », Dr Abdoul Rasmané Zongo

Publié le dimanche 24 septembre 2023 à 22h20min

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Santé : « La colopathie n’engage pas le pronostic vital des patients, mais altère leur qualité de vie », Dr Abdoul Rasmané Zongo

Selon les chiffres, la colopathie fonctionnelle représente un tiers des consultations en gastro-entérologie. Qu’est-ce que la colopathie fonctionnelle ? Quels sont les symptômes de la colopathie ? Comment se fait la prise en charge ? Peut-on en guérir ? Comment l’éviter ? Autant de questions que nous avons entre autres, posé à Dr Abdoul Rasmané Zongo, médecin en spécialisation en troisième année d’hépato-gastro-entérologie, interne des hôpitaux au service d’hépato-gastro-entérologie du CHU Yalgado Ouédraogo. Lisez plutôt !

Lefaso.net : Qu’est-ce que la colopathie en termes simples ?

Dr Zongo : La colopathie fonctionnelle qu’on appelle communément colopathie, est un ensemble de manifestations digestives qui traduisent une anomalie de fonctionnement au niveau du tube digestif, notamment au niveau de sa partie basse, c’est-à-dire les intestins. Il faut noter qu’à ce dysfonctionnement, on n’a pas identifié une cause organique. Ce qui fait qu’on utilise le terme « fonctionnel ». C’est une maladie qui n’est pas grave, mais qui va avoir un retentissement sur la qualité de vie des patients.

Dans notre jargon, on dit qu’elle n’engage pas le pronostic vital des patients. Mais elle peut altérer la qualité de vie des patients avec des retentissements économiques importants par le coût des examens, les consultations et les traitements et même au niveau de la productivité des patients avec l’absentéisme, la diminution de leur efficacité même quand ils sont au travail. Elle concerne à la fois les enfants et les adultes, les femmes comme les hommes, avec une prédominance féminine.

Dans ce service, recevez-vous beaucoup de patients qui souffrent de colopathie ?

A titre personnel, je reçois beaucoup de patients qui souffrent de colopathie. Je n’ai pas de statistiques personnelles, parce que je n’en ai pas fait. Mais ce qui est dit dans la littérature, c’est que la colopathie fonctionnelle, c’est 10 à 15% des consultations chez le médecin généraliste et chez le gastro-entérologue, c’est jusqu’à un tiers des patients. C’est quand même élevé. En début d’année, une étude a été réalisée dans le service, ce n’était pas sur une longue période, mais elle a montré que 23% des patients qui avaient consulté durant cette période avaient une colopathie fonctionnelle.

Quels sont les symptômes de la colopathie ?

Il y a essentiellement trois symptômes ou groupe de symptômes. Le premier, c’est la douleur abdominale, ce qu’on appelle couramment mal de ventre. C’est le premier motif de consultation. En général, c’est une douleur qui dure depuis longtemps chez le patient. Chez les adultes, c’est souvent même depuis l’enfance. Et en général, la douleur dure depuis plus de six mois et c’est une douleur récidivante, qui disparaît et réapparaît par moments. Elle peut être localisée à une partie de l’abdomen ou bien concerner tout le ventre.

Cette douleur va être soulagée par l’émission de selles ou de gaz. Le patient qui va au WC ou fait des gaz va être soulagé. La douleur peut être améliorée lors des périodes de vacances, de détente, lorsque le patient se repose bien. Et elle peut être aggravée ou déclenchée par le stress, l’anxiété, certains événements socio-affectifs douloureux comme le divorce, le deuil.

Le deuxième symptôme, c’est le ballonnement. Le patient va avoir l’impression que son ventre est distendu, surtout après le repas, il y a des bruits qu’il entend que nous appelons des borborygmes qui sont dus au gaz qu’il a dans le ventre et il fait même des gaz, ce que nous appelons des flatulences ou pets comme on les appelles couramment. Lorsqu’il fait les gaz, ça soulage le ballonnement.

Le troisième groupe de symptômes, c’est ce que nous appelons les troubles du transit. Le patient va être constipé ou faire la diarrhée. Parfois même, ce sont les deux, tantôt il est constipé, tantôt il fait la diarrhée. La constipation, c’est lorsque le patient a moins de trois selles par semaine ou même il peut aller au WC plus de trois fois, mais si l’émission des selles est difficile et que les selles sont dures, c’est aussi la constipation. En ce qui concerne la diarrhée, c’est lorsque le patient a plus de trois selles par jour. Ce sont des selles qui vont être molles ou liquides. En gros, ce sont ces symptômes qu’on a lorsqu’on a une colopathie fonctionnelle. Le patient peut avoir tous ces symptômes ou en avoir quelques-uns.

On peut avoir d’autres symptômes qui sont digestifs ou extra digestifs. On peut avoir des patients qui vont avoir la nausée, qui vont parfois vomir, qui vont roter beaucoup, ce que nous appelons éructations. Il y en a qui vont avoir des céphalées, qui vont se sentir fatigués et parfois même des palpitations.

Il n’y a pas de cause organique, vous l’avez dit tantôt. Mais comment la colopathie survient-elle ?

A ce jour, on n’a pas de cause claire, identifiée pour cette pathologie. On a des facteurs qui peuvent expliquer les symptômes. Le premier élément que nous allons mentionner, ce sont les troubles de la sensibilité au niveau des intestins. Ce sont des patients qui vont avoir un intestin qui est irritable. C’est-à-dire que le seuil de la douleur chez ces patients est bas. Cela veut dire que pour des stimulations qui normalement chez les autres n’engendrent pas de douleur, chez eux, ça provoque une douleur. L’intestin est très sensible. Ces stimulations peuvent être les contractions intestinales et la distension par les gaz.

Il y a aussi ce qu’on appelle les troubles de la motricité. Ce sont des anomalies de contraction des intestins. Quand on mange, il faut que les intestins se contractent, ainsi que l’estomac pour digérer les aliments et les faire progresser jusqu’à l’évacuation. Il y a des patients qui vont avoir des perturbations lors de ces contractions. Les intestins vont se contracter plus rapidement et parfois avec plus d’intensité donnant des spasmes intestinaux ou crampes abdominales qui peuvent être douloureuses. Des contractions trop rapprochées vont accélérer le transit.

Chez ces patients, cela va donner une diarrhée. Il y en a qui vont avoir des contractions qui vont être lentes. Eux, ils vont avoir tendance à être constipés. Et comme les intestins de ces patients sont très sensibles, parfois les contractions vont générer une douleur. Les anomalies de contraction affectent la circulation des gaz digestifs, favorisant une rétention intestinale des gaz à l’origine d’une sensation d’inconfort avec parfois du ballonnement.

Au-delà de ça, il y a ce qu’on appelle des altérations ou modifications de la composition du microbiote intestinal. On a une flore bactérienne au niveau des intestins qui comprend à la fois des bactéries qui sont dites « bonnes » et d’autres qui sont dites « mauvaises ». Il doit y avoir équilibre entre ces deux populations de bactéries. Lorsque celles qui sont mauvaises l’emportent sur celles qui sont bonnes, ça peut donner lieu aux manifestations qu’on a citées. Les aliments vont beaucoup fermenter, ça va produire des gaz, irriter l’intestin et être à l’origine de la constipation ou de la diarrhée.

Après ça, il y a des phénomènes psychiatriques ou psychologiques qui ont été incriminés. Comme je l’ai dit, le stress, l’anxiété, des patients qu’on dit hypocondriaques. Les événements socio-affectifs qui vont intervenir dans le déclenchement ou l’aggravation des symptômes. A ce titre, on dit souvent que notre intestin, c’est notre deuxième cerveau. Il y a certains aliments aussi qui ont été incriminés, mais ce ne sont pas les mêmes aliments chez tout le monde.
Ce sont quelques explications, il y en a beaucoup d’autres qui expliquent pourquoi les patients ont les symptômes qu’ils ont.

Vous avez dit qu’il y a la colopathie chez l’enfant, chez l’adulte. On peut donc naître et grandir sans colopathie et à un moment donné la colopathie survient ?

Ce n’est pas une maladie héréditaire ou génétique. Pour le moment, on n’a pas identifié de lien entre la colopathie et la génétique. La colopathie survient à un moment donné dans la vie. Ça peut survenir à n’importe quel moment de la vie. On peut ne pas l’avoir à la naissance et l’avoir entre temps.

Quand vous recevez un patient et que vous soupçonnez la colopathie, y a-t-il des examens à faire pour confirmer la maladie ?

Le diagnostic de la colopathie, c’est un diagnostic clinique, c’est-à-dire que c’est à partir des symptômes que le patient vous donne et ce que vous trouvez à l’examen du patient (en général, c’est pauvre, on ne trouve pas grand-chose quand on examine le patient), qu’on pose le diagnostic. Néanmoins parfois, on peut être amené à faire des examens, notamment lorsqu’on a ce qu’on appelle des signes d’alarmes. Ce sont des signes qui doivent attirer l’attention du médecin, qui doit se dire que ça peut être autre chose.

Les signes d’alarme, c’est lorsque le patient a plus de 50 ans, parce que c’est le moment où les gens font des cancers digestifs, il ne faut pas passer à côté. Il y a l’amaigrissement (on peut se dire que c’est autre chose) parce que normalement dans la colopathie, les patients ne maigrissent pas. Lorsque aussi le patient a du sang dans les selles ou bien qu’il est anémié, on peut se dire que c’est quelque chose de plus grave, donc il faut faire des examens pour voir.

Lorsque les symptômes sont à prédominance nocturnes ou encore les symptômes sont d’apparition ou de modification récente, on fait des examens pour nous assurer que ce n’est pas autre chose. Ces examens n’ont pas pour but de confirmer la colopathie, mais c’est pour se rassurer que ce n’est pas autre chose avant de retenir la colopathie, parce que c’est un diagnostic d’élimination ou d’exclusion. C’est quand on a écarté les autres qu’on retient ça.

Pour les examens, on peut avoir des examens de sang, de selles, de morphologie (échographie, scanner, endoscopie ou plus précisément la coloscopie). Au-delà de ça, il y a des patients qui vont vouloir faire des examens pour être rassurés même s’il n’y a pas les signes d’alarme que j’ai cités.

Comment se fait la prise en charge de la colopathie ?

La prise en charge de la colopathie commence dès la consultation parce que de ce qui va se passer là-bas, va naître une relation médecin-patient qui est très importante pour la suite de la prise en charge. Il faut qu’il soit bien accueilli, qu’il ait une écoute attentive et empathique. Cela va l’emmener à s’ouvrir et vous donner des éléments au-delà des symptômes et qui influencent les symptômes. Les événements socio-affectifs peuvent influencer les symptômes, donc il faut que le patient s’ouvre pour donner ces éléments qui sont importants pour la prise en charge.

Une fois qu’on a écouté le patient et compris que c’est une colopathie, il faut le dire au patient. Il faut lui expliquer la maladie, ce qui fait qu’il ressent ces symptômes, lui montrer que ce qu’il ressent est réel, parce que souvent ce sont des patients qui ont vu plusieurs médecins avant de venir à vous. Comme on ne trouve pas grand-chose, il peut être inquiet et se dire qu’on ne croit à ce qu’il dit. Il faut donc lui dire que ses sensations sont réelles malgré le fait que les examens soient normaux et le rassurer que c’est une maladie qui n’est pas grave, qui ne tue pas. C’est chronique, ça peut partir et revenir, mais ce n’est pas grave, ce n’est pas un cancer. Une fois que le patient a compris cela et a accepté, c’est un grand pas dans la prise en charge et ça contribue à soulager ses symptômes.

Avant les médicaments, il y a des mesures générales qu’on donne, que nous appelons mesures hygiéno-diététiques. On établit un régime alimentaire qui doit être adapté à chaque patient. Ce régime doit être adapté à chaque patient, parce qu’ils n’ont pas tous, les mêmes choses à manger et n’ont pas tous les mêmes moyens. Un patient peut avoir une intolérance à un aliment et l’autre pas. Donc c’est en fonction de chaque patient qu’on adapte le régime qui doit être équilibré avec beaucoup de fruits et de légumes. Il faut bien s’hydrater.

On conseille aussi l’activité physique régulière et adaptée. Il faut prendre en compte l’aspect psychologique, il faut un soutien.
Pour ce qui est des médicaments, en fonction des symptômes que le patient a, on a des classes de médicaments qu’on va utiliser. Pour les douleurs, on a des antispasmodiques pour essayer de réguler les contractions des intestins. Pour la constipation, on a des laxatifs pour ramollir les selles et faciliter leur évacuation et pour la diarrhée, on a des antidiarrhéiques.

Un fait important, c’est que dans le traitement, il faut se fixer des objectifs raisonnables, il ne faut pas se dire qu’on va guérir le patient. L’objectif c’est de soulager les symptômes du patient, afin d’améliorer sa qualité de vie. Après, il peut y avoir de longues périodes de rémission, un jour, ça peut revenir. Le traitement aussi n’est pas à prendre sur une longue période. C’est lorsque le patient a des symptômes, qu’il prend le médicament. Quand il est soulagé, il arrête.

Au-delà de ces médicaments, il y a d’autres médicaments qu’on peut être amené à utiliser notamment chez certains patients qui ne répondent pas aux médicaments cités plus tôt : ce sont les anti-dépresseurs. Et comme on a parlé de flore, de bactéries, on utilise aussi certains antibiotiques. Il y a de nouveaux traitements qu’on appelle des probiotiques. Ce sont des produits qui vont permettre de réguler la flore intestinale.

On ne peut donc pas en guérir définitivement ?

Clairement dans le traitement, on ne se fixe pas pour objectif de guérir le patient comme je l’avais dit. C’est d’améliorer les symptômes, d’améliorer sa qualité de vie. Maintenant dans l’évolution, il est dit dans la littérature que la moitié des patients, sur le long terme, à savoir 40 à 50% ne vont plus sentir les symptômes, ils vont devenir asymptomatiques. Je ne sais pas si on peut dire qu’ils sont guéris. Je ne peux pas dire ça, mais en tout cas, ils ne vont plus avoir les symptômes. L’autre moitié va continuer à avoir les symptômes de temps en temps.

Quels conseils pour éviter la colopathie ?

Etant donné que c’est une maladie dont on n’a pas vraiment identifié les causes, c’est difficile de dire voilà ce qu’il faut faire. Néanmoins, on peut donner des conseils d’ordre général pour promouvoir la santé. C’est d’avoir une alimentation équilibrée, adaptée, variée. Rester actif sur le plan physique, avoir donc une activité physique régulière adaptée. Il faut bien s’hydrater, consommer assez de fruits et de légumes et rester aussi intellectuellement actif. Il faut bien dormir et se faire sobrement plaisir en prenant parfois du bon temps.

Pour des gens qui ont déjà des symptômes, le conseil que j’ai à leur donner, c’est de consulter un médecin qui va voir ce qu’ils ont comme maladie et leur proposer un traitement.

Entretien réalisé par Justine Bonkoungou
Lefaso.net

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