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Envoi d’un contingent burkinabè au Niger : « Le coût financier s’inscrit dans le coût des opérations de sécurisation du territoire national… »

Publié le mercredi 20 septembre 2023 à 22h14min

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Envoi d’un contingent burkinabè au Niger : « Le coût financier s’inscrit dans le coût des opérations de sécurisation du territoire national… »

Au cours de la plénière du 19 septembre 2023, l’Assemblée législative de transition (ALT) a donné un avis favorable pour l’envoi d’un contingent burkinabè au Niger, en cas d’agression de ce pays. Avant l’étape du vote du projet de loi, des commissaires de l’Assemblée ont eu un débat général avec le ministre de la défense nationale, le colonel-major Kassoum Coulibaly, qui était assisté de ses collaborateurs et les représentants du ministère de la Justice. Nous vous proposons une synthèse des réponses du ministre pour mieux comprendre cette loi qui donne feu vert aux militaires d’intervenir au Niger en cas d’agression.

Le gouvernement peut-il expliquer à la représentation nationale le concept de « contingent militaire » ?

Le concept de contingent militaire englobe une notion de personnel d’un nombre quelconque non standardisé, qui n’est pas défini et une notion de moyens mis à la disposition de ce personnel en vue d’accomplir une mission. Il peut être de l’ordre de quelques individus ou de l’ordre de plusieurs milliers de personnes ou de modules divers. Il peut également comporter du personnel non militaire, des autres entités des forces de défense et de sécurité, des volontaires pour la défense de la patrie et des civils remplissant des fonctions bien définies.

Dans le cadre du projet d’intervention militaire de la CEDEAO au Niger, il nous revient que des troupes militaires burkinabè ont déjà été déployées. Qu’en est-il exactement ?

Aucun contingent militaire n’a encore été déployé en République du Niger dans le cadre de l’assistance prévue dans le présent projet de loi. Soyez respectueusement informés que, prenant en compte les activités de lutte contre le terrorisme, le Mali, le Niger et le Burkina Faso du fait de la zone des trois frontières, ont un besoin naturel de se concerter pour agir ensemble ; cela n’a pas toujours été le cas de par les visées françaises et les pressions exercées sur les gouvernants.

Du reste, dans le cadre des missions habituelles pour lutter contre le terrorisme, des mouvements du personnel ont lieu dans les deux sens pour des activités relatives à des opérations conjointes et de soutien mutuel. Il y a récemment des soldats burkinabè qui ont été envoyés en stage dans un centre d’entrainement des forces spéciales construit à travers la coopération germano-nigérienne. Cela répond à des prévisions lointaines rentrant dans un vaste programme de partenariat avec le Niger. C’est donc une satisfaction pour le ministère de la Défense et des anciens combattants (MDAC) de voir ce partenariat de formation se concrétiser aujourd’hui avec l’avènement du nouveau pouvoir.

Le gouvernement a-t-il les moyens pour gérer deux fronts, à savoir celui de la lutte contre le terrorisme au niveau interne et le projet d’intervention militaire de la CEDEAO au Niger ?

Le déploiement d’un contingent militaire burkinabè en République du Niger participera à la lutte contre le terrorisme dans notre pays. Il s’agira concrètement d’une mutualisation de nos capacités et aptitudes pour faire front commun contre le terrorisme. Il ne doit pas être sous-entendu que des détachements seront dégarnis pour déployer des centaines ou des milliers de combattants au Niger. Il pourrait tout simplement s’agir d’une assistance visant à combler certains vides capacitaires et de surtout faire tomber nos frontières pour réaliser cette continuité de l’espace de manœuvre de nos forces. Dans la situation sécuritaire actuelle du pays, le Burkina se doit de maîtriser tout ce qui peut être fait en amont.

Le gouvernement a-t-il pris en compte les éventuelles réactions des populations vivant dans les zones à forts défis sécuritaires par rapport à l’envoi de ce contingent militaire au Niger ?

Ces populations, à court terme, ne verront aucun dégarnissement des unités qui sont déployées à leurs côtés. Par contre, à moyen et long terme, elles constateront une amélioration de la situation sécuritaire grâce à la mutualisation de nos moyens avec les pays frères du Niger et du Mali, et également grâce au front commun que nos trois pays formeront contre les groupes terroristes pour une plus grande efficacité.

Dans le cadre de l’exécution de la mission du contingent, le gouvernement peut-il préciser à la représentation nationale comment il envisage la mutualisation des moyens ?

La mutualisation des moyens a existé entre le Niger et le Burkina Faso en ce qui concerne les opérations de sécurisation et actuellement pour le transport entre les deux pays. Le présent projet de loi s’il est adopté viendra renforcer et donner un caractère réglementaire à jour de la pratique usuelle.
Dans la pratique, il s’agirait de requérir les capacités nécessaires pour une nette amélioration du rapport de force.

Le gouvernement dispose-t-il de ressources matérielle, humaine et financière conséquentes pour la prise en charge du contingent ?

Le coût financier de ce contingent s’inscrit dans le coût des opérations de sécurisation du territoire national pour lequel le peuple burkinabè, à travers votre auguste Assemblée, a consenti des ressources au budget des opérations. Il n’y aura donc pas un besoin particulier nouveau car les Etats du Burkina Faso et du Niger mutualisent déjà leurs moyens dans des opérations militaires.

Quelles sont les garanties de protection prévues par la partie nigérienne au profit des soldats burkinabè qui seront déployés sur le territoire nigérien ?

Il faut souligner que nous ne partons pas de « zéro » car des textes ont été signés entre nos deux pays. Cependant, il ne sera pas de trop, dans le cadre de la mise en œuvre de l’assistance militaire avec le Niger, de signer un mémorandum qui aura pour effet le statut des membres du contingent pour mettre l’accent sur les différentes garanties.

A la suite de ce projet de loi, s’il est adopté, un accord technique de type SOFA (Status Of Force Agreement) sera signé entre les deux pays et, il prévoira les juridictions compétentes en cas de délits ou crimes. En principe, selon les usages, les juridictions du pays d’origine du contingent sont celles habilitées à juger tout élément fautif.

Le gouvernement peut-il rassurer la représentation nationale que le budget mobilisé dans le cadre de l’effort de paix ne sera pas impacté par l’envoi de ce contingent militaire au Niger ?

Le budget mobilisé dans le cadre de l’effort de paix ne sera pas impacté par l’envoi de ce contingent militaire au Niger car il sert essentiellement à la prise en charge des volontaires pour la défense de la patrie dont les effectifs ne font que croître au vu de l’engouement populaire.

Le gouvernement peut-il préciser à la représentation nationale le coût global de l’envoi du présent contingent ? Qui du Burkina ou du Niger le prendra en charge ?

Le déploiement du contingent s’effectuera dans la continuité des opérations de sécurisation du territoire national, à l’image des opérations conjointes que nos deux pays effectuent souvent. La prise en charge du contingent sera assurée donc sur les ressources destinées à la sécurisation du territoire national mais il faut noter que notre armée a souvent recours à l’assistance du Niger soit en matière de transport aérien, soit en pièces de rechange, etc. En tout état de cause, il y aura des formes de compensation entre nos deux pays et cela se fait déjà d’ailleurs.

Qu’est-ce qui justifie la fixation de la durée de la mission à six mois ?

Le contexte, les nécessités et la pratique en la matière pourraient justifier cela. L’on avait pensé à un temps raisonnable susceptible de permettre aux forces engagées de revenir se reconditionner. Cette durée a été ramenée à trois mois renouvelable pour être conforme à la note verbale n°011848/MAE/C/NE/DGAJ/BIL2 du 04 septembre 2023 notifiant l’ordonnance n°2023-08 du 24 août 2023 relative à une assistance militaire entre le Burkina Faso et la République du Niger.
Par conséquent, le gouvernement propose dès lors de porter un amendement à l’article 3 qui traite de la durée de la mission du contingent

Le gouvernement a-t-il fait un état des lieux de la situation sécuritaire au Niger avant l’envoi du contingent ?

Un monitoring de la situation sécuritaire au Niger est réalisé en permanence avec un point de situation dressé chaque jour au sein d’une cellule conjointe (Burkina Faso, Mali et Niger) de planification.

Quel est l’effectif exact du contingent ? Ce nombre connaîtra-t-il une évolution ? Quel sera le lieu de stationnement du contingent burkinabè ?

La loi étant générale, il est seulement fait cas de la notion de contingent qui est un effectif quelconque de personnes et de moyens pour accomplir une mission donnée. Les effectifs du contingent ne sont pas à priori déterminés et cela dépendra de la nature des activités à mener et du type de besoin capacitaire dont la République du Niger souhaiterait disposer. Il en est de même pour le lieu de stationnement. En tout état de cause, le choix qui sera fait prendra en compte la nécessité de contribuer au renforcement de la sécurité de notre pays d’abord en lui permettant de disposer de points d’appui dans la profondeur du territoire nigérien pour lutter contre les groupes terroristes.

Quelles sont les modalités de prise en charge du contingent ?

Les modalités de prise en charge du contingent seront les mêmes que celles applicables aux personnels déployés dans les opérations de sécurisation du territoire national, qui se voient parfois engagés au-delà de nos frontières du côté du Mali ou du Niger. En outre, il est important d’éviter de créer des différences de traitement qui viendraient à démotiver ceux déployés au niveau national.

Le gouvernement peut-il préciser à la représentation nationale en quoi l’envoi de ce contingent au Niger participera au renforcement de la lutte contre le terrorisme ?

Le déploiement du contingent permet de contribuer au renforcement de la lutte contre le terrorisme dans notre pays en lui permettant de disposer de points d’appui dans la profondeur du territoire nigérien pour lutter contre les groupes terroristes qui s’y réfugient souvent après avoir commis des attaques sur notre territoire.

Dans le cadre de l’envoi du présent contingent au Niger, le gouvernement a-t-il prévu une assurance au profit des militaires et de leurs familles en cas de blessure ou de décès au front ?

Ces questions seront réglées dans le cadre du mémorandum d’accord et de nos lois internes, étant entendu que les membres du contingent pourraient être placés en opération comme cela se fait actuellement.

Les assurances prévues dans le cadre de ce contingent sont les mêmes que celles valables pour les combattants engagés sur le théâtre national, à savoir les prises en charge en cas de blessure, et les indemnisations en cas d’invalidité ou de décès.

Dans la mise en œuvre de l’envoi du contingent militaire au Niger, les volontaires pour la défense de la patrie seront- ils déployés ?

Les volontaires pour la défense de la patrie pourraient être déployés suivant les besoins de la situation, notamment ceux opérant dans les zones frontalières avec le Niger si un besoin venait à être identifié à ce niveau, par exemple en termes de besoin de renseignement.

Le gouvernement peut-il rassurer les députés qu’en cas d’agression extérieure contre le Burkina Faso, la République du Niger appliquera le principe de réciprocité ?

Le gouvernement salue la pertinence de cette préoccupation et souhaite que cela soit pris en compte à travers une recommandation forte ou une proposition de loi par l’ALT. En tout état de cause, il faut noter que le Burkina Faso bénéficie déjà de certains appuis dans le domaine aérien notamment, de la part du Niger.

Le gouvernement peut-il rassurer la représentation nationale que l’envoi de ce contingent militaire en République du Niger n’aura pas un impact financier qui entraînera la création de nouvelles taxes ?

Le déploiement du contingent s’effectuera dans la continuité des opérations de sécurisation du territoire national, à l’image des opérations conjointes que les deux pays effectuent souvent. La prise en charge du contingent sera assurée donc sur les ressources destinées à la sécurisation du territoire national. Il n’est pas prévu donc d’instaurer de nouvelles taxes et il faut rappeler qu’aucune nouvelle taxe ne peut être appliquée sans une nécessité absolue.

Synthèse de Cryspin Laoundiki
Lefaso.net

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