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Burkina/Justice : Le rôle et la place de la victime dans les procès antiterroristes disséqués par les experts

Publié le dimanche 10 septembre 2023 à 23h15min

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Burkina/Justice : Le rôle et la place de la victime dans les procès antiterroristes disséqués par les experts

Le secteur judiciaire est éprouvé par l’insécurité qui frappe de plein fouet le Burkina Faso. En effet, il arrive que des actes de terrorisme restent impunis ou qu’en détenant une personne s’étant rendu coupable de cette infraction, la victime refuse de se constituer partie civile et de réclamer ses droits. Une situation qui pose le problème de l’implication de cette dernière dans le procès antiterroriste. C’est ce dont ont débattu des acteurs de la justice à l’occasion d’une conférence organisée par le Centre pour la qualité du droit et de la justice (CQDJ), le vendredi 8 septembre 2023.

En organisant la conférence sur le thème « Rôle et place des victimes dans les procès antiterroristes au Burkina Faso », le CQDJ entend d’abord faire l’état des lieux de la participation des victimes dans le cours des procès antiterroristes au Burkina Faso. Ensuite, identifier les défis spécifiques auxquels les victimes font face dans le cadre du procès antiterroriste. Enfin, dégager les perspectives et recommandations pour améliorer le rôle et la place de la victime dans le procès antiterroriste.

Ainsi, pour mieux cerner le thème, les conférenciers que sont le substitut du procureur du Tribunal de grande instance Ouaga 2, par ailleurs membre du pôle judiciaire chargé de la répression des infractions de terrorisme, Idrissa Sako, et Me Oliver Somé ont d’abord défini les termes clés. « De façon simple, la victime est toute personne physique ou morale qui a été atteinte dans ses droits humains suite à la commission d’un acte infractionnel, en l’occurrence l’acte de terrorisme. Quant au procès, il ne désigne pas comme le pense le commun des mortels, le jugement. Il va au-delà du jugement. Le jugement n’est qu’une partie du procès qui est un tout. Le procès commence depuis le début de la procédure jusqu’à ce que la décision soit rendue », a clarifié Idrissa Sako.

. « Au Niger, ils sont arrivés à mettre en place un système qui permet de protéger la victime sans mettre en cause son intégrité physique. Elle peut se rendre dans un centre de santé et c’est là que des acteurs intervenant pour le compte de la justice vont l’entendre », Idrissa Sako.

« Sans victime, pas de procès », Me Oliver Somé

Il existe plusieurs parties au procès et chacune d’elle joue un rôle crucial. De l’avis des experts, la place de la victime dans les procès antiterroristes est indispensable. En effet, c’est elle qui permet de circonscrire les faits pour un procès en bonne et due forme. Et des dires de Me Olivier Somé, elle est l’élément déclencheur même du procès.

« La victime dans le procès antiterroriste est semblable à la batterie d’un véhicule électrique. Sans elle, le procès ne peut pas démarrer. Prenons l’exemple d’une école qui est incendiée. La victime directe, c’est l’Etat car c’est lui qui construit l’édifice et qui l’équipe. Mais il peut y avoir des victimes collatérales. Ça peut être les élèves, les enseignants où toutes les personnes qui travaillent dans l’établissement en question. Même si ces dernières ne réclament rien et ne poursuivent pas l’affaire, l’Etat a le devoir de diligenter des poursuites parce que son édifice a été saccagé, d’où le rôle prépondérant de la victime dans le procès antiterroriste », a-t-il souligné.

« Il y a des procès où on se rend compte que la personne poursuivie est en réalité une victime. Au finish, on rend une ordonnance de non-lieu et on la libère », Me Olivier Somé.

L’une des difficultés pour le bon déroulement d’un procès antiterroriste est l’implication même de la victime. Il est connu que toute personne qui s’estime lésée doit obtenir réparation auprès de la justice, si tant est qu’elle arrive à prouver que ses droits ont été violés. Toutefois, il arrive que des victimes dans les procès antiterroristes refusent d’ester car craignant pour leur survie. « La loi nous dit que la victime doit être protégée et c’est là tout l’enjeu dans les procès antiterroristes. Il y a des procès qu’on a tenus mais pour lesquels les victimes ont refusé de comparaître. Imaginons une victime qui vit à Djibo et qui voit son affaire délocalisée dans une autre ville. Elle peut se présenter pour les débats et donner sa version des faits. On jugera le dossier. Mais lorsque la décision sera rendue, la victime devra retourner dans sa localité. Et c’est là que peut se poser le problème de la protection de son intégrité physique. Dans les procès antiterroristes, la protection de la victime laisse vraiment à désirer. On a même l’impression de rendre des décisions sans rendre justice », a déploré Idrissa Sako.

En outre, il arrive que certaines personnes soient accusées à tort d’avoir commis des actes de terrorisme. Pour ces dernières-là, il se pose un problème de réinsertion sociale. « L’implication de la victime dans le procès revêt un très grand enjeu parce qu’elle peut subir un préjudice moral, physique ou matériel. Imaginons que pour un procès quelconque, on condamne une personne à quinze ans de prison et à des amendes qui sont assez lourdes. Avec la pratique, on s’est rendu compte qu’emprisonner quelqu’un qui, souvent, est non solvable à tant d’années de prison ne rend pas justice à la victime. C’est de là qu’est née l’initiative des fonds d’indemnisation mis en place par l’Etat pour réparer un tant soit peu le préjudice qu’a subi la victime et lui favoriser une réinsertion sociale. Si cela n’était pas fait, il y a des procès qu’on n’allait jamais tenir. Et même malgré cela, il y a des décisions qui sont rendues mais des blessures qui, jusque-là, ne sont pas pansées », a relevé pour sa part Me Olivier Somé.

Ce qu’il faut faire pour améliorer le rôle et la place de la victime dans le procès antiterroriste

Pour une meilleure participation de la victime au procès antiterroriste, plusieurs éléments doivent être pris en compte. Selon le procureur Idrissa Sako, sur le plan des textes, le Burkina est irréprochable. Toutefois, c’est l’opérationnalisation et la mise en application de ces textes qui font défaut.
Même son de cloche chez Me Olivier Somé, qui déplore le manque cruel de moyens techniques et financiers pour faciliter l’activité des acteurs judiciaires.

Par ailleurs, il préconise que soient formés les magistrats, les acteurs des organisations de la société civile, les associations, les journalistes, etc. sur la question de la victime dans le procès antiterroriste car, dit-il, « le contexte actuel impose qu’on fasse tout pour que la victime ait confiance en la justice. Cela implique aussi qu’on mette à la disposition de la justice tous les moyens techniques et financiers pour qu’elle puisse bien fonctionner. A l’heure actuelle, on n’est pas à l’abri de vivre d’autres formes d’attaques semblables à ce qu’on a l’habitude de voir dans les films où certains sont attaqués par la nourriture, l’intoxication ou l’inhalation de certains produits. Il faudrait que l’Etat soit prêt », dira-t-il pour conclure.

Erwan Compaoré
Lefaso.net

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