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Le coup d’Etat au Gabon dynamite la stratégie d’intervention militaire contre les putschistes du Niger

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Publié le dimanche 3 septembre 2023 à 22h19min

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Le coup d’Etat au Gabon dynamite la stratégie d’intervention militaire contre les putschistes du Niger

Un mois après le coup d’Etat du Niger, un autre coup d’Etat, cette fois au Gabon vient renverser la table de réunion des stratèges militaires qui préparaient une guerre pour restaurer la démocratie et le président élu, Mohammed Bazoum qui refuse de signer une lettre de démission en faveur des militaires. Que s’est-il passé au Niger le 26 juillet 2023 ? Qu’est ce qui est arrivé au Gabon le 30 août 2023 aux aurores ? Qui sont les nouveaux hommes forts à Niamey et à Libreville ? Faut-il un traitement différencié pour chaque coup d’Etat ?

La guerre pour ramener Bazoum au pouvoir peut-elle se mener pour Bongo fils ? Le monde est face à ses propres faux semblants en Afrique, et la France est bien seule à soutenir les chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest qui veulent ramener Bazoum au pouvoir. Que faire maintenant que l’épidémie de coups d’Etat (pour employer le terme d’Emmanuel Macron) quitte le Sahel et l’Afrique occidentale pour s’installer dans les forêts équatoriales d’Afrique centrale ?

Parfois la vie, le concours des circonstances nous montrent l’erreur de nos discours, de nos raisonnements et de nos théories. Le coup d’Etat est la loi du plus fort, de la conspiration. Aucun Etat ne peut être viable si les factions armées, les militaires se disputent en permanence le pouvoir. Ceux qui pensent que les coups d’Etat peuvent être bénéfiques, croient que le putsch salvateur, qu’ils aiment, sera le dernier. La démocratie n’est pas une panacée, mais elle change les règles du jeu en opposant à la loi du plus fort, la loi du plus grand nombre d’électeurs, la loi du peuple.

Il y a aussi qu’elle autorise tous les citoyens tous ceux qui estiment que diriger le pays est dans leurs cordes, à s’exprimer, diffuser leurs idées sur comment le faire sans avoir à se cacher et à conspirer. Comment remédier à un coup d’Etat ? Que faire une fois que les militaires ont arraisonné le pouvoir démocratique, emprisonné le président et des membres de son gouvernement ? La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sait y faire car il y a des années qu’elle se bat pour que des pays en proie aux coups d’Etat retournent à un ordre constitutionnel normal.

Sa jurisprudence la plus récente pour les derniers coups d’Etat a été de désigner des médiateurs et de négocier des transitions avec les militaires avec des sanctions. C’est ainsi qu’elle a procédé au Mali, au Burkina et en Guinée. Avec le coup d’Etat du Niger, les chefs d’Etat de l’Afrique de l’Ouest ont dès le début montré les dents, fermés les poings et tapé sur la table pour le retour du président Mohamed Bazoum au pouvoir, sinon ils feront la guerre. Cette option de la guerre aux coups d’Etat devient-elle un principe ? Va-t-on faire la guerre aux putschistes gabonais aussi, car au Gabon comme au Niger c’est un général qui a pris le pouvoir. Ils viennent tous du cercle rapproché des présidents écartés. Leur mission première était de veiller sur eux, d’assurer leur sécurité. Ce sont tous les chefs des unités les plus puissantes les plus armées et les plus entraînées des deux pays chargées de la sécurité présidentielle. L’une s’appelle garde nationale au Niger l’autre garde républicaine au Gabon.

Il est vrai que le Niger n’est pas le Gabon, et que Mohamed Bazoum, n’est pas un héritier comme Ali Bongo qui venait d’être réélu selon les résultats proclamés quelques temps avant qu’ils soient annulés par les putschistes. Mais Tchiani et Nguema sont tous des hommes du palais qui ont chassé le calife pour prendre sa place. Dans le cas gabonais c’est une dynastie qui règne depuis cinquante-six ans qui a été renversée, est ce pourquoi on n’évoque pas l’idée de faire parler les canons, ni de restitution du pouvoir.

Ali Bongo seul après la chute

Le pouvoir français fait le service minimum face au coup d’Etat au Gabon. Il suit avec attention ce qui se passe, ne s’inquiète pas pour la santé et la sécurité d’Ali Bongo comme la Chine. Ali Bongo n’est pas considéré comme un président démocratiquement élu. Ces trois élections successives sont aujourd’hui contestées par tous. Mais personne ne revendique néanmoins la victoire pour le candidat de l’opposition Albert Ondo Ossa. La condamnation du coup d’Etat est du bout des lèvres. Entre Paris et Libreville il y a les biens mal acquis du clan Bongo, même si les entreprises françaises sont très présentes dans le pays, et les gisements d’hydrocarbures du pays sont exploités par TotalEnergies et le franco-britannique Perenco. Selon la Banque mondiale, « la manne pétrolière représentait en 2020 38,5 % de son PIB et environ 67 % de ses exportations. »

Le général putschiste gabonais sera investi lundi 04 septembre 2023 comme chef de l’Etat et il est déjà accepté par toute la communauté internationale. Oligui met-il fin à la dynastie Bongo, ou agit-il pour elle avec la sœur Pascaline Bongo qui tire les ficelles ? Auquel cas la dynastie Bongo s’achèverait pour mieux se poursuivre. Ali autrefois Alain se voyait en idole des jeunes, chanteur de variétés et de rap, mais la famille a pensé que les Bantous n’étaient pas prêts pour une présidente car Pascaline avait plus de compétence, aussi a-t-on contraint l’artiste à prendre la succession du père qui s’achève sans gloire. Il faut dire que l’artiste, la vraie de la famille, c’est la mère Patience Dabany qui en vraie diva a rejeté tous les statuts de première dame, première mère pour sa carrière.

La France isolée, peu inspirée dans sa posture radicale au Niger

L’agitation de la France face à ce coup d’Etat au Niger a emmené les putschistes à faire ce qui marche au Sahel depuis l’échec de l’opération Barkhane, chasser les impérialistes français. Les premières déclarations du général Tchiani n’étaient pas contre les troupes françaises au Niger. Acculé par les sanctions à peine arrivé, et la menace d’intervention armée, le souverainisme et les manifestants dans la rue étaient le dernier recours. Et ces gesticulations ont eu l’effet inverse, souder la population derrière les putschistes. Les médias parlent de révolution de palais concernant le général Brice Oligui Nguema, c’est la même situation pour le général Tchiani, c’est face à l’adversité et à l’opposition de la CEDEAO que son discours a changé et s’est musclé contre la France qui a manqué de sang-froid et de diplomatie et se retrouve seul face à l’ennemi.

« Les propos de M. Macron et ses incessants efforts en faveur d’une invasion du Niger visent à perpétuer une entreprise néocolonialiste sur le peuple nigérien, qui ne demande rien d’autre que de décider par lui-même de son destin », a affirmé le colonel-major Abdramane. En continuant à dire qu’il ne faut pas abandonner le président Bazoum et qu’elle soutiendra l’engagement militaire de la CEDEAO, la France ne sait pas qu’elle joue contre cette éventualité. Les opinions publiques africaines sont contre la guerre, et le fait que la France la soutienne signifie que Macron veut finir le travail de Sarkozy entamé en Lybie qui a tué le colonel Kadhafi, jeté ce pays en pâture aux groupes terroristes qui ont essaimé au Mali puis au Burkina et au Niger.

La seconde erreur du gouvernement français est le maintien de son ambassadeur Sylvain Itté déclaré non grata par le Niger. La France cherche le conflit et ne s’aménage pas une porte de sortie. Si la CEDEAO renonce en dernier ressort à la guerre et trouve un compromis avec la junte, la France fera-t-elle une guerre coloniale pour réinstaller son protégé Mohamed Bazoum ? Il serait peu probable qu’avec son passé de militant Bazoum accepte devoir son pouvoir à une intervention militaire française. Le sommet de l’Union européenne à Tolede a choisi l’option diplomatique pour résoudre la question nigérienne consacrant l’isolement total de la France dans son costume d’ancienne puissance coloniale aigrie, revancharde.

La Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) ne doit pas avoir adopté le protocole sur les changements anticonstitutionnels de régime qui est une disposition existante au sein de l’Union africaine. Celle-ci a d’ailleurs condamné le coup d’Etat du 30 août 2023 au Gabon. Mais pour l’instant c’est un silence assourdissant du côté de la CEEAC. L’Afrique centrale tremble avec ce précédent gabonais, et les pouvoirs au long cours du Cameroun, du Congo, et de Guinée équatoriale ne dorment plus. Le virus étant à côté, c’est la vitesse de sa propagation qui est le sujet de préoccupation dans les palais présidentiels d’Afrique centrale.

Sana Guy
Lefaso.net

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