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L’appropriation des écoles par les communautés au Burkina Faso

Publié le vendredi 4 août 2023 à 10h32min

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L’amélioration de l’accès à l’enseignement de base et de la qualité de l’éducation sont une préoccupation constante des autorités en charge de l’éducation dans tous les pays. A cet effet, l’implication et les interactions entre les acteurs de la communauté éducative (enseignants, parents et communauté) sont nécessaires. Elles s’expriment à travers le niveau de dynamisme local du système.

Au Burkina Faso, les partenaires de l’école sont regroupés au sein de la communauté éducative à travers des représentations diverses. En effet, de la colonie de Haute-Volta au Burkina Faso actuel, les communautés de base, à travers les structures associatives, ont joué un important rôle dans le fonctionnement des écoles primaires. Celles-ci ont connu des dénominations diverses au fil des années. Actuellement, trois types d’associations scolaires se côtoient dans le milieu scolaire. Il s’agit de l’association des parents d’élèves (APE), de l’association des mères éducatrices (AME) et des comités de gestion d’école (COGES). Les deux premières visent l’implication des parents dans le fonctionnement des écoles fréquentées par leurs enfants à travers leur participation au recrutement des nouveaux élèves, au fonctionnement de la cantine scolaire, à l’inscription et au maintien des filles dans les structures scolaires, etc. ; celle des COGES a pour but la mobilisation de toute la communauté dans la gestion de l’école.

En somme, toutes ces structures prennent part à la vie de l’établissement, tant au plan administratif qu’au plan éducatif. Il convient de noter que chacune d’elles a une histoire qui mérite qu’on y porte une attention particulière.
Ces communautés, s’approprient-elles réellement les structures éducatives selon les intentions exprimées dans les textes ?

2. Méthodologie, matériels et méthodes

Le présent article est le résultat d’une recherche documentaire couplée d’entretiens individuels menés auprès des acteurs de l’éducation nationale burkinabè. Il a pour objet de faire une analyse critique du rôle et de la place de la communauté éducative dans les structures scolaires et de proposer des stratégies d’amélioration de leurs interventions.

Les entretiens semi-directifs ont ciblé des enseignants, des parents d’élèves et des membres de bureau des structures associatives. L’échantillon constitué de façon raisonnée, a concerné des parents d’élèves, des encadreurs pédagogiques, des enseignants du primaire et des personnes-ressources.

3. Résultats

3.1. Présentation des différentes structures

3.1.1. Les associations des parents d’élèves (APE)
Le fonctionnement et l’organisation des associations des parents d’élèves ont été définis pour la première fois en 1958 à travers l’Autorisation n°27/INT du 02/05/1958. Mais, en raison de l’illettrisme de la grande majorité des parents d’élèves de l’époque, les modalités de création d’associations de parents d’élèves restèrent longtemps inconnues (Compaoré, 2006).

Cette situation demeura jusqu’à l’avènement de la Révolution d’Août 1983. A partir de cette date, les textes relatifs aux associations des parents d’élèves ont connu des réaménagements. Ainsi, fut adopté en 1986, le Raabo (Arrêté) n°AN IV-119/CNR/EN/CAB du 22 décembre 1986 portant définition des obligations des enseignants et des parents d’élèves, puis le Raabo (Arrêté) n°AN V-19/CNR/EDUC/MATDS/MEFSN du 14 octobre 1987 portant création des associations des parents d’élèves dans les établissements publics ou privés d’enseignements préscolaire, primaire et secondaire. Après la période révolutionnaire, c’est l’Arrêté interministériel n°91-113/MEBA/MESSRS/MAT du 3 octobre 1991 portant création des associations des parents d’élèves qui sera adopté. L’article 9 de cet arrêté dispose que « l’APE est une organisation démocratique regroupant tous les parents d’élèves d’un même établissement ou groupe scolaire d’enseignement public ou privé préscolaire, primaire ou secondaire » (Burkina Faso, MEBA, MESSRS, MATD, 1991, p.4). Le fait majeur de cet arrêté est la création, l’organisation et le fonctionnement d’une association par l’Etat lui-même.
Après l’arrêté 91, une autre version de l’APE a été adoptée par le Conseil national des associations des parents d’élèves du primaire (CNAPEP), à savoir les statuts adoptés en 1995.
Comme l’a souligné Maxime Compaoré (2000, p. 4), « la participation des parents d’élèves en milieu rural (communautés de base) à la vie de ces associations a connu son essor pendant la période révolutionnaire suite à l’adoption de nouveaux textes précisant le rôle des différents acteurs de l’éducation dans la gestion des structures scolaires en 1986 et 1987 ».

De nos jours, toutes les écoles primaires ont l’obligation de mettre en place une association des parents d’élèves. En 1995, le Conseil National des Associations des Parents d’Elèves (CNAPEP) a été constitué au niveau national en se fondant sur les priorités des communautés éducatives burkinabè avec comme principes de base, l’éducation, l’instruction et la formation des enfants comme priorités, la responsabilité de l’Etat par la mobilisation et l’organisation des ressources nécessaires, ainsi que la contribution des parents d’élèves à la réalisation de ses aspirations.

Les associations des parents d’élèves ont pour objectif fixé de « mobiliser les parents d’élèves et les mères éducatrices autour des préoccupations de l’école, contribuer à résoudre les problèmes de l’école en tenant compte des objectifs définis au moment de l’assemblée générale (AG), informer les membres de leurs associations des réalités du milieu dans lequel est implantée l’école, déterminer les possibilités et les limites de leur participation financière, matérielle et physique à l’exécution du plan d’action du COGES, travailler en synergie d’actions avec l’AME et le COGES » (Burkina Faso, MENA, JICA, 2013, p.9).

En somme, les missions essentielles assignées aux associations des parents d’élèves sont d’ordre éducatif, pédagogique, administratif, économique, financier, social et culturel.
Sur le premier plan, les APE œuvrent à ce qu’un climat d’entente existe entre les enseignants et les parents. Elles participent en outre au recrutement des nouveaux élèves en tant que membres de la commission de recrutement. Pour ce qui concerne la mission économique et financière, elle va de la collecte des cotisations, à la possibilité d’organiser des activités génératrices de revenus au profit de l’école, en passant par tout ce qui concerne le fonctionnement et la gestion de l’école. Enfin, une mission sociale et culturelle leur est assignée, dans leur participation à la vie de l’école (Fimba, Y., http://edd.csfef.org/spip.php?article322, consulté en ligne le 21/07/2016).

Les APE participent activement à la vie de l’école et sont organisées aussi bien au niveau local qu’au niveau national par le biais des coordinations communales, provinciales, régionales et de la coordination nationale. Elles apportent un soutien matériel et financier constant aussi bien à l’administration de l’école qu’aux élèves (Fimba, Y., http://edd.csfef.org/spip.php?article322, consulté en ligne le 21/07/2016).

3.1.2. Les associations des mères éducatrices (AME)

Les associations de mères éducatrices (AME) ont d’abord été mises en place en 1992 dans la province de la Sissili (région du Centre-Ouest) par des femmes qui souhaitaient participer et contribuer davantage à l’éducation de leurs enfants. Elles rassemblent aussi bien les mères que les tutrices des enfants d’une école donnée. L’idée d’organiser les éducatrices en association est née de l’observation des faibles taux de scolarisation et de réussite des filles de ladite province, mais aussi de la faible participation des femmes aux réunions des parents d’élèves.

Lorsque les premières AME ont été mises en place grâce à l’initiative d’un inspecteur de l’enseignement de base, les résultats se font tout de suite sentir. Ces résultats satisfaisants engrangés au Sanguié ont amené les autorités en charge de l’éducation de base à les mettre en place dans toutes les écoles primaires publiques du Burkina Faso à partir de 1997. Les AME poursuivent les objectifs suivants : « conscientiser non seulement les mères, mais aussi les populations sur les problèmes qui entravent l’éducation des enfants en général et des filles en particulier ; aider les mères à s’organiser pour mieux s’impliquer dans l’action éducative ; former les mères d’élèves pour la prise en charge effective de leurs enfants ; permettre à la petite fille d’accéder à l’éducation ; permettre à la fille de disposer de plus de temps pour ses études ; contribuer à réduire sensiblement les déperditions scolaires des filles » (Kaboré, 2006, p.79).

En vue de l’atteinte de ces objectifs, les stratégies suivantes sont alors développées : « la participation effective de toutes les femmes, mères éducatrices ; l’implication et le soutien des ONG locales ; l’élaboration et la mise en œuvre de micro-projets et d’activités génératrices de revenus ; l’inclusion d’un programme d’alphabétisation aux activités des AME ; l’information, l’éducation et la communication (IEC) dans le programme d’activités des AME ; la mobilisation sociale ».
Actuellement, la grande majorité des écoles primaires publiques ont mis en place une AME participant aux activités liées à l’éducation en général et à la scolarisation des filles en particulier. Elles existent non seulement au niveau des écoles, mais également aux niveaux communal/département, provincial, régional et national. Au sein des écoles, les AME forment avec les APE et d’autres acteurs de l’éducation, les comités de gestion (COGES).

3.1.3. Les comités de gestion (COGES)

L’histoire des comités de gestion des écoles débute sous la période révolutionnaire (de 1983 à 1987). A l’époque, il fut question de comité populaire de gestion, structure qui a été généralisée à tous les cycles d’enseignement y compris le privé. Le premier texte qui institue les comités de gestion a donc été adopté sous la Révolution Démocratique et Populaire. Aux termes des statuts des CPG, ceux-ci ont pour rôle de démocratiser la gestion de l’école et de rationnaliser cette gestion (Burkina Faso, Conseil national de la révolution, 1986). Les missions essentielles du CPG étaient les suivantes : « intéresser tous les partenaires de l’éducation à la gestion de l’école ou de l’établissement ; centraliser et faire fructifier les ressources de l’école ou de l’établissement ; déterminer les tactiques appropriées pour une utilisation optimale des ressources mises à sa disposition » (Burkina Faso, Conseil national de la révolution, 1986).

Après la période révolutionnaire, un deuxième texte relatif aux comités de gestion est venu de la création de la structure chargée de la gestion du « Projet des Ecoles satellites et Centres d’éducation de base non formelle » mis en œuvre à partir de 1995-1996. Ce texte ne concernait que les écoles satellites (ES) et les centres d’éducation de base non formelle (CEBNF).

Les écoles satellites sont des écoles de proximité. Elles recevaient des enfants de 7 à 9 ans, vivant dans des villages éloignés de plus de trois (3) kilomètres d’une école primaire. Ainsi, elles facilitaient leur accès à l’école, en attendant qu’ils soient plus grands pour rejoindre les écoles classiques d’accueil. L’école satellite a une durée de 3 ans : elle va généralement du cours préparatoire 1ère année au cours élémentaire 1ère année. Les enseignements sont dispensés en français et dans la langue maternelle des écoliers. La création des ES et des CEBNF s’était inscrite dans une dynamique d’implication et de participation des communautés de base, en faisant appel à eux pour des contributions de natures diverses.

Ainsi, le comité de gestion qui était l’émanation de toute la communauté devait s’investir dans la gestion de l’école ou du centre sur tous les aspects et rendre compte à la communauté : mobilisation des ressources matérielles, financières et humaines pour les activités concernant l’école ou le centre (construction des classes, des latrines, cuisine…), participation au recrutement des élèves/apprenants et de la proposition de recrutement de l’enseignant, suivi de la fréquentation des élèves/apprenants, suivi de l’assiduité des enseignants, entretien des infrastructures, des latrines, du point d’eau, du mobilier des élèves/apprenants et du mobilier des enseignants, mobilisation des personnes–ressources locales pour enseigner certaines matières (histoire locale, morale, initiation aux métiers pour la réalisation du tronc commun d’agriculture, d’élevage et d’environnement dans les CEBNF, danses traditionnelles, …), collecte de la prise en charge en nature des enseignants » (Projet ES-CEBNF, 2002).
Enfin, les comités de gestion dans leur formule actuelle, créés en 2013 étaient les organes d’administration et de gestion de l’école. Ses missions sont la conception et la mise en œuvre de projets de développement de l’école, l’amélioration du rendement scolaire par des activités de qualité, la mobilisation des ressources au profit de l’école et la gestion des ressources financières et matérielles de l’école (Burkina Faso, MENA, JICA, 2013).

Ce processus de mise en place des COGES a débuté à partir de l’année scolaire 2008-2009 conformément à l’esprit du Décret n°2008-236/PRES/PM/MEBA/MESSRS/MAS-SN/MATD portant organisation de l’enseignement primaire au Burkina Faso. L’article 29 de ce décret stipule que les COGES sont des organes d’administration et de gestion de l’école ; ce projet a tout d’abord commencé par une phase pilote, menée de novembre 2008 à juin 2009 dans trente-cinq (35) écoles des Circonscriptions d’Education de base (CEB) de Nagréongo et de Ourgou-Manéga dans la province de l’Oubritenga. Après cette expérience concluante, progressivement, le projet s’est étendu aux régions du Plateau Central, du Centre-Est et à une partie du Centre, notamment les CEB de Ouagadougou 1, 2, 3, Koubri et Saaba de la province du Kadiogo. La seconde phase de mise en place des COGES, qui a été lancée en mai 2014, s’était fixée pour ambition la généralisation à toutes les CEB du pays. Dans la pratique, la généralisation des COGES est effective depuis décembre 2015 avec des fortunes diverses par endroits et devrait prendre fin en avril 2017. En 2016, le nombre de COGES fonctionnels au plan national était de 11.216. Ces structures sont constituées des membres de la communauté, des acteurs et des partenaires agissant à l’école au plan administratif, pédagogique, financier et matériel (Burkina Faso, MENA, JICA, 2013). Le bureau de COGES se compose de membres de droit et de membres élus par la communauté. Les membres de droit sont le maire ou son représentant, le président de l’association des parents d’élèves, la présidente de l’association des mères éducatrices, le directeur de l’école, la représentante des enseignants, le représentant des organisations non gouvernementales et associations intervenant dans l’école, le représentant des organisations syndicales (Burkina Faso, MENA, MATS, MATD, MEF, 2013).

Les membres élus constituant le bureau exécutif sont : le président, le secrétaire, le trésorier, le secrétaire à la mobilisation et à la communication, la chargée de la scolarisation des filles (Burkina Faso, MENA, MATS, MATD, MEF, 2013). Selon l’Arrêté N°2013-029, les missions du COGES sont entre autres, la conception et la mise en œuvre du plan d’action de l’école, l’amélioration du rendement scolaire par des activités de qualité, la mobilisation des ressources au profit de l’école, la gestion des ressources financières et matérielles de l’école. Le plan d’action répertorie l’ensemble des activités à mener tout au long de l’année, avec leur budget estimatif et la périodicité de mise en œuvre. Lesdits plans d’action sont élaborés en début d’année par les bureaux des COGES en fonction des moyens disponibles et après une large concertation avec la communauté. De nombreuses réalisations sont à inscrire à leur actif à ce jour. L’appropriation des écoles par les communautés éducatives est perçue à travers les caractéristiques des enquêtés, la perception de leur rôle dans les structures associatives ainsi que le rôle et la place de la communauté éducative au sein des structures scolaires.

3.2. Des rôles différemment maîtrisés par les membres de bureau des structures associatives

Selon les membres de bureau des structures associatives interrogés, la vie associative n’est satisfaisante qu’en début d’année scolaire. Au cours de l’année scolaire, la mobilisation des parents d’élèves est éprouvante. Cela se comprend aisément puisque c’est à l’entame de l’année scolaire que l’inscription des nouveaux élèves est réalisée. Chaque parent d’élève travaille en ce moment à ce que sa progéniture puisse étudier dans les meilleures conditions possibles tout au long de l’année scolaire. Malgré la modestie de leurs moyens, leur mobilisation est poussée par le souhait du succès scolaire de leurs enfants, ce qui implique une bonne gestion globale de l’établissement.

S’agissant du rôle joué par les membres de bureau des structures associatives, les personnes interrogées semblent connaître leur rôle, même si elles n’ont pas bénéficié d’information ou de formation particulière. Globalement, les personnes interviewées reconnaissent qu’elles jouent un rôle d’accompagnement de l’Etat dans la mise en œuvre de sa politique éducative. Elles accompagnent les enseignants et les élèves, participent à la vie de l’école et gèrent leurs ressources financières. Qu’il s’agisse des APE, des AME ou des COGES, les membres du bureau n’ignorent pas le rôle qui leur est dévolu ; en fonction des postes les uns rédigent les procès-verbaux de rencontres, archivent les documents de l’association (secrétaire général, s’occupe des finances de l’association (trésorier), convoquent les assemblées générales (président), etc.

Leur meilleure connaissance du rôle qui leur est dévolu, s’explique par le fait que la direction du projet JICA/MENA a mis l’accent sur la formation. A titre de comparaison, à quelques rares exceptions où les membres de bureaux APE et AME de certaines régions et/ou provinces ont reçu des formations offertes par des partenaires en fonction de leur zone d’intervention, la plupart des membres de ces bureaux ne sont pas formés à la base. Par contre, en ce qui concerne les COGES, après le processus de mise en place desdits comités, les acteurs sont systématiquement formés sur leur rôle et sur l’élaboration de plan d’action par les circonscriptions d’éducation de base, chargées du renforcement de leurs capacités.

En matière de mobilisation de la communauté de base, les différentes associations mènent plusieurs activités. Cette mobilisation vise la résolution de certains problèmes urgents touchant à la vie de l’école tels que le nettoyage de la cour de l’école, le reboisement du domaine scolaire. A leur actif, on peut également relever la sensibilisation des femmes sur l’hygiène corporelle et vestimentaire des enfants, la collecte des cotisations, la construction de logements d’enseignants et de hangars servant de salles de classe, ainsi que de cuisines pour la préparation des repas, sans oublier l’accompagnement dans l’inscription des nouveaux élèves.

3.3. La participation disparate des mouvements associatifs de la communauté

La participation communautaire s’entend comme étant « une implication des populations locales dans tout le processus de prise de décisions concernant des projets de développement ou dans leur mise en œuvre » (White, cité par Nikiéma, 2009, p.31). Elle renvoie à l’idée d’implication et d’engagement des membres de la communauté éducative dans le fonctionnement, l’organisation de l’école, bref, dans tout le processus de développement de la structure scolaire. On entend par communauté éducative, l’ensemble des apprenants, des personnels de l’éducation et de tous les acteurs qui, en relation avec l’établissement ou la structure, contribuent à l’effort d’éducation ou de formation (Burkina Faso, Assemblée nationale, 2007).

Il apparaît clairement que la participation des parents d’élèves aux rencontres des associations des parents d’élèves et des associations des mères éducatrices est disparate. Selon les localités, leur mobilisation est jugée bonne, moyenne ou faible. La participation des parents varie en fonction de la personnalité du directeur de l’école : lorsque celui-ci est collaboratif, les parents se montreront collaboratifs ; par contre, en situation de mauvaise gestion, ils manifesteront leur mécontentement à travers des actes concrets. Cela laisse transparaître la qualité des relations entre les parents et les enseignants : si les relations sont excellentes, elle facilite la mobilisation des parents d’élèves. Si les relations sont conflictuelles, la collaboration entre les deux principaux acteurs de l’école prend un coup sérieux et affecte la participation de la grande partie de la communauté éducative. Mais, de manière générale, si l’on veut tenir compte du milieu d’implantation des structures, la participation communautaire est plus satisfaisante en milieu rural que dans les grands centres urbains. Cela s’explique en partie par la différence des activités socio-économiques des deux milieux et la disponibilité des populations.

Toutefois, des exceptions sont relevées ; les jours de marché, la participation des parents d’élèves aux réunions est faible. En revanche, elle est forte les jours ordinaires. Lorsque l’école est nouvellement implantée, les parents sont plus attentifs, mais cette mobilisation s’étiole avec le temps, notamment dès le début des travaux champêtres (juin, juillet).

Concernant le COGES, malgré les renforcements des capacités dont ils bénéficient, la mise en œuvre des activités est quelque fois insatisfaisante. Les présidents APE et AME, privilégient leur participation au sein de leur structure qu’au niveau du COGES : lorsqu’ils sont au sein du COGES, ils ne sont que de simples membres et n’ont pas l’autorité dont ils disposent dans les structures d’origine. Finalement, le trésorier du COGES peine à mobiliser les finances et le président et son secrétaire général ont du mal à mobiliser les communautés. Des lourdeurs existent dans les modalités d’élections et de mise en place des bureaux qui sont certes plus démocratiques qu’au niveau des APE, AME, mais une certaine lassitude entoure les modalités d’élections. En effet, selon le mode de désignation des membres du bureau COGES, il est mis en place un système d’élection simplifié, poste par poste. Cela peut être fastidieux lorsqu’il y a une grande affluence d’électeurs, ce qui est un facteur démotivant. Le mécanisme de transfert des ressources des APE/AME au COGES est quasiment difficile à mettre en place sur terrain. Dans la réalité, même les APE/AME les plus ouvertes, financent certaines activités des COGES à partir de leur propre comptabilité. Or, depuis leur création les APE/AME ont un système de cotisation quasi obligatoire prélevé auprès de chaque élève.

En résumé, les associations de parents d’élèves et les COGES sont des structures importantes du dispositif administratif, financier, social et culturel de l’école. Cependant, sur le terrain ces mouvements associatifs présentent des forces et des faiblesses.

3.4. Les forces des structures associatives

Les recettes des structures associatives permettant le financement de leurs activités proviennent en grande partie des cotisations de leurs membres. Ces cotisations sont généralement de 1000 F au niveau des APE (dans certaines écoles, elles peuvent atteindre 5 000F), de 500 F au niveau des AME. En ce qui concerne les COGES, ils fonctionnent sur la base de subventions, de dons et legs divers et aussi de cotisations des membres des communautés (pas uniquement les parents d’élèves), variables en fonction des activités à réaliser dans le plan d’action élaboré en début d’année scolaire.

Les structures associatives interviennent aussi dans le recrutement des nouveaux élèves, à travers l’information et la sensibilisation à scolariser les enfants, notamment les filles, etc. Certaines souhaitent même l’exclusion des élèves qui ne sont pas à jour de leurs cotisations, mais cette forme d’exclusion est contraire à la réglementation. Dans les localités où la demande d’éducation formelle est faible, il arrive que le recrutement des nouveaux élèves se fasse de porte en porte avec l’appui des forces de sécurité (cas de la région du Sahel par exemple), sur la base des livrets de famille. En ce moment, leur rôle est crucial.

Les interventions des structures associatives sont surtout visibles dans le domaine des cantines scolaires avec la collecte des denrées alimentaires (mil, sorgho, haricot, maïs, riz) pour alimenter les cantines, la dotation des cantines en ustensiles de cuisine (marmites, louches), la fourniture de condiments divers (sel, soumbala, légumes, etc.). A cela, il convient d’ajouter le recrutement de cantinières bénévoles ou rémunérées et la sécurité des vivres mis à la disposition de l’école. Le niveau de formation et d’organisation des COGES est une force indéniable.

3.5. Les faiblesses des structures associatives

En ce qui concerne les faiblesses des structures associatives, elles tiennent à plusieurs facteurs. Il s’agit d’information, de sensibilisation et de formation, de ressources financières, de projets, des retards accusés dans le paiement des cotisations, des conflits entre l’équipe enseignante et les parents d’élèves et la récupération politique des actions menées (certains partis politiques s’arrogeant la paternité de certaines actions comme les réalisations d’écoles primaires, de centres de santé, etc.), les conflits claniques ainsi que les conflits intergénérationnels. Dans le domaine de la sensibilisation par exemple, un manque important de moyens logistiques (vélos et/ou motos) est souvent constaté pour réaliser les activités de sensibilisation et toucher le plus grand nombre de citoyens.

4. Conclusion

Il est établi que la participation des parents à la mise en œuvre de la politique éducative connaît des entraves ; il convient alors de définir des stratégies à même de dynamiser ces structures associatives. Cette dynamisation de la participation communautaire passe par la définition de stratégies à mettre en œuvre. Ces stratégies sont à orienter vers plusieurs cibles telles que les parents et les mères éducatrices, les ressortissants des différentes localités qui n’y ont pas élu domicile, les structures décentralisées telles que les mairies, les autorités en charge de l’éducation et les autres acteurs intervenant dans le domaine.

S’agissant d’abord des APE et des AME, une attention particulière est à porter sur leur dynamisation. Il importe de renforcer leurs compétences sur leurs rôles et attributs dans la vie du système scolaire à travers l’information, la sensibilisation et la formation. Les savoirs endogènes sont à mettre à contribution pour non seulement outiller les membres des bureaux d’associations, mais aussi les enseignants eux-mêmes.
Les bureaux des APE et des AME sont à former de manière systématique sur le rôle dévolu à chacun d’eux, de sorte que la gestion des fonds récoltés soit faite en toute transparence avec des bilans en cours et à la fin de l’année scolaire. De plus, les bureaux doivent connaître des renouvellements périodiques.

Concernant les COGES, le renforcement des capacités des acteurs et la sensibilisation des communautés doivent se poursuivre et s’intensifier. Les enseignants sur le terrain qui n’ont pas encore bénéficié de formation, doivent être bien imprégnés de la philosophie des COGES. L’Etat doit aussi engager des actions pour l’autonomisation des COGES dans la gestion des structures scolaires, à travers des subventions et/ou le développement des activités génératrices de revenus (AGR). Les mairies peuvent travailler à recenser et à impliquer les ressortissants dynamiques résidant hors de leur commune, dans la mise en œuvre de la politique éducative. La force de persuasion des ressortissants des différentes localités peut contribuer à une meilleure mobilisation des communautés éducatives.

KABORE Sibiri Luc 1 (CNRST/INSS, Ouagadougou, lucsikab@yahoo.fr) ;
SOULAMA/COULIBALY Zouanso 2 (CNRST/INSS, Ouagadougou, zouanso@yahoo.fr) ;
KABORE Windlanaba Etienne 3 (Université Joseph KI-ZERBO, Ouagadougou, kaboreetienne@yahoo.fr).

5. Références bibliographiques
Burkina Faso, Assemblée Nationale ( 2007). Loi n°013-2007/AN du 30/07/2007 portant loi d’orientation de l’éducation. AN-BF.

Burkina Faso, Assemblée Nationale (2004). Loi n°055-2004/AN du 21/12/2004 portant code général des collectivités territoriales du Burkina Faso. AN-BF.

Burkina Faso, MEBA(1991). Arrêté interministériel n°91-113/MEBA/MESSRS/MAT du 3/10/1991 portant création des associations des parents d’élèves. MEBA-BF.

Burkina Faso, MEBA, MESSRS, MASSN, MATD (2008). Décret n°2008-236/PRES/PM/MEBA/MESSRS/MASSN/MATD portant organisation de l’enseignement primaire au Burkina Faso. MEBA, MESSRS, MASSN, MATD.

Burkina Faso, MEN (1986). Raabo (Arrêté) n°AN IV-104/EN/PD/DGET/DAAF du 13/11/1986 portant création d’un comité de gestion. MEN-BF.

Burkina Faso, MENA α JICA (2013). Guide sur la gestion participative des écoles au Burkina Faso. MENA, JICA.

Burkina Faso, MENA, MATDS, MATD, MEF (2013). Arrêté conjoint N°2013-029/MENA/MATDS/MATD/MEF du 27 mars 2013 portant composition et fonctionnement du comité de gestion de l’école. MENA, MATDS, MATD, MEF.

Burkina Faso, PACOGES (2015). Rapport d’activités du PACOGES 2014/2015. PACOGES.
Burkina Faso, Projet ES-CEBNF (2002). Document guide pour les entrevues avec les comités de gestion des sites d’implantation. Projet ES-CEBNF.

Compaoré, M. (2006). Les Associations de parents dans la vie des écoles au Burkina Faso,
Colloque International « Éducation/formation : la recherche de qualité ». In : http://www.burkinadoc.milecole.org/Pieces_Jointes/PDFs/Education/Parents_d_eleves_au_burkina-.pdf, consulté en ligne le 12 juillet 2016.

Fimba, Y. (2003). Rôle et place des parents d’élèves dans le système éducatif du Burkina Faso, in : http://edd.csfef.org/spip.php?article322, consulté en ligne le 21/07/2016.

Kaboré, S. L. (2006). L’élimination des disparités entre sexes dans l’enseignement primaire à l’horizon 2015 au Burkina Faso. IIPE/UNESCO.
Kibora, O. L., & Kaboré, S. L. (2017). La difficile appropriation des écoles par les communautés au Burkina Faso : des associations des parents d’élèves (APE) aux comités de gestion d’écoles (COGES). Dans M. Compaoré, J.-F. Kobiané, & F. Compaoré, Dynamiques éducatives au Burkina Faso : Bilan et perspectives, pp. 229-253. Harmattan Burkina.

Nikiéma, Y. L. (2009). La participation communautaire aux activités éducatives dans les écoles bilingues : état des lieux, difficultés et perspectives. Mémoire, ENS-UK.

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