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Les conséquences de l’extension de la ville de Ouagadougou sur la périphérie : le cas de Zagtouli

Publié le vendredi 4 août 2023 à 19h30min

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Les conséquences de l’extension de la ville de Ouagadougou sur la périphérie : le cas de Zagtouli

Résumé

De cinq arrondissements en 1995, la ville enregistre depuis 2012 douze et une population totale de 2 868 034 habitants, soit une croissance de +7,2% par an, sur une superficie de 21 930 hectares. En effet, la croissance de la ville de Ouagadougou a été très importante et mal contrôlée par les autorités depuis la période postcoloniale. Ce faisant, l’urbanisation galopante de la ville a englouti bon nombre de villages. L’article vise à montrer les effets induits de l’urbanisation galopante de la ville de Ouagadougou sur les entités politiques périphériques telles que Zagtouli.

Introduction

Le Burkina Faso connaît un faible taux d’urbanisation par rapport à la sous-région ouest africaine : en 2009, 19.8% de la population habitent en ville, alors que le Mali ou la Côte d’Ivoire compte respectivement un taux d’urbanisation de 33% et 44.4% (UNCTAD, Handbook of Statistics, 2009). Cependant, la rapide et récente croissance des villes surtout Ouagadougou, engendre de nombreux défis socio-économiques et environnementaux. L’urbanisation du royaume de Ouagadougou connait un essor suite à l’installation de l’autorité coloniale à la fin du XIXème siècle. Entre 1924 et 1926, Ouagadougou connut un essor économique justifiant la transformation de son statut en commune mixte (C. Sissao, 1995, p. 119). Cette croissance économique était tributaire des cultures de rente comme le coton, devenu culture obligatoire dans les années 1920 (ANS, 3G1/22, Affaires politiques : Création, fonctionnement, vérification communes mixtes, Abidjan, Bobo-Dioulasso, Ouagadougou (1919-1940).
). Capitale politique du Burkina Faso depuis 1947, la loi n°04/93/ADP du 12 mai 1993 portant organisation municipale fait de Ouagadougou une commune de plein exercice en 1995.

De cinq arrondissements en 1995, la ville enregistre depuis 2012 douze arrondissements avec désormais cinquante-cinq secteurs et une population totale de 2 868 034 habitants, soit une croissance de +7,2% par an, sur une superficie de 21 930 hectares (Institut National de la Statistique et de la Démographie (INSD), 2018). En effet, la croissance de la ville de Ouagadougou a été très importante et mal contrôlée par les autorités depuis la période postcoloniale. Ce faisant, l’urbanisation galopante de la ville a englouti bon nombre de villages qui jadis étaient des localités éloignées et autonomes de Ouagadougou. Comment l’étalement de la ville de Ouagadougou a-t-il entraîné l’intégration de Zagtouli en devenant métropole ?
Ce travail vise à montrer aux autorités politiques les effets néfastes de l’extension incontrôlée de la ville de Ouagadougou.

Méthodes

Pour y répondre, la méthodologie usuelle en sciences humaines et sociales a été déployée. Celle-ci a consisté en des enquêtes de terrain et à la consultation d’archives coloniales ainsi qu’à des références bibliographiques variées. De l’exploitation de la documentation découle une structure de l’étude de trois axes principaux : l’impact sur la gestion du patrimoine foncier de Zagtouli, sur l’agriculture urbaine et périurbaine et socio-politique.

Résultats

1.L’impact de l’extension de la ville de Ouagadougou sur la gestion du patrimoine foncier de Zagtouli

Après l’indépendance, malgré le transfert de tous les pouvoirs et la mise en place d’une législation foncière, il n’y a pas eu de politiques urbaines rigoureuses d’envergure qui accompagne l’explosion démographique et l’extension spatiale de la capitale du fait des difficultés liées à la décentralisation. Elle a pour but de créer un minimum de conditions dans les chefs-lieux de région afin de réduire l’arrivée massive des migrants dans la capitale. Mais, l’attraction de la capitale se justifie pour des raisons historiques et économiques. Il y a l’action de la puissance impérialiste et le détournement du statut de la capitale économique initialement donnée à la ville de Bobo-Dioulasso au profit de la ville de Ouagadougou. Ce statut de capitale politique avec autant d’industries draine d’autres investisseurs dans divers domaines tels que les universités, les sociétés immobilières etc. D’où le boom démographique dans la capitale. La croissance urbaine soutenue et les bouleversements morphologiques qui en découlent et expriment la pression accrue sur l’espace urbain se traduisent diversement selon l’histoire des villes, leur ancienneté et la genèse de leurs populations.

Evolution de la population de Ouagadougou de 1975 à 2000
- 172661 habitants (INSD, 1975)
- 441514 habitants (INSD, 1985)
- 688399 habitants (INSD, 1990 estimation réalisée sur la base du taux de 9,45%)
1710730 habitants (INSD, 2000 estimation réalisée sur la base du taux de 9,45%)

Ces effectifs montrent que la population urbaine augmente rapidement et cela impacte les superficies des entités politiques voisines à celle de Ouagadougou.

L’évolution exponentielle de la population (environ 10 % entre 1975 et 1985) est due au double phénomène d’accroissement naturel et d’immigration urbaine, en relation avec l’extrême pauvreté dans les campagnes. Les migrants en arrivant, cherchent d’abord à s’implanter à l’intérieur de la ville ; soit chez les parents, soit en location. La pratique est courante, surtout la première, parce qu’il n’est pas possible pour les nouveaux arrivants de trouver un terrain pour bâtir une maison d’habitation. Les habitants des quartiers non lotis arrivent donc, pour la majorité d’entre eux, des quartiers lotis voisins. Ne pouvant pas habiter dans la ville de Ouagadougou pour des raisons liées au coût des loyers qui grimpent régulièrement, certains migrants préfèrent s’installer au niveau de la périphérie dans des habitats précaires en attendant d’éventuelles opérations de lotissements ( Hien S.J. W et al, 2022 p.310).

De 1960 à 1980, 200.000 nouveaux citadins environ se sont installés à Ouagadougou et 1040 ha ont été aménagés dans le cadre des opérations publiques de lotissement. La multiplication des quartiers périphériques est apparue dès le début des années 1970. Ils représentaient avec 4.900 ha, près des trois quarts de la superficie urbaine en 1980 (Traoré A., 1993, p.9). C’est pourquoi la superficie des quartiers non-lotis s’est intensément développée, accueillant de plus en plus de migrants qui du fait des difficultés économiques liées à la précarité des emplois pour certains et d’autres dans l’intention de bénéficier des parcelles lors des opérations de lotissements. Ce sont des pratiques non maîtrisées par l’autorité qui entrainent une extension démesurée de la commune de Ouagadougou engendrant ainsi d’autres conséquences telles que la spéculation foncière. La spéculation foncière est une des causes des luttes d’indépendance et d’éclatement des différentes entités politiques jadis unies et solidaires.

Toujours au niveau des inconvénients, avec le lotissement il n’y a plus de champs pour l’agriculture familiale. Cette situation a contribué à augmenter le taux chômage dans la localité tributaire à l’accaparement des terres par les promoteurs immobiliers. En effet, il y a quelques années que l’Etat avait suspendu les attributions au profit des promoteurs immobiliers, qui font la kermesse devant les structures locales : « Les propriétaires terriens à la vue de cette mesure ont ignoré et de manière royale même s’il y a des maires. On nous contourne à chaque fois avec les promoteurs. Imaginez quelqu’un vous appelle qu’on est en train de mettre des bornes à quelque part et nous on n’est au courant de rien. C’est vrai le ministère a fait de son mieux pour vouloir orienter ou guider la chose, mais malheureusement nous constatons un désordre des promoteurs qui ne viennent vers nous que pour demander un accompagnement par une délibération » ( SIMPORE Kassoum, entretien réalisé 14/12/2020 à Ouagadougou ). Selon cet élu local, la suspension du lotissement crée plus de difficultés : « Il y a des cas de litiges qui datent d’une dizaine d’années. Quand on a suspendu, on ne peut rien corriger, on ne peut rien résoudre, on ne peut décider du problème de 2 personnes qui sont attributaires d’une même parcelle. Et ça va faire un jour une nouvelle situation (problème). Le jour où la mesure sera levée, la commission va délibérer pour un des 2, si les promoteurs ont tout fini et on ne peut plus faire de lotissement ? » (SIMPORE Kassoum, entretien réalisé 14/12/2020 à Ouagadougou). Pour le Conseiller, la mairie est impliquée dans la gestion des lotissements afin de délivrer les actes administratifs ; elle joue le rôle d’accompagnant. Aujourd’hui nous assistons à un pillage des terres. Les propriétaires terriens à la vue de cette mesure, ont ignoré et de manière royale les maires pour collaborer avec les promoteurs immobiliers. On constate un désordre des promoteurs qui ne vont vers les autorités municipales que pour demander un accompagnement par une délibération. Cela crée beaucoup de mécontents. La mauvaise implication de l’Etat dans la question foncière a rendu davantage complexe le problème du foncier au Burkina Faso. Aujourd’hui, la capitale burkinabé est caractérisée par une double identité foncière. Une organisation foncière publique importée de la pensée coloniale dite « lotie », et une organisation foncière informelle issue de la culture villageoise dite « non-lotie ».

L’insécurité foncière au Burkina Faso, aggravée par l’accaparement des terres rurales, est grandissante. Malgré l’existence de la loi 034-2009/AN du 16 juin 2009 portant régime foncier rural qui avait suscité un espoir chez les exploitants familiaux, le foncier est aujourd’hui problématique avec la ruée vers la terre marquée par des acquisitions foncières à grande échelle à des fins de promotion immobilière, d’agrobusiness ou d’exploitation minière. Au lieu qu’elle soit l’un des leviers majeurs de développement durable, la terre, est devenue une source d’inquiétudes pour les populations. Le foncier ne peut pas être un instrument de développement si les politiques et les pratiques sont antinomiques. Ces phénomènes portent en eux-mêmes, les germes de risques d’exclusion foncière. Et cela constitue des menaces sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle, la cohésion sociale et la paix.

2.L’impact de l’extension de la commune de Ouagadougou sur l’agriculture urbaine et périurbaine

L’agriculture urbaine et périurbaine à l’intérieur et dans la ceinture de Ouagadougou prend de nombreuses formes, avec différents types d’exploitations de cultures caractérisées par différentes dispositions spatiales et d’occupation et l’accès à des installations d’irrigation. Ceux-ci peuvent être classés dans deux grandes catégories : les sites situés le long du réseau hydrographique de la ville (barrages, rigoles, canal central, marigots temporaire ou permanent etc.) et ceux autour des rejets d’eaux usées.

L’agriculture urbaine et périurbaine se révèlent être une activité essentielle pour la ville de Ouagadougou. Son importance se perçoit au regard de la forte progression des superficies qui lui sont consacrées. Au-delà de la superficie qu’elle occupe, l’agriculture urbaine est au cœur d’un secteur économique et social important, dont les retombées ne sont pas seulement perceptibles par les cultivateurs. Elle nourrit ceux qui la pratiquent, mais plus globalement l’ensemble des habitants de la ville de Ouagadougou. Elle est donc aussi créatrice d’emplois et source de revenus pour une part non négligeable de Ouagalais : « je fais du maraichage au cours de la saison sèche c’est-à-dire de décembre à mars. Et cela peut me remporter entre 300 000 et 500 000 F CFA en fonction du niveau de tarissement des points d’eau » (SAVADOGO Salamata, entretien du 17/12/2020 à Zagtouli ). C’est une activité du secteur informel donc les statistiques font défaut, mais il n’est pas rare de croiser, à Ouagadougou, des personnes pratiquant le maraîchage, y compris certaines ayant une autre activité professionnelle et pour qui l’agriculture urbaine devient une activité d’appoint, complémentaire. Mais, l’agriculture périurbaine est intimement liée à l’accès à la terre. La pression foncière reste l’un des défis majeurs de l’agriculture urbaine. Au plan local, la sécurité foncière est réservée et octroyée par les chefs coutumiers et les héritiers. Cependant, avec l’extension de la ville de Ouagadougou, l’accès à la terre se joue sur plusieurs terrains. En plus des anciens acteurs, il faut prendre en compte dorénavant la Municipalité qui, avec les autres constituent les principaux détenteurs de droit de contrôle sur la terre : « le chef de Zagtouli, nous avait autorisé à exploiter environ deux hectares depuis 1998. Mais avec les nouveaux lotissements nous n’avons même un mètre carré, nous étions obligés de remonter plus loin dans les non-lotis toujours relevant de son autorité pour nous installer et pratiquer l’agriculture. Mais aujourd’hui encore, nous n’avons même un lopin de terre. Si ce n’est que cette superficie autour du point d’eau » (KABORE Ali, entretien du 19/12/2021 à Zagtouli). De façon unanime, les acteurs reconnaissent les contributions multiformes de l’agriculture urbaine et périurbaine à Ouagadougou. Elle contribue, de leur point de vue, à la sécurité alimentaire et à la création d’emploi. Elle est la source principale d’approvisionnement en légumes de la ville de Ouagadougou. Mais, avec l’extension démesurée de la capitale et la non prise en compte de l’agriculture familiale dans les politiques d’urbanisation, ce secteur risque de disparaitre. L’agriculture urbaine favorise un microclimat et permet le recyclage des déchets solides et la réutilisation des eaux usées

Le développement de l’agriculture urbaine et périurbaine apparaît aussi comme une réponse à l’exode rural qui accroît considérablement les besoins en produits maraîchers en milieux urbains, tout en fournissant la main d’œuvre nécessaire à la production. Ainsi, Ouagadougou à l’instar de plusieurs villes africaines est devenue une grande productrice de légumes, sous diverses formes. Cependant, dans le cadre du Grand Ouaga qui s’étend sur 3450 km2, l’exploitation familiale et maraichère périurbaine deviendront des terrains urbains dans un avenir proche.

3.L’impact socio-politique

La stabilité de Zagtouli a attiré et a maintenu de nouveaux migrants qui engendre la mise en place de quartiers au fil du temps. Aujourd’hui avec la prolifération de non-lotis, environ une dizaine de quartiers s’est ajouté au 13 plus anciens. L’actuel chef de Zagtouli, Naaba KANGO a procédé à la création de nouveaux quartiers en nommant des responsables afin de faciliter la gestion de la cité. Quand le regroupement d’homme atteint un seuil pouvant remettre en cause l’ordre ancien et rendre la gestion de la coté plus complexe qu’autrefois, la réorganisation du cadre de vie s’impose à l’autorité politique.

L’espace urbain est par définition un espace de concentration humaine mais aussi économique ou culturelle. Les cultures s’y superposent. La culture étant la manière de vivre d’une communauté ou d’un peuple. Donc, autant d’hommes d’origine diverse autant d’éléments culturels dans la zone d’accueil. Et cette cohabitation de plusieurs membres appartenant à d’autres communautés peut donner lieu à la naissance d’une ou plusieurs manières de vivre. Le mariage inter et extra communautaire contribue davantage à un mélange de culture. Si certaines normes, véhiculées par des représentants plus puissants que d’autres semblent dominées, les autres univers culturels sont rarement effacés. Les différentes communautés célèbrent leurs événements heureux et malheureux sur la base des principes culturels de leurs villages d’origines mais souvent avec des variances. Ces différentes manifestations diverses et diversifiées se déroulent souvent à l’insu de l’autorité traditionnelle. Et cela impacte l’autorité du chef traditionnel. En cas de litige entre les membres de la cité, la gestion de la crise ne peut qu’être complexe et influence la cohésion sociale.

L’extension de la ville de Ouagadougou a entrainé la naissance du bicéphalisme dans la gestion de la cité. D’une part les populations anciennement installées connaissent et respectent les us et coutumes dans la zone d’accueil et d’autre part la population récemment installées dans un contexte de communalisation intégrale ont le maire comme autorité. Le renforcement du pouvoir politique du maire à émietté celui du chef de Zagtouli. Et toutes les décisions de justice sont nulles et non avenues aux yeux de certaines communautés. Et selon elles, la seule autorité reconnue est celle du maire et des autres au nom de l’Etat. L’autre aspect non moins négligeable, c’est cette perte des valeurs culturelles qui régissaient la communauté. Les migrants sont capables de réinterpréter en ville des pratiques de sociabilité et d’usages de l’espace acquises ailleurs, en milieu rural : « l’attention est attirée sur les « espaces sociaux » que ne parviennent pas à soumettre totalement les mécanismes de contrôle étatique, alors que la ville semblait devoir inexorablement, nécessairement, devenir le lieu par excellence de l’emprise du pouvoir moderne » (Gibbal J.-M. et al, 1981, p.9). Et selon Georges BALANDIER : « Le fait remarquable restait la recherche constante de modes d’ajustement, l’effet positif d’une socialité inventive qui n’abandonnait pas le milieu urbain à l’anomie et, au-delà, au désordre.

L’innovation culturelle ne se réduisant pas aux formes imitatives des manières européennes, celles qui définissaient la catégorie des « évolués » (Balandier G., 1985, p. XVII). L’analyse démographique urbaine doit prendre comme sujet d’observation les personnes vivant en ville et non pas les entités urbaines afin de recadrer le débat sur les acteurs sociaux eux-mêmes et leurs comportements spécifiques en ville. Même si l’accent est mis sur les populations citadines, leur insertion dans le cadre urbain en tant que lieu organisé et territoire approprié est implicite car l’espace détermine certains comportements sociaux ainsi que des choix culturels et attitudes politiques. Et cela pose le problème des politiques de la ville sur la gestion foncière, l’urbanisme et les données démographiques. Aucune communauté humaine ne peut vivre en vase clos et sans subir les influences des autres : « Quelle que soit l’importance de la relation qu’elle entretient avec le territoire, la communauté trouve le principe de son existence dans l’histoire » (Bonté P. et al, 2012, p.166). Mais, les acteurs sociaux doivent réaliser ce changement de façon progressive afin de préserver ses valeurs culturelles. Il y a de ces différends qui pouvaient être régler en famille et qui sont malheureusement présentés aux autorités administratives, qui malgré leur grande ignorance du dossier acceptent se mêler d’une affaire familiale. Et cette manière de faire crée davantage de frustrés au sein de la communauté. Et ce sont de véritables montagnes qu’elles érigent pour les chefs coutumiers. Les autorités politiques et administratives ne s’impliquent pas suffisamment pour le respect des us et coutumes. La population elle-même contribue malheureusement au non-respect des cultures en ne respectant pas souvent le chef. L’urbanisation entraine la pluralité des références normatives et la coexistence entre, d’une part, les normes légales codifiées par l’Etat à partir des modèles exogènes et, d’autre part, les manières de faire locales et les coutumes plus ou moins réinterprétées (Le Bris E. et al., 1985, p.14). En plus de la pluralité des valeurs culturelles au sein de la cité, il y a l’éloignement des villages avec le centre de décision. Le nouveau découpage intégrant Zagtouli à la commune de Ouagadougou, a des avantages et des inconvénients. Pour certaines localités, il y a un problème de distance d’avec le chef-lieu de la commune, comme l’explique le maire de Tanghin Dassouri, Kassoum SIMPORE :
« Pour une partie de la population c’est une douleur. Et je reviens sur le quartier Zokounga ; c’est un village dans les coutumes il y a les masques. Tout Zokounga relevait de la commune de Signonghin et Zokounga était un quartier de Bassinko qui était un village de la commune de Signonghin. Après le découpage on a pris une grande partie de Zokounga mettre dans la commune de Tanghin Dassouri. Dans le temps entre Zokounga et Signonghin ça faisait 6 à 7 km pour rejoindre le chef-lieu de la commune. Mais aujourd’hui pour quitter Zokounga et aller à Tanghin Dassouri il faut parcourir un minimum de 25 km. Et c’est pour ça que je dis que c’est une douleur. Le Goo-naaba, avait fait plusieurs écrits aux haut-commissariat, au gouvernorat, et même jusqu’au ministère, pour que leur village soit rattaché à l’arrondissement 8, au lieu de Tanghin-Dassouri qui est loin. C’est vrai que c’est eux-mêmes qui avaient demandé à être érigé en village et l’autorité avait accédé à leur demande, mais avec l’observation qu’en ce moment le village sera rattaché à Tanghin Dassouri qui est encore une commune rurale ». Les avantages sont entre autres le développement des activités commerciales et des services sociaux de base (école, centre de santé etc.).

Conclusion

Nous avons montré dans les rapports entre Ouagadougou et Zagtouli que l’idée impériale n’était pas absente de la pensée politique des sociétés africaines. Malgré tout, si l’on adopte un point de vue éthique, il apparaît que les Moose ont pensé tout à la fois un ordre politique, un espace dominé par des formations royales, ainsi qu’une philosophie du pouvoir renvoyant à une forte vision de soi. Tout ceci a été le moteur d’une expansion territoriale initiale, puis de l’intégration différentiée de diverses couches de la « société globale » avant la conquête. Cela s’est poursuivi après la période coloniale avec l’intégration de Zagtouli à Ouagadougou et bien d’autres localités. Zagtouli est à présent un quartier de la ville de Ouagadougou, faisant partie de l’Arrondissement n°8. Et cela est lié à l’extension rapide de la ville de Ouagadougou. L’absence de terre pouvant accueillir tous les migrants dans la ville de Ouagadougou, les migrants s’installent dans les quartiers périphériques autrement dit dans les villages voisins et demandent par la suite une amélioration de leur cadre de vie. Or, la réalisation de ces infrastructures rattache immédiatement ce village loti à la commune de Ouagadougou. C’est ainsi que Zagtouli est devenu un quartier de la capitale. Les éléments positifs résident dans l’augmentation du nombre d’infrastructures scolaires, sanitaires et le développement des activités commerciales.

Dr HIEN Sourbar Justin Wenceslas
Chargé de recherche
Institut des sciences des sociétés (INSS)
Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST)/ Burkina- Faso

Bibliographie
- GIBBAL J.-M. et al., « Situations urbaines et pratiques sociales en Afrique », in Cahiers d’études africaines. - n° 81-83, XXI (1-3), 1981, p.9.

- BALANDIER G., 1985, Sociologie des Brazzavilles noires, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1985 (seconde édition). - p. XVII.

- BONTE P. et al., (sous la direction), Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, Quadrige / PUF, 2012, p. 166

- HIEN S. J. W. et al., 2022, « Les enjeux sociopolitiques et environnementaux de l’urbanisation au Burkina Faso : cas de l’intégration du Canton de Zagtouli à Ouagadougou » in Science et technique, Revue burkinabè de la recherche Lettres, Sciences sociales et humaines, DIST, CNRST, Vol. 38, n° 2, ISSN : 1011-6028 pp.299-316.

- LE BRIS E. et al., 1985, « Résidence, stratégies, parenté dans les villes africaines » - in Les Annales de la recherche urbaine. - n° 25, p.14.
- TRAORE A., 1993, La gestion communale de Ouagadougou, Université de Ouagadougou, Mémoire de Maîtrise en géographie, 147 p.

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