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Dégradation des ressources naturelles : « L’insécurité accentue le phénomène, et les acteurs peinent à renverser la tendance », selon l’enseignant-chercheur Désiré Lompo

Publié le lundi 31 juillet 2023 à 12h21min

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Dégradation des ressources naturelles : « L’insécurité accentue le phénomène, et les acteurs peinent à renverser la tendance », selon l’enseignant-chercheur Désiré Lompo

« Problématique de la gestion des ressources naturelles dans ce contexte de crise sécuritaire en Afrique subsaharienne : quelle contribution de la recherche ? ». Sur cette thématique s’est tenue, du 24 au 26 juillet 2023, la 2e édition des journées scientifiques de l’université de Dédougou, dans la région de la Boucle du Mouhoun. A l’issue des travaux, Lefaso.net s’est entretenu avec le vice-président chargé de la recherche et de la coopération internationale de l’institution régionale d’enseignement supérieur. Dans ce talk, Dr Désiré Jean Pascal Lompo évoque entre autres l’impact de l’insécurité sur les ressources naturelles, la ténacité du phénomène de dégradation des ressources naturelles et les recommandations issues de ces journées.

Lefaso.net : Les 24, 25 et 26 juillet 2023, l’Université de Dédougou (UDDG) a organisé la 2e édition de ses journées scientifiques. Quels étaient les objectifs visés par cette activité ?

Dr Désiré Jean Pascal Lompo : L’objectif global de ces journées scientifiques était de créer une opportunité de rencontres entre les différents acteurs du développement autour de la problématique de la gestion des ressources naturelles au Burkina Faso et subséquemment en Afrique subsaharienne. Spécifiquement, il a été, entre autres, question de faciliter le partage des résultats de recherche entre les différents acteurs, de favoriser les échanges d’expériences entre les acteurs de développement, de capitaliser les connaissances générées en matière de gestion durable des ressources naturelles en situation de crise sécuritaire et d’améliorer la visibilité de l’UDDG.

Quelles sont les activités qui ont marqué ces 72 heures ?

Les activités au cours de ces journées ont été essentiellement des communications scientifiques orientées vers quatre axes thématiques de recherche. Le premier est relatif à la gouvernance foncière et gestion des territoires agricoles. Le deuxième axe a concerné les ressources naturelles, la protection sociale et la santé. Le troisième a porté sur l’agriculture, les ressources forestières et la sécurité alimentaire ; et le quatrième axe a permis de poser la problématique de la pression démographique, de l’espace territorial, de la culture et de la société. En plus de ces communications scientifiques, il y a eu des communications scientifiques ouvertes à différentes thématiques et enfin, une conférence-débats autour de la thématique réactions citoyennes en période de crise sécuritaire.

Au-delà des acteurs du monde de la science et de la recherche, bien d’autres acteurs de différents secteurs comme l’économie, les collectivités territoriales, les organismes internationaux et les ONG ont pris part à ces journées. Pourquoi avoir choisi de réunir toutes ces personnes dans le cadre des journées scientifiques ?

Disons que le développement ne peut être assuré que par plusieurs acteurs. Pour que cela se fasse bien, il faut l’implication de tous les acteurs. Nous, en tant qu’enseignants-chercheurs, nous intervenons dans le domaine de la recherche, mais aussi de l’enseignement. Alors nous générons des connaissances et il fallait donc partager ces connaissances avec tous les acteurs intervenant dans le monde du développement. C’est pour ça que nous avons invité pas que des scientifiques, mais aussi des associations, des ONG (Organisations non-gouvernementales : ndlr), des centres de formation pour s’assurer que tous les acteurs qui interviennent dans le domaine du développement ont accès aux connaissances générées par la recherche.

Selon docteur Désiré Lompo, enseignant-chercheur à l’UDDG, la crise sécuritaire accentue la dégradation des ressources naturelles

A cette 2e édition, vous avez mis les projecteurs sur la problématique de la gestion des ressources naturelles dans le contexte de crise sécuritaire en Afrique subsaharienne, tout en vous interrogeant sur la contribution de la recherche. Qu’est-ce qui a sous-tendu votre intérêt pour cette thématique ?

La problématique de la dégradation des ressources naturelles est bien connue de tous. C’est un phénomène mondial. Pour le solutionnement de cette problématique, chacun doit mettre du sien. Tous les acteurs doivent s’impliquer et travailler en synergie pour trouver des solutions durables au problème de la dégradation des ressources naturelles. En tant qu’enseignants-chercheurs, nous ne pouvons que travailler dans le domaine de la recherche pour développer des connaissances en vue de permettre la gestion durable des ressources naturelles. Voici pourquoi, nous avons décidé de réunir l’ensemble des acteurs pour partager un peu les connaissances que nous avons produites en matière de gestion durable des ressources naturelles, donc notre contribution à la résolution du problème.

Les populations d’Afrique subsaharienne doivent-elles se réjouir ou se plaindre de l’état actuel de la gestion des ressources naturelles dans cette partie du continent dans le contexte d’insécurité ?

Les populations au sud du Sahara vivent de façon sévère la dégradation des ressources naturelles. Il est bien connu que c’est la partie du monde où la dégradation est la plus prononcée et où nous ressentons le plus l’impact de la dégradation des ressources naturelles sur la vie des populations. Cette zone ressent beaucoup les effets néfastes de ces dégradations. Des efforts sont déployés pour permettre de renverser la tendance, mais il faut se dire qu’il y a beaucoup à faire et jusque-là les acteurs peinent à renverser la tendance.

Et avec la crise sécuritaire, la situation ne fait que s’accentuer, c’est-à-dire les efforts qui étaient entamés prennent un coup du fait de l’insécurité car il n’y a pas d’intervention de l’homme dans certaines zones pour minimiser l’impact. La dégradation a certaines causes naturelles que l’homme peut aider à atténuer. Le fait qu’il y a l’insécurité, il n’y a plus d’intervention dans beaucoup de zones pour protéger ou aider à la protection des ressources naturelles. Les populations ne peuvent donc pas se réjouir de l’état actuel de la gestion des ressources naturelles.

A quel niveau faut-il situer la responsabilité de la dégradation des ressources naturelles ?

Les premiers acteurs impliqués dans la dégradation des ressources naturelles sont les producteurs parce que les pratiques de gestion, d’exploitation de ces ressources-là ne sont pas toujours efficaces. Cependant, il faut se dire que les responsabilités sont partagées. Si les producteurs sont abandonnés, à eux seuls ils ne peuvent pas relever le défi de la gestion durable des ressources naturelles. Il y a donc des responsabilités des Etats qui doivent accompagner de façon substantielle et durable les populations à la base pour une meilleure utilisation des ressources. Mais, c’est ce rôle que les Etats ne jouent pas correctement. Cela fait que les ressources ne font que se dégrader de plus en plus. Les problèmes engendrés par la dégradation des ressources naturelles touchent tout le monde.

La recherche contribue à poser clairement les problèmes de recherche, identifier les problèmes auxquels sont confrontées les communautés..., commente le vice-président chargé de la recherche de l’UDDG.

Mais les solutions sont beaucoup plus laissées entre les mains des populations et donc c’est très difficile pour ces populations à elles seules de venir à bout du phénomène. Il y a nécessité que tous les acteurs travaillent en synergie pour permettre une utilisation durable des ressources. Également, il faut beaucoup de financements extérieurs, nationaux et locaux pour pouvoir travailler efficacement dans le sens d’une gestion durable. Les groupes armés terroristes ont aussi une part de responsabilité. Ils sont comptables de la dégradation des ressources naturelles aussi bien dans les localités de départ que dans celles d’accueil des populations déplacées. A cause d’eux, les populations ne sont plus en mesure de protéger les ressources dans les zones abandonnées. Le fait de se concentrer dans les zones d’accueil crée forcement une pression sur les ressources naturelles à ces endroits.

A ce stade, dans quelle mesure la recherche peut apporter une contribution à la bonne gestion des ressources naturelles ?

La recherche peut contribuer en posant clairement les problèmes de recherche, en identifiant les problèmes auxquels sont confrontées les communautés dans cette période-là et en indiquant les voies et moyens pour permettre une gestion durable de ces ressources naturelles. Elle aide à mettre en synergie d’actions les acteurs qui interviennent dans le domaine.

Quelles sont les grandes conclusions ou recommandations issues de ces journées ?

Nous sommes parvenus essentiellement à deux recommandations à l’issue de nos travaux. D’abord, il y a la nécessité que la recherche se penche plus sérieusement sur la problématique de la gestion durable des ressources naturelles dans ce contexte de crise sécuritaire avec beaucoup plus d’activités de recherche en la matière. La seconde recommandation est relative à la création de davantage de synergie d’actions entre les différents acteurs pour permettre un travail très efficace en termes de gestion durable des ressources.

Peut-on s’attendre à une suite à donner à ces conclusions ?

Oui. Immédiatement, il va s’agir de renforcer nos activités de recherche en lien avec la dégradation continue des ressources naturelles surtout dans ce contexte de crise sécuritaire, le tissage de nouveaux partenariats pour renforcer les investigations dans le domaine de la gestion durable des ressources naturelles en période de crise sécuritaire. Pour ce faire, l’Etat doit accompagner le monde de la recherche avec plus de moyens pour qu’il puisse conduire efficacement les activités de recherches scientifiques sur la problématique de la dégradation des ressources naturelles, notamment en période de crise sécuritaire.

Propos recueillis par Yacouba SAMA
Lefaso.net

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