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Santé : « L’insuffisance rénale peut déséquilibrer le tissu familial et être source de tensions, de séparations de couples, d’abandons scolaires » (Dr Aoua Semdé)

Publié le lundi 10 juillet 2023 à 22h50min

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Santé : « L’insuffisance rénale peut déséquilibrer le tissu familial et être source de tensions, de séparations de couples, d’abandons scolaires » (Dr Aoua Semdé)

L’insuffisance rénale semble faire des ravages ces dernières années au Burkina Faso. Elle touche de plus en plus la frange jeune, en particulier les personnes accros aux médicaments traditionnels. Dr Aoua Semdé, néphrologue, responsable du service de néphrologie-dialyse du centre hospitalier universitaire Sourô-Sanou de Bobo-Dioulasso, nous décrypte cette maladie.

Lefaso.net : Qu’est-ce qu’une insuffisance rénale ?

Dr Aoua Semdé : L’insuffisance rénale, en termes simples, c’est l’altération des fonctions du rein. Ces fonctions sont, entre autres, l’épuration du sang, c’est-à-dire le fait de débarrasser le sang des déchets, des impuretés d’une façon générale. Deuxièmement, le rein joue un rôle dans l’équilibre hydroélectrolytique. C’est dire que le rein permet à l’organisme de maintenir une quantité de liquides et d’ions nécessaires au bon fonctionnement de l’organisme. Ces ions sont entre autres le potassium, le sodium et le calcium. Une autre fonction non-négligeable du rein est la fonction endocrinienne, qui permet un équilibre hormonal, c’est-à-dire que certaines hormones contribuent au maintien d’une pression artérielle normale et à la synthèse des globules rouges. En quelque sorte, c’est la défaillance de ces différentes fonctions qui constitue l’insuffisance rénale.

Quelles en sont les causes ?

Quand on parle d’insuffisance rénale, il faut distinguer deux entités. Il y a ce que nous appelons une insuffisance rénale aiguë, qui fait suite à un processus ponctuel qui détériore le fonctionnement du rein et qui est réversible si le malade est vu tôt à l’hôpital. Parmi les causes d’insuffisance rénale aiguë dans notre contexte, il y a les causes infectieuses notamment le paludisme, certaines infections bactériennes avec leur corollaire de complications telles que l’anémie sévère, des vomissements, des diarrhées pouvant entraîner une déshydratation. Ces infections peuvent nous conduire à prendre d’une manière ou d’une autre des médicaments prescrits ou par automédication (médicaments traditionnels ou modernes) pouvant conduire à la survenue d’une insuffisance rénale aiguë. Parmi les médicaments traditionnels souvent utilisés, nous n’avons pas toujours la possibilité de déterminer leurs effets nocifs sur les reins mais nous constatons dans la plupart des cas d’insuffisance rénale la prise de traitement traditionnel. Après tout, il faut noter que divers facteurs sont impliqués souvent dans la survenue de l’insuffisance rénale aiguë.

L’autre entité, c’est l’insuffisance rénale chronique. Dans le monde, les principales causes d’’insuffisance rénale chronique sont le diabète et l’hypertension artérielle. A côté de ces principales causes, nous pouvons citer dans notre contexte les causes infectieuses chroniques telles que l’infection à VIH, les hépatites virales B et C ainsi que d’autres infections bactériennes chroniques telles que les tuberculoses qui peuvent être responsables de la survenue d’insuffisance rénale chronique. Notons que l’insuffisance rénale chronique peut résulter aussi d’une maladie intrinsèque du rein.

Dans lequel cas, la structure du rein, au cours de sa genèse ou au cours de son évolution, présente une anomalie qui interfère sur le bon fonctionnement du rein et induit une insuffisance rénale chronique. On peut aussi citer certaines causes dites héréditaires, où des anomalies constitutionnelles des structures de filtration ou autres vont conduire à un dysfonctionnement à moyen ou long termes. En cas de maladie héréditaire, la transmission peut se faire d’un parent. L’exemple typique de néphropathie héréditaire que nous rencontrons fréquemment est la polykystose rénale qui est aussi une cause d’hypertension artérielle et dont l’évolution se fait vers une insuffisance rénale chronique chez plusieurs membres d’une même famille.

Notons aussi que toutes les malformations de l’arbre urinaire, quelle qu’en soit la cause (hypertrophie ou cancer de la prostate chez l’homme âgé, les tumeurs de vessie…) peuvent aboutir à des infections urinaires à répétition ou une obstruction de l’évacuation des urines et conduire plus tard à l’insuffisance rénale chronique. Chez les enfants, les infections dites de la sphère ORL, c’est-à-dire les maux d’oreilles, les sinusites, les rhinites lorsqu’elles ne sont pas bien traitées, peuvent plus tard entraîner une insuffisance rénale chronique soit à l’enfance, soit à l’adolescence ou chez le sujet très jeune.

Dans l’insuffisance rénale chronique, n’oublions pas aussi le rôle des médicaments dont certains médicaments traditionnels qui constituent le traitement de premier recours pour la plupart de la population Certains médicaments pharmaceutiques tels que les anti-inflammatoires pris de façon chronique peuvent également interférer sur le fonctionnement du rein. Un nouveau phénomène à prendre en compte, et qui nécessite des investigations urgentes, est la part des pesticides et des herbicides utilisés dans l’agriculture moderne ainsi que des métaux lourds comme le mercure et d’autres substances utilisées dans les sites d’orpaillage.

Quelles sont les conséquences médicales de l’insuffisance rénale ?

En décrivant l’insuffisance rénale comme une défaillance des différentes fonctions du rein, cela veut dire qu’une personne atteinte d’insuffisance rénale, notamment une insuffisance rénale chronique, ressentira les conséquences de ces perturbations. Elle souffrira en effet d’une anémie liée à un défaut de synthèse de ses globules rouges. Au niveau de l’équilibre de l’eau et des ions, le malade aura tendance à garder plus d’eau qu’il en faut car le rein n’arrivera pas à éliminer convenablement les liquides ingérés. Les pieds peuvent par conséquent gonfler (œdèmes). Lorsque que la quantité de liquides retenue est très importante, le malade peut présenter un œdème aigu du poumon qui se traduira par une respiration difficile et qui peut être fatal en absence de prise en charge rapide.

En général, une hypertension artérielle accompagne les œdèmes. Le défaut d’épuration des déchets de l’organisme favorise leur accumulation. Ces déchets considérés comme un poison vont occasionner une fatigue permanente, des vomissements, des malaises, un inconfort et parfois une haleine particulière. Ce sont ces effets cliniques qui constituent en quelque sorte les signes de la maladie rénale chronique mais qui ne surviennent qu’à un stade assez évolué de la maladie. Sinon au début, il n’existe parfois pas de manifestations qui puissent alerter le malade ou son entourage. C’est donc une maladie qui évolue à bas bruit. L’ensemble de ces perturbations vont retentir sur les autres organes, notamment le cœur et les os. A long terme, certains malades seront physiquement diminués à cause de l’atteinte des divers organes résultant du dysfonctionnement rénal.

Quelles sont les conséquences sociales ?

Les conséquences sociales de l’insuffisance rénale surtout chronique sont énormes. Le malade qui est dépisté tôt, doit être suivi périodiquement avec des examens à réaliser, des traitements à prendre régulièrement. Il peut s’agir de thérapies pour corriger les perturbations induites par le dysfonctionnement rénal telles que l’hypertension artérielle, l’anémie et l’atteintes des autres organes. Ces médicaments et examens coûtent cher. Sachant que nous n’avons pas une assurance maladie, ces coûts sont supportés par le malade et par la famille. Et connaissant le niveau socio-économique de notre population, ça retentit vraiment sur le budget de la famille. Ce malade qui ne pourra plus travailler ne pourra plus avoir un revenu substantiel. Il sera à la charge de sa famille. C’est un malade qui sera parfois moralement affecté, et cela déséquilibre le tissu familial.

L’insuffisance rénale chronique est parfois source de licenciement, de tensions dans la famille, de séparations de couples et souvent d’abandons scolaires, ne pouvant plus scolariser convenablement ses enfants. En plus, lorsque ces malades arrivent au stade de la dialyse et qu’il faut payer pour les soins de dialyse, ou encore la transplantation pour certains, ce sont les familles qui doivent supporter les frais. La dialyse est partiellement subventionnée par le gouvernent burkinabè dont non saluons au passage les efforts consentis ces dernières années, mais la part contributive du patient et da sa famille ainsi que les médicaments et examens restent élevés pour le Burkinabè moyen.

A l’échelle de la nation, L’Etat burkinabè investit depuis un certain nombre d’années en moyenne trois milliards de francs CFA par an pour l’achat des consommables de la dialyse. Cet énorme investissement ne permet de prendre en charge qu’environ 600 patients sur toute l’étendue du territoire. Cela veut dire que nous supportons tous, les conséquences de la maladie car ce budget pourrait servir le développement d’autres domaines si nous arrivons à prévenir cette maladie.

Mais ce n’est pas tout le monde qui est atteint d’insuffisance rénale qui fait la dialyse. Comme je l’ai dit, il y a l’insuffisance rénale aiguë et l’insuffisance rénale chronique. En cas d’insuffisance rénale aiguë, la dialyse n’est nécessaire que dans certaines conditions. Dans certains cas d’insuffisance rénale aiguë, il suffit d’une bonne prise en charge médicale précoce et le malade en guérira définitivement. Seuls ceux qui n’ont pas pu guérir rapidement ou qui présentent des complications qui peuvent compromettre leur pronostic vital nécessiteront la dialyse. Dans des conditions optimales de prise en charge, plus de 80% de cas d’insuffisance rénale aiguë peuvent guérir totalement. Cependant, ce sont des malades qui devrons être suivis, car ils ont un risque supplémentaire de faire une insuffisance rénale chronique.

Quant à l’insuffisance rénale chronique, tout le monde n’est pas dialysé parce que l’insuffisance rénale chronique évolue en plusieurs stades. En effet, la maladie rénale chronique est classée en cinq stades évolutifs. De manière théorique, c’est à partir du stade 5 de l’évolution de la maladie rénale chronique que le malade devrait être dialysé. Je dis théorique parce que ce n’est pas non plus tous les malades au stade 5 qui sont dialysés. A ce stade 5, le malade présentera des symptômes qui peuvent nécessiter la mise de dialyse en urgence.

En Afrique, et notamment en Afrique subsaharienne, les Etats manquent de moyens. Dans ces Etats, beaucoup de malades ont besoin de dialyse mais ils n’ont pas la possibilité d’y accéder. Même là où la dialyse est totalement subventionnée, les malades éprouvent des difficultés pour honorer leur part participative. Aussi, certains malades ont besoin de dialyse mais vivent géographiquement loin des centres de dialyse. Il y en a aussi qui sont dans une zone où il existe des centres de dialyse, mais ces centres sont saturés parce que la demande dépasse l’offre. Chez nous au Burkina Faso, nous sommes malheureusement confrontés à l’inaccessibilité géographique mais également au fait que tous les centres existants sont saturés.

Au Burkina Faso, la dialyse est subventionnée par l’Etat depuis 2011. Pour la dialyse chronique, la part contributive du malade est de 500 000 F CFA. Mais dans le privé, un malade doit payer 75 000 FCFA par séance et il fera au minimum deux séances dans la semaine ; ce qui fait donc 150 000 FCFA par semaine et ce, toute sa vie. Alors que dans les centres publics, c’est subventionné et une fois qu’il paie ses 500 000 F, il a accès à la dialyse durant toute sa vie. Mais à côté de ce forfait de dialyse, il y a aussi les charges des médicaments, la charge des examens que le malade devrait faire au quotidien durant toute sa vie en dialyse.

L’insuffisance rénale semble toucher de plus en plus la frange jeune, qu’est-ce qui peut expliquer cela ?

Cette maladie touche la frange jeune. C’est malheureux en Afrique mais c’est comme cela. Ce n’est pas qu’au Burkina Faso seulement. En Afrique, ce sont les jeunes qui sont plus touchés par rapport aux pays développés où ce sont les sujets âgés. Chez nous, nous rencontrons chez les sujets jeunes, tout ce que nous venons de citer comme facteur de vulnérabilité. La pauvreté fait qu’il n’y a pas de suivi médical de cette frange de la population. Aussi nos habitudes de vie et alimentaires ne sont pas favorables pour une santé rénale optimale. En effet, l’alimentation non contrôlée associée à certains facteurs génétiques exposent les jeunes africains à certaines maladies telles que l’hypertension artérielle. Malheureusement, le dépistage tardif de l’hypertension et la difficulté d’adhésion au traitement chez les jeunes favorisent son évolution vers des complications telles que l’insuffisance rénale chronique.

Vous remarquerez que ce n’est pas l’insuffisance rénale seulement qui touche plus de jeunes dans notre contexte. Ils sont de plus en plus hypertendus et diabétiques. Au-delà de ces maladies chroniques, l’environnement joue un rôle capital. Je parlais tantôt de la sédentarité, de notre régime alimentaire qui n’est pas toujours propice pour une bonne santé. Ce qui fait que nous avons de plus en plus d’enfants et de sujets jeunes obèses et sédentaires, favorisant le diabète, l’hypertension et partant l’insuffisance rénale. En plus les jeunes font aujourd’hui de plus en plus recours aux traitements traditionnels par manque de moyens.

Malheureusement, nous n’avons pas de contrôle sur ces traitements. Nous observons pratiquement à chaque feu tricolore des panneaux publicitaires sur des soins de virilité et autres. Certains jeunes pourraient s’y adonner. A tous ces facteurs s’ajoute la difficile adhésion aux suivis et aux traitements chez les jeunes qui sont malades. En effet, ils acceptent difficilement leur maladie car à cet âge, on se croit souvent invincible et donc impossible d’être malade. Par conséquent, c’est souvent au stade de complications comme l’insuffisance rénale que ces jeunes consulteront. En somme, nous n’avons pas vraiment des données claires sur les causes de l’insuffisance rénale chronique chez les jeunes mais ce que nous venons de citer sont des facteurs à prendre en compte et à analyser dans notre pays.

Il ne faut pas occulter également l’effet des stupéfiants, l’utilisation des produits toxiques sur les sites d’orpaillage auxquels beaucoup de jeunes s’adonnent. Tous ces facteurs contribuent parfois à endommager les reins chez les jeunes, qui consultent souvent au stade d’insuffisance rénale chronique terminale. La moyenne d’âge des malades dialysés au Burkina Faso est de 45 ans. Nous pouvons dire que c’est à l’âge auquel l’on commence à se réaliser que l’on tombe les armes à la main. Il faudrait donc qu’on agisse. C’est vrai que cette moyenne d’âge ne reflète probablement pas la réalité. En effet, comme nous n’avons pas suffisamment de centres de dialyse, l’on privilégie parfois les jeunes par rapport aux sujets âgés, ce qui fait qu’on a tendance à croire peut-être que ce ne sont que des jeunes qui font la dialyse. Mais peut-être que les sujets âgés sont exclus du fait de l’inaccessibilité à la dialyse.

Combien de temps peut-on espérer vivre lorsqu’on a une insuffisance rénale chronique ?

C’est une question qui est un peu difficile à répondre, mais nous dirons que ça dépend du stade auquel l’insuffisance rénale a été découverte. Cela dépend aussi du suivi et des maladies associées. Un patient diabétique et insuffisant rénal ne peut pas espérer avoir la même espérance de vie qu’un insuffisant rénal qui n’a pas d’autre pathologie. Une insuffisance rénale découverte au stade 2 ou 3 de la maladie rénale chronique ne peut pas avoir la même espérance de vie que chez un insuffisant rénal découvert au stade 5. Nous avons des malades que nous suivons personnellement depuis 2017 pour une insuffisance rénale modérée qui, depuis lors, sont restés à ce stade. Donc ils auront probablement une espérance de vie meilleure que certaines personnes qui n’ont pas d’insuffisance rénale chronique par exemple.

Mais une fois au stade terminal, l’on ne peut espérer vivre que quand on a un traitement de suppléance rénale soit par la dialyse, soit par l’épuration extra-rénale car un malade qui est au stade terminal, cela signifie que ses reins ont perdu plus de 85% de leur fonctionnement normal. Donc le reste ne permet plus d’assurer convenablement les fonctions vitales de l’organisme. Et s’il n’y a pas un processus de suppléance des fonctions du rein (dialyse ou transplantation rénale), des complications vont très vite s’installer et conduiront à la mort s’il n’y a pas de traitement. Mais une fois que le malade a ses traitements de suppléance, notamment en dialyse, la survie est relative selon les comorbidités, la qualité de la dialyse, selon le suivi que le malade aura en dialyse ainsi que les complications qui peuvent survenir en dialyse. Dans les pays développés, il y a des malades qui dialysent pendant plus de 40 ans. Par conséquent, l’on pourrait dire qu’ils auront la même espérance de vie que ceux qui ne dialysent pas, mais ça dépend des conditions et de tous les facteurs associés que nous venons de citer.

Malheureusement chez nous, les conditions de dialyse ne sont pas optimales et les suivis ne sont pas optimaux parce que les malades ne font pas des examens. Ce qui fait que les malades développent très vite des complications et parfois en meurent. Mais on a eu quand même des malades qui ont pu faire 18 à 20 ans en dialyse depuis l’ouverture du premier centre de dialyse à Ouagadougou. Si le malade a une greffe de rein, il vit encore plus longtemps par rapport au dialysé. Donc c’est vraiment relatif. En conclusion, l’insuffisant rénal peut vivre aussi longtemps si les soins sont de qualité et si le suivi est bien organisé.

Comment éviter cette maladie ?

Tout doit partir des mesures de prévention, et ces mesures de prévention passent par la connaissance des facteurs de risques par la population. La prévention va ainsi se baser sur l’éviction de ces facteurs de risques. Au cas où ces facteurs de risques existent chez quelqu’un, que la personne puisse se faire suivre et se prendre en charge pour éviter que ces facteurs la conduisent à l’insuffisance rénale. Ces facteurs sont entre autres les médicaments néphro-toxiques, qu’ils soient modernes ou traditionnels, ainsi que l’l’hypertension artérielle et le diabète qui peuvent bien être évités en abandonnant la sédentarité et en ayant une alimentation saine, ni trop salée, ni trop sucrée. Si nous arrivons à éviter ces facteurs de risques, nous éviterons la part contributive de ces maladies sur l’insuffisance rénale chronique.

Au-delà, il faudrait maîtriser les autres facteurs comme l’obésité et les facteurs environnementaux. En effet, nous sommes de plus en plus sédentaires, nous ne mangeons pas sainement et nous avons tendance à être obèses et à cumuler les facteurs de risques d’hypertension artérielle et de diabète. Mais une fois que nous sommes malades, il faudrait aussi que nous consultions et nous nous fassions suivre par un professionnel de santé. Le suivi, c’est accepter de réaliser les examens et accepter de prendre les médicaments. Malheureusement, la notion de maladie chronique n’est pas toujours bien intégrée au sein de nos populations, si bien que les gens n’y croient pas souvent et refusent parfois de prendre les médicaments prescrits à l’hôpital au détriment des médicaments traditionnels qui peuvent conduire aux insuffisances rénales.

En somme, c’est d’avoir une bonne hygiène de vie, ne pas rester sédentaire, s’hydrater bien, c’est-à-dire boire suffisamment de l’eau quand il fait chaud, pour éviter que le rein souffre de déshydratation. Il faut aussi se faire dépister pour les maladies chroniques comme l’hypertension artérielle, le diabète. Et quand on est dépisté positif, il faut bien suivre les traitements et éviter les prises de médicaments parallèles. Lorsque l’on souffre d’une insuffisance rénale, il faut accepter que la maladie existe et savoir qu’avec un bon suivi médical, l’on peut ralentir la progression vers le stade terminal.

En termes de prévention, c’est aussi la sensibilisation des populations pour laquelle les médias et les autorités ont un grand rôle à jouer. Mais tout le monde doit contribuer dans cette sensibilisation afin de faire comprendre les facteurs de risques au maximum des populations. Ensuite, il faudrait dépister précocement les facteurs de risques et la maladie rénale chronique. Une fois dépisté, un programme d’accompagnement est nécessaire. L’on peut bien demander un dépistage annuel des maladies rénales, surtout pour les sujets à risque. Les examens ne coûtent pas excessivement cher à mon avis. Par exemple, une bandelette urinaire utilisée pour le dépistage coûterait au maximum 500 F CFA et le dosage de la créatinine par exemple ne dépasse pas 3 000 FCFA selon les laboratoires publics ou privés. Ces deux éléments déjà permettent déjà de savoir si nous avons un problème de rein. S’il y a des anomalies, d’autres examens complémentaires pourraient être demandés. Néanmoins, il faut toujours relativiser parce qu’avoir 500 F CFA n’est pas souvent très évident dans notre contexte.

Combien de personnes contractent par an l’insuffisance rénale au Burkina Faso ?

C’est très difficile aujourd’hui de donner un chiffre pour les personnes atteintes de maladies rénales au Burkina, car nous ne disposons pas d’études en population. Pour dépister une maladie rénale, il faut souvent un laboratoire ; ce qui n’existe pas dans toutes les contrées du Burkina Faso. Il n’y a que dans les grandes villes qu’on fait le dépistage et même dans les grandes villes, il n’y a pas de néphrologue partout et la collecte de données n’est pas assez exhaustive pour nous permettre d’avoir des chiffres fiables. L’on constate néanmoins une croissance du nombre de cas d’insuffisance rénale chronique dans les hôpitaux où exercent des néphrologues.

C’est peut-être aussi le fait que l’offre appelle la demande. Ce qui veut dire que dans certaines régions et dans nos villages, il y a des gens encore qui meurent en silence. Au Burkina Faso, nous avons environ 700 personnes dialysées chroniques à Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et Ouahigouya. Depuis 2018, le nombre de consultations néphrologiques à Bobo-Dioulasso ne fait que croître annuellement. Notre service a reçu environ 1 300 nouveaux patients en 2022. Parmi ces patients, plus de 80% sont vus pour une insuffisance rénale chronique. Nous n’avons donc pas de données exactes mais les services hospitaliers nous alertent et il faudrait agir en misant sur la prévention.

Quel est votre dernier mot ?

Nous remercions Lefaso.net pour son besoin de comprendre cette maladie qui fait des ravages actuellement, qui touche les jeunes et dont les causes sont parfois évitables. Nous portons un cri de cœur à l’endroit des médias, des populations et des autorités, pour nous aider à intensifier la sensibilisation. Cela va sans doute permettre à la population de mieux comprendre les facteurs de risques et d’éviter ces facteurs de risques. Au cas où ces facteurs de risques seraient déjà présents, nous exhortons les personnes concernées à bien se soigner. Bien se soigner passe par un dépistage précoce et un suivi médical rigoureux et régulier. Nous profitons de votre micro pour intensifier notre plaidoyer auprès de l’Etat et de l’ensemble de la population pour nous aider à avoir une accessibilité aussi bien géographique que financière pour les traitements de suppléance rénale.

Il n’y a que l’hémodialyse au Burkina. Pourtant, il y a d’autres modalités thérapeutiques comme la dialyse péritonéale et la transplantation. Cependant, le manque de moyens limite nos actions. La sensibilisation de la population pour le don de rein et la mise en place des structures de transplantation rénale dans notre pays sont des conditions préalables pour la vulgarisation de la transplantation rénale. En attendant cette vulgarisation, une subvention des médicaments immunosuppresseur va aider les malades déjà transplantés à l’étranger à vivre longtemps.

Propos recueillis par Haoua Touré
Lefaso.net

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