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Liberté de presse au Burkina Faso : « En temps de crise, les journalistes ne doivent pas abandonner leur rôle de quatrième pouvoir », selon Christophe Bado, secrétaire général adjoint du MDBHP

Publié le mercredi 3 mai 2023 à 23h45min

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Liberté de presse au Burkina Faso : « En temps de crise, les journalistes ne doivent pas abandonner leur rôle de quatrième pouvoir », selon Christophe Bado, secrétaire général adjoint du MDBHP

En marge de la journée mondiale de la liberté célébrée ce 3 mai 2023, le Centre national de presse Norbert Zongo (CNP-NZ) a animé un panel sur le rôle du journaliste en cette période de crise sécuritaire et d’instabilité politique. Malgré les menaces et intimidations, les différents intervenants ont invité les journalistes à rester professionnels et à continuer leur travail dans le strict respect des règles d’éthique et de déontologie. Christophe Bado, secrétaire général adjoint du MBDHP a notamment laissé entendre qu’en temps de crise, les journalistes ne doivent pas abandonner leur rôle de quatrième pouvoir et se transformer en de simples relayeurs de l’information du gouvernement.

Chaque 3 mai, le Burkina Faso, à l’instar du monde entier, célèbre la journée mondiale de la liberté de presse. Au plan international, elle est célébrée sur le thème : « Façonner un avenir de droit : la liberté d’expression comme moteur de tous les autres droits de l’homme ». Au Burkina Faso, elle est célébrée sous le thème : « Le CNP-NZ : 25 ans au service de la liberté d’expression et de la presse ».
En marge de cette célébration, un panel a été organisé par le Centre national de presse Norbert Zongo. Le thème choisi pour ces échanges est : « Rôle et place du journaliste dans la société en temps de crise ». Il a été animé par Pr Mahamadé Sawadogo, philosophe, Boureima Ouédraogo, directeur de publication du journal Le Reporter et Christophe Bado, juriste et secrétaire général adjoint du Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP). Ce panel a été modéré par Abdoulazize Bamogo, président du Conseil supérieur de la communication (CSC).

Christophe Bado, secrétaire général adjoint du MDBHP et panéliste a souligné que la liberté d’expression est un droit universel qui constitue un élément de toute démocratie

Prenant la parole, Christophe Bado a d’abord rappelé que le Burkina Faso est confronté à une crise sécuritaire marquée principalement par des attaques terroristes. Une situation aggravée par le grand banditisme et la criminalité transnationale. « Cette crise porte naturellement un coup dur aux droits humains de façon générale et de façon particulière aux libertés démocratiques à savoir la liberté d’expression et de la presse », confie-t-il. Il s’agit notamment des atteintes au droit à la vie, à l’intégrité physique et morale des personnes notamment des milliers de civils, des membres des FDS, des VDP, etc. On note aussi les atteintes du droit à l’éducation, au logement, à la sécurité, à la santé et la destruction de biens publics et privés.

Pour Christophe Bado, au regard de ce contexte difficile, des voix s’élèvent pour réclamer le silence des défenseurs des droits humains notamment les journalistes qui sont confrontés à de nombreux défis et risques tels que des menaces, des agressions physiques et des intimidations de tout genre. Le rôle du journaliste, chien de garde de la démocratie, est pourtant essentiel dans un contexte de crise comme celui que vit le Burkina Faso, selon lui. Il faut donc se battre pour préserver les libertés démocratiques d’expression et de la presse afin que les journalistes puissent contribuer efficacement au retour de la paix, selon Christophe Bado. « La liberté d’expression est un droit universel qui constitue un élément de toute démocratie », souligne-t-il.

Boureima Ouédraogo, directeur de publication du bimensuel ‘’Le Reporter’’, face aux menaces et intimidations, a invité les journalistes à continuer leur travail dans le strict respect des règles d’éthique et de déontologie qui régissent le métier

Il est également revenu sur les possibilités de restriction de ces libertés, garanties par la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et la constitution du 2 juin 1991, en temps de crise. Ces libertés ne sont pas intangibles selon le secrétaire général adjoint du MBDHP et peuvent faire l’objet de restriction et non d’interdiction selon les dispositions de l’article 59 de la constitution burkinabè et de l’article 4, point 1 du pacte international relatif aux droits civils et politiques. En dehors de ces restrictions, la presse continue de mener ses activités régaliennes, précise-t-il.

« En temps de crise, les journalistes ne doivent pas abandonner leur rôle de quatrième pouvoir et se transformer en de simples relayeurs de l’information du gouvernement. Les médias libres et indépendants sont la pierre angulaire de la gouvernance démocratique. Ils peuvent jouer le rôle de contrôle de l’action publique, de porte-voix des victimes de la crise face à l’indifférence des pouvoirs publics. Face aux difficultés, arrêtez d’écrire ou commencer à chanter (les éloges du gouvernement) ? Il faut rester professionnel car la presse a un rôle à jouer dans cette guerre contre le terrorisme », a soutenu Christophe Bado.

Le Pr Mahamadé Sawadogo, philosophe et panéliste du jour a précisé que la presse a un rôle essentiel à jouer dans l’opération de reconquête du territoire

Boureima Ouédraogo, directeur de publication du bimensuel ‘’’Le Reporter’’ et deuxième panéliste s’est appesantit sur le rôle du journaliste dans la société, le rôle et la place du journaliste dans la situation de crise que connaît le Burkina Faso, etc. Pour lui, l’information est un droit constitutionnel et un bien. En situation de crise, elle devient un véritable défi à relever, un autre front de bataille où on retrouve pratiquement tous les acteurs, confie Boureima Ouédraogo.

« Toute chose qui implique pour le journaliste, une responsabilité et une attention particulières dans la production et la diffusion de l’information. Informer sans faire l’apologie de la haine, de la violence, de la stigmatisation, du terrorisme, informer sans compromettre les actions des forces de défense et de sécurité et surtout sans déroger aux règles éthiques et déontologiques et de la responsabilité sociale », explique-t-il.

Pour lui, le journaliste ne doit pas faire de diffamations, ne diffuse pas sans discernement, ne doit pas avoir l’intention de nuire, doit être incorruptible et impartial dans le traitement de l’information. Face aux menaces et intimidations subies par certains journalistes, Boureima Ouédraogo invite les journalistes à continuer leur travail dans le strict respect des règles d’éthique et de déontologie. « Autour de l’impéritratif de préserver la cohésion sociale, la quiétude et l’intérêt général, les journalistes et les médias peuvent faire des concessions. On peut accepter des compromis qui relèvent de notre vivre ensemble, de l’intérêt général, de la reconquête du territoire à travers la sincérité, le respect mutuel mais certainement pas à travers la manipulation et la désinformation », a-t-il clarifié

Abdoulazize Bamogo, président du CSC et modérateur de ce panel a appelé à un dialogue franc entre les acteurs gouvernementaux et les acteurs des médias

Le Pr Mahamadé Savadogo est philosophe, enseignant-chercheur et coordonnateur national du mouvement ‘’’Le manifeste pour la liberté’’, consacrée essentiellement à la défense de la liberté, la démocratie et la justice. Panéliste du jour, il a développé son intervention sur les différents angles de la conduite de la guerre et la position du journaliste. Pour lui, la guerre que mène le Burkina Faso est juste dans son principe mais elle peut être conduite de différentes manières. « Elle est juste parce que des gens sont venus nous agresser, chercher à nous soumettre, prêts à détruire notre territoire. Ils veulent nous soumettre à un ordre littéralement archaïque », indique-t-il.

Pour lui, dans la manière de conduire cette guerre, les dirigeants peuvent susciter le soutien de la plupart des citoyens ou au contraire, susciter le désarroi, quels que soient les moyens dont ils disposent. « Le rôle du journaliste, c’est de veiller sur cette conduite de la guerre. Ceux qui sont au-devant des choses peuvent penser que l’une des conditions de la guerre, c’est de soumettre tout le monde, les journalistes, les citoyens à la manipulation. Or cela peut avoir des conséquences très désastreuses », prévient-il.

Les participants à ce panel du 3 mai organisé par le CNP-NZ

« Nous sommes en guerre et nous souhaitons la victoire du peuple burkinabè sur ses ennemis qui l’ont agressé, qui poursuivent sa soumission à un ordre théocratique et à l’éclatement de son territoire. Les agresseurs du Burkina Faso veulent lui imposer une terrible régression que nous redoutons tous. Nous sommes condamnés à les vaincre pour ne pas disparaître. Devrons-nous pour autant sacrifier des catégories professionnelles pour atteindre cet objectif ? Notre survie passe-t-elle par le rejet de valeurs constitutives de la société moderne telles que la liberté de la presse ? Ne faut-il pas au contraire considérer que la contribution d’une profession comme la presse reste indispensable à l’essor d’un peuple, même quand il est en guerre ? », s’interroge-t-il.

Il soutient que la presse aide à développer un contrôle sur les actions des gouvernants et contribue à rapprocher les citoyens d’un pays. Selon le Pr Mahamadé Savadogo, la guerre ne se gagne pas seulement sur le terrain des opérations militaires car pour lui, la conduite des opérations militaires est influencée par la manière de diriger la cité. « La corruption, l’impunité, l’arbitraire ou l’injustice affectent autant le moral des citoyens que celui des forces combattantes. La liaison entre les dirigeants et la base des citoyens ne s’obtient pas, même en temps de guerre, par la menace et le fouet mais par la rectitude et le dévouement à la cause collective. Soyons convaincus que la presse a un rôle essentiel à jouer dans la conquête collective de ces vertus politiques », déclare-t-il.

Modérateur de ce panel, Abdoulazize Bamogo a rappelé qu’en situation de guerre, de crise, les citoyens ont besoin d’être informés, d’être éclairés. Malgré les divergences de points de vue entre dirigeants et professionnels de médias, il a appelé à une synergie d’actions pour sortir le Burkina Faso de cette situation difficile. Abdoulazize Bamogo a également appelé à un dialogue, à une écoute fraternelle, responsable dénouée de tout esprit accusateur entre les acteurs gouvernementaux et les acteurs des médias, « tous deux soucieux de l’intérêt supérieur de la nation ». Aux Burkinabè, il appelle à la pondération et à la retenue dans la critique vis-à-vis des acteurs médiatiques particulièrement et vis-à-vis de tout Burkinabè qui prend la parole dans l’espace public.

Mamadou ZONGO
Lefaso.net

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