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Changement climatique et biodiversité : « Le, sorgho, une alternative aux cultures céréalières », selon Pr Yvonne Bonzi

Publié le jeudi 3 novembre 2022 à 22h33min

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Changement climatique et biodiversité : « Le, sorgho, une alternative aux cultures céréalières », selon Pr Yvonne Bonzi

Face au changement climatique et à l’érosion de la biodiversité, il faut « recourir au sorgho comme alternative aux traditionnelles cultures céréalières ». C’est l’une des solutions que préconise Pr Yvonne Bonzi, pour lutter contre les aléas climatiques et répondre ainsi à la problématique de la sécurité alimentaire. C’était lors de la conférence de presse de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) organisée ce jeudi 3 novembre 2022 à Ouagadougou, par visio conférence.

En octobre 2022, les températures étaient en moyenne 3,5 °C au-dessus de la normale dans l’hexagone, faisant de ce mois, la période la plus chaude jamais enregistré en France, selon Météo France. Face à cette situation et en préambule de la COP27 Climat et COP15 Biodiversité, cinq scientifiques de l’IRD en partenariat avec ceux du Burkina Faso et du Sénégal ont animé une conférence hybride. Ce, en vue de proposer des solutions concrètes d’adaptation basées sur la science, expérimentées au Sud et applicables au Nord.

C’est dans cette vison qu’est choisi le thème « Faire face au changement climatique et à l’érosion de la biodiversité : les solutions sont aussi au Sud ». Et Pr Yvonne Bonzi, chimiste de formation, en a présenté quelques unes dont le recours au sorgho et la pratique agricole du Zaï. « Suite à la multiplication des épisodes de sécheresse, les fortes températures et la baisse de la pluviométrie survenue en Europe pendant l’été, l’effondrement des rendements agricoles a conduit les agriculteurs à explorer la diversification des cultures, comme voie d’adaptation
afin de pérenniser leurs productions agricoles », a-t-elle introduit lors de son intervention.

« La technique améliorée de micro fertilisation du Zaï est exploitée comme pratique autochtone dans le vaste programme continental de la grande muraille verte de l’Afrique », Pr Yvonne Bonzi, enseignante-chercheure et professeure à l’université Joseph Ki-Zerbo

La production du sorgho en France, a connu un bond de 27% entre 2019 et 2020

Avant d’ajouter que dans des régions agricoles comme la Loire ou les Vosges, les producteurs ont observé que le maïs cultivé pour l’alimentation animale présentait de réelles difficultés. Car cette céréale étant très gourmande en eau pour sa culture. Pendant ce temps, explique-t-elle, la production du sorgho en France, leader de la zone Union européenne a connu un bond de 27% entre 2019 et 2020. « Et pourquoi le sorgho originaire du Sahel en Afrique se retrouve être une production céréalière prisée pour l’alimentation animale durable », s’interroge, Pr Yvonne Bonzi.

Question à laquelle, l’enseignante-chercheure et professeure à l’université Joseph Ki-Zerbo apporte elle-même des éléments de réponses. Selon Pr Yvonne Bonzi en effet, le sorgho, céréale aux multiples atouts s’est présenté sans attendre comme une belle alternative au maïs pour 8000 agriculteurs français. Cela pour être peu exigeant en eau, moins gourmand en fertilisant, et encore plus résistant aux fortes températures, aux maladies et ravageurs.

"L’homme qui a arrêté le désert" au Burkina Faso, Yacouba Sawadogo

Confrontés depuis plusieurs siècles aux agressions climatiques, les populations du Sud ont développé des stratégies pour survivre et s’adapter. Certaines pratiques dites ancestrales permettent toujours aux communautés de préserver la biodiversité malgré l’intensification de l’impact du changement global. C’est l’histoire de Yacouba Sawadogo. un agriculteur burkinabè qui face à la baisse de la qualité du sol du fait de la sécheresse a revisité une vieille pratique agricole appelé Zaï. « Le Zaï permet de faire pousser des arbres ou cultures dans des fosses », souligne Pr Bonzi. Et grâce à cette méthode, le paysan chercheur, Yacouba Sawadogo a amélioré la technique pour réaliser une forêt de 40 hectares avec plus de 60 espèces d‘arbustes et d’arbres dans son village, a-t-elle rappelé.

L’on le surnomme aujourd’hui pour son exploit, "l’homme qui a arrêté le désert". Ce qui lui a valu le prix de "Champions de la Terre 2020" du Programme des nations unies pour l’environnement. Une reconnaissance mondiale qui illustre l’action d’un homme ayant réussi tout seul une telle prouesse.

« La science est universelle. On voit bien que des solutions à des problèmes du Nord se trouvent au Sud et vice versa », Fabrice Courtin, représentant de l’IRD au Burkina Faso

La présente conférence a été ouverte par Valérie Verdier, présidente directrice générale de l’IRD. Pour elle, c’est seulement ensemble (du nord au sud et de l’ouest à l’est) qu’ils pourront véritablement relever les défis qui s’imposent. « C’est là où notre interconnexion et notre responsabilité commune n’ont jamais été aussi forts. Car les problèmes que nous devons résoudre ici sont les mêmes là-bas et c’est ensemble que nous allons pouvoir les résoudre », a-t-elle mentionné.

Pour ce faire, il s’avère essentiel de développer un partenariat scientifique basé sur la solidarité et la réciprocité, pour affronter ensemble les crises, estime Valérie Verdier. La science doit être au service des citoyens et éclairer du mieux possible les décideurs pour qu’ils prennent de bonnes résolutions, renchérit-elle.

« Le Sud est une vraie source d’inspiration pour nous et de façon globale pour l’ensemble de la planète », Valérie Verdier, présidente directrice générale de l’IRD.

À l’entendre, l’IRD s’est inscrit depuis maintenant 40 ans dans une démarche de recherche, de formation, d’expertise, de partage de savoir. Il s’agit de faire de la science et de l’innovation, un des premiers leviers du développement des pays du Sud.

Plusieurs travaux de recherches en partenariat avec les chercheurs du sud ont déjà été effectués et d’autres sont en cours. Ce sont en effet 60% de co-publication avec les chercheurs du sud qui ont vu le jour, grâce à l’IRD. Ce sont environ 35 bourses doctorales par an, ce depuis 20 ans. Mais aussi 400 mobilités croisées nord-sud, sud-nord et sud-sud.

« Les milieux économiques et financiers s’intéressent de plus en plus au sujets environnementaux au regard de l’accélération du changement climatique », Thomas Mélonio, directeur exécutif innovation, stratégie et recherche de l’AFD

Thomas Mélonio, directeur exécutif innovation, stratégie et recherche de l’AFD a lors de son intervention, fait cas de certains travaux de recherches réalisés au Vietnam, sur l’évolution du système électrique vietnamien. Mais également en Afrique du Sud, dans le domaine de la biodiversité. « Notre département de la recherche travaille avec des acteurs sud-africains pour mesurer l’impact des potentielles dégradations des fonctions éco-systémiques ou de l’érosion de la biodiversité sur l’économie de l’Afrique du Sud », a-t-il affirmé. Les résultats de ces recherches vont être présentés à la prochaine COP, indique Thomas Melonio.

L’agriculture au Nord, produit 30% de gaz à effet de serre

Sebastien Barot, chercheur en écologie a quant à lui, soutenu qu’il est impérieux de changer la pratique agricole exercée dans les pays du Nord. Ces pratiques explique-t-il, produisent 30% des gaz à effet de serre. Les systèmes agricoles au Nord contribuent à détruire la biodiversité notamment celle dont on a besoin pour la production des fruits et légumes.

À l’entendre, il urge de transformer de façon radicale, les systèmes alimentaire et agricole dans le Nord. Comme alternative, l’écologue des sols, directeur de recherche, conseiller scientifique « biodiversité » de l’IRD propose l’une des solutions suivante. Planter des graminées de la savane africaine. Ces plantes présentent la particularité d’inhiber la nitrification et de rendre le cycle de l’azote plus efficace. Y recourir permet d’améliorer selon lui, l’action des engrais et d’en diminuer l’usage.

« C’est en gros de sélectionner à nouveau des variétés de céréale (variétés sauvages) pour qu’elles inhibent la nitrification », Sebastien Barot, écologue des sols, directeur de recherche, conseiller scientifique « biodiversité » de l’IRD

À l’issue de l’intervention du climatologue Benjamin Sultan, directeur de recherche, conseiller scientifique « changement climatique » de l’IRD, Flore Gubert elle, s’est focalisée sur les stratégies d’adaptation des ménages face aux aléas climatiques en l’occurrence la migration. Elle est économiste, directrice de recherche à l’IRD et vice-présidente au sein de la Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH).

Pour elle, il y a deux grandes perceptions de la migration. La première est celle vue comme une fuite face à une menace climatique ou un abandon définitif d’une région qui serait devenue inhospitalière. La seconde, est celle perçue comme une mobilité des pays pauvres vers les pays riches. Cependant, Flore Gubert pense que la migration peut s’inscrire dans une toute autre stratégie et être utilisée comme une stratégie proactive de résistance aux changements climatiques.

« Ces migrations saisonnières de courtes distances ont une fonction de régulation en améliorant la résilience des régions d’origine via les transferts d’argent des migrants », Flore Gubert économiste, directrice de recherche à l’IRD

« Plus que la marque d’un abandon, la finalité de la migration peut bien au contraire être le maintien d’une petite agriculture familiale malgré ses contraintes en lui donnant les moyens techniques et financiers pour y arriver », a-t-elle montré.
Flore Gubert illustre ses propos par l’exemple de la région de Niakhar au Sénégal. « La petite agriculture familiale qui prévaut dans cette région ne permet pas à tous les ménages d’être autosuffisants en céréale. Ce qui signifie que leur production annuelle ne permet pas de couvrir l’intégralité de leurs besoins », a-t-elle déclaré.

Avant d’évoquer ceci : « les recherches menées après analyse notamment des mobilités saisonnières en provenance de Niakhar, ont révélé que le déficit céréalier était totalement résorbé grâce aux transferts d’argent et aux dons effectués par les migrants saisonniers ». Toute chose qui permet à ceux restés sur place d’acheter les céréales qui leur manquent.

Cette rencontre est l’occasion pour les initiateurs, d’inverser le paradigme Nord-Sud et de rappeler l’impérative co-construction de solutions basées sur un modèle de partenariat équitable avec les pays du Sud. Cet agenda transformationnel (transformative science) nourrit les réflexions sur les notions de développement et de science de la durabilité pour un monde plus résilient face aux grandes crises planétaires.

Hamed NANEMA
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 3 novembre 2022 à 22:51, par Meme Pas En réponse à : Changement climatique et biodiversité : « Le, sorgho, une alternative aux cultures céréalières », selon Pr Yvonne Bonzi

    Les Blanc nous font parfois rigoler quoi. Vous venez trouver les Africain entrain de cultiver le sorgho deja depuis des millenaires et vous voulez vous poser en connaisseurs et donneurs de leçons comme si ce cereale venait de l’occident. C’est vrai que meme les Americain en cultivent apres l’avoir pris en Afrique mais tout de meme. Notre biere locale se fait avec le sorgho depuis la nuit des temps. Ils savent toujours tout hein !

    • Le 4 novembre 2022 à 10:37, par Kouda En réponse à : Changement climatique et biodiversité : « Le, sorgho, une alternative aux cultures céréalières », selon Pr Yvonne Bonzi

      Meme Pas,
      Heureusement que les Blancs comme vous les appelez viennent nous rappeler l’important patrimoine culinaire que nous possédons et que nous avons abandonné à la poursuite d’autres aliments plus exotiques ou à la mode.
      Heureusement que le riz consommé localement est principalement importé sinon il serait hors de portée de la bourse de la majorité des consommateurs du Burkina Faso étant donné la pagaille et la cupidité qui caractérisent beaucoup de nos marchands de céréales. Savez-vous combien coûte la mesure (yorouba) de sorgho rouge aujourd’hui sur nos marchés dans les villes ? Avec un tel système économique, nous ne pourrons jamais développer la culture et la consommation de nos céréales et d’autres produits alimentaires. J’adore le petit mil (en bouillie, to, couscous) mais il est hors de portée pour beaucoup de gens dont les moyens sont limités. Pourtant, le petit mil est produit au Burkina Faso. La personne qui cultive et/ou vend le petit mil doit pouvoir vivre décemment de son travail mais ce n’est pas une raison suffisante pour les prix unitaires sauvages que nous observons sur nos marchés. Une fois acheté, il faut encore des heures de travail pour rendre les céréales propres avant la consommation. Donc, la consommation de nos céréales locales est excessivement coûteuse, financièrement d’abord (relativement aux moyens des habitants du Burkina Faso) et en temps mis pour les rendre propres.
      Les gens préféreront alors acheter et consommer le riz importé. Le riz local réservant parfois des surprises très désagréables. Imaginez-vous à mâcher une bouchée de riz remplie de petits morceaux de granite blancs. Vous ne l’oublierez jamais. Consommons local, oui. Mais rendons les produits alimentaires locaux propres à la consommation. Je n’achète plus de riz local jusqu’à nouvel ordre. Je n’encourage pas la médiocrité, le travail mal fait et surtout pas la mauvaise foi et la cupidité.

  • Le 4 novembre 2022 à 08:43, par Paul En réponse à : Changement climatique et biodiversité : « Le, sorgho, une alternative aux cultures céréalières », selon Pr Yvonne Bonzi

    Le sorgho s’avère une plante plus intéressante que le maïs trop gourmand en eau à l’heure du réchauffement climatique qui s’accélère sur toute la planète. Cependant, si on prend le cas de la France, il est temps d’évoluer vers un système plus résilient moins basé sur le couple funeste maîs-soja pour nourrir son bétail. Ce dernier est une catastrophe écologique avec la déforestation accélérée de l’Amazonie ! Or, pour le cas français, il faut re-diversifier ces cultures en pratiquant l’agroécologie et relocaliser les systèmes alimentaires. On ne peut plus continuer à produire des cochons industriels en Bretagne avec toutes les conséquences funestes sur l’environnement pendant qu’en Beauce, il n’y a pas une seule tête de bétail. Les Systèmes Alimentaires Durables passent par une meilleure intégration de l’agriculture à l’élevage avec des prairies et cultures fourragères intégrées dans les rotations. Ce dernier point reste d’ailleurs un défi au Burkina Faso pour accroitre la productivité de l’agriculture et de l’élevage.
    Pour le COM de "même pas" : le réchauffement climatique est planétaire et les conséquences sont déjà importantes PARTOUT alors que nous sommes vers une trajectoire de +4 à 6°C d’ici la fin de ce siècle. Par exemple, pour le Burkina Faso, il faudra améliorer la technique du zaï pour espérer une récolte dans 30 ans avec la hausse des températures et risques élevés de poches de sécheresse.

  • Le 4 novembre 2022 à 08:53, par Kem En réponse à : Changement climatique et biodiversité : « Le, sorgho, une alternative aux cultures céréalières », selon Pr Yvonne Bonzi

    C’est l’art de réinventer l’eau tiède que de redécouvrir cette céréale traditionnelle.
    Le. sorgho est une excellente céréale à consommer par les populations, au même titre que le fonio et le mil.
    Consommer du riz est une hérésie car il pousse peu au Burkina, nécessite beaucoup d’eau et apporte moins d’éléments nutritifs. Il est possible et utile de rompre avec les habitudes transmises par le colonialisme.

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