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Oppositions africaines : vers une nouvelle honte du continent

Publié le mercredi 21 décembre 2005 à 09h56min

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La chute du mur de Berlin en 1989, suivie de la dislocation de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et de l’avènement de l’indépendance réelle des pays dits de l’Est, a été le symbole emblématique de la fin de la guerre froide et de la levée définitive du "rideau de fer", pour reprendre une expression de Winston Churchill, ancien Premier ministre britannique.

Une des conséquences de ce chambardement idéologique et politique d’un des deux pôles (de naguère) de la principale contradiction a été de contribuer à dynamiser les luttes multiformes des peuples africains à plus de démocratie, de justice et d’équité.

Aidés en cela par la fin du soutien que chaque camp apportait vaille que vaille et coûte que coûte à ses alliés, quels que soient la tyrannie, l’autoritarisme et le totalitarisme qu’ils exerçaient sur leurs populations, ces dernières, regroupées au sein des forces politiques, jusqu’alors clandestines ou simplement tolérées, des organisations syndicales, des autres associations de la société civile (dont les organisations et défense des droits humains et de journalistes), des communautés religieuses (et dans une moindre mesure des autorités coutumières), etc., se sont mises à contester l’ordre établi, confiantes qu’elles étaient que la substitution des puissants du jour par de nouveaux ne pouvait être que meilleure (ou, à tout le moins, moins mauvaise que ce que l’on avait sous les yeux).

Ainsi, des conférences nationales à l’occasion desquelles les chefs d’Etat en place ont été dépouillés de la plupart de leurs pouvoirs et au cours desquelles de grands déballages ont eu lieu pour remettre les compteurs à zéro se sont tenues, au grand plaisir des citoyens et des organisations qui étaient aux avant-postes de la lutte.

Là où il n’y a pas eu de conférence nationale, les régimes d’exception et de parti unique ont quand même été jetés dans les poubelles de l’histoire. Tant et si bien que dans la forme, si on exclut des pays comme l’Erythrée, l’Ethiopie, l’Ouganda et le Rwanda, tous les pays d’Afrique subsaharienne ont, au moins dans la forme, adopté l’Etat de droit démocratique et libéral comme modèle de gouvernance politique et économique.

Malgré les fortunes diverses, ce modèle est bien meilleur que les précédents (régimes militaires et à parti unique). Cependant, il est bien loin du niveau des aspirations que les peuples avaient manifestées ; à quelques exceptions près.

Une mine plutôt ternie

Certes, il ne faut pas tomber dans la déformation professionnelle qui consiste à ne s’appesantir que sur ce qui est ou paraît négatif dans le vécu quotidien de nos sociétés. Il ne faut pas non plus céder aux sirènes défaitistes de l’afro-pessimisme. Cependant, il y a lieu de demeurer lucide ou, en tous les cas, d’essayer de l’être ; car sans lucidité, il n’est point de possibilité de conception, d’élaboration et de mise en œuvre de solutions adéquates aux problèmes du continent.

C’est pourquoi il faut souligner avec force que, sur les quarante-sept (47) pays que compte l’Afrique au sud du Sahara, seuls neuf (9), si nous faisons nôtres les points de vue des ONG de défense des droits humains et des chercheurs en la matière, peuvent prétendre faire la fierté du continent. Ce sont l’Afrique du sud, le Bénin, le Ghana, le Mali, Maurice, le Mozambique, la Namibie, le Niger et la Tanzanie.

Dans le lot qui reste, il y a ceux qui n’ont pas connu d’alternance politique démocratique depuis 1990, mais dont le système démocratique, malgré des secousses qui ont parsemé leur parcours, fonctionne assez bien de nos jours, selon les partenaires au développement bilatéraux et multilatéraux. Exemple : le Burkina et l’Angola.

Il y a par ailleurs ceux-là qui, en dépit de leur adhésion aux principes démocratiques, sont totalement aux antipodes des impératifs de liberté que ces principes présupposent : le Zimbabwe en est la parfaite illustration.

Un quatrième groupe est constitué de pays comme le Cameroun, le Congo-Brazzaville, le Gabon, le Tchad, etc.

Parce que pays pétroliers dont les régimes entretiennent de bons rapports avec les pays du Nord et les grandes compagnies pétrolières occidentales, la gestion politique et économique calamiteuse de ces pays ne suscite aucune réaction des organisations internationales et de ces pays du Nord.

En dehors de ceux-là, il y a les pays en conflit comme le Congo démocratique, la Côte d’Ivoire, le Liberia, la Sierra Leone, même si dans le premier et dans les deux derniers, la situation est revenue presqu’à la normale.

Enfin, nous avons relevé que dans les pays comme la Côte d’Ivoire, le Kenya, Madagascar et le Sénégal, où la démocratie devait rayonner comme en Afrique du Sud, au Bénin..., c’est la totale déception.

Et pour cause : voici des pays où les opposants ont bataillé ferme pour l’avènement de la démocratie et/ou l’alternance démocratique. Voici des opposants d’une valeur intellectuelle indiscutable, car certains sont des universitaires, d’autres des érudits du droit ou de l’économie.

Sans oublier que les années, les quinquennats, voire les décennies passés à lutter contre un pouvoir en place qui ne leur faisait pas de cadeau constituent une expérience à nulle autre pareille. Or que s’est-il passé ?

En Côte d’Ivoire, c’est le social-démocrate K. Laurent Gbagbo qui se mue en "ivoiriste" et qui est en grande partie responsable de la situation de guerre actuelle ; au Kenya, le démocrate d’hier, qu’est Moï Kibaki, tente en vain de tripatouiller la Constitution, à Madagascar, Marc Ravalomanana entreprend de museler l’opposition et les médias. Enfin, le Sénégal de Me Abdoulaye Wade, le libéral brille par des arrestations de journalistes et de certains de ses anciens collaborateurs. A bien des égards, tous font pire que ceux qu’ils ont remplacés.

Comme au lendemain des indépendances

On le voit, la situation générale du continent en matière de démocratie n’est pas reluisante. Mais l’attitude de ces opposants d’hier, une fois arrivés au pouvoir, ternit davantage la construction de la démocratie sur le continent.

De même qu’à la veille des indépendances les peuples africains rêvaient de pain, de liberté et de justice, une fois le colonisateur parti, de même le tournant des années 90 avait convaincu bien d’Africains que l’avènement au pouvoir des opposants d’hier devait être synonyme de rayonnement de la démocratie.

Autant ils avaient cru que la fin de l’ère coloniale signifierait la fin des injustices sociales et économiques, autant ils s’étaient persuadés que les alternances démocratiques entraîneront automatiquement le règne de la vertu.

Hélas, et mille fois hélas ! En effet, si on a assisté à des alternances exemplaires, ce ne fut pas le cas dans nombre de pays (que nous avons déjà cités). Quoique des explications existent, elles apparaissent plus comme des circonstances atténuantes qu’il faut concéder à ces nouveaux dirigeants. En aucun cas, elles ne peuvent justifier la façon dont les affaires de l’Etat sont gérées.

C’est pourquoi, on ne doit ressentir aucune gêne à affirmer qu’après la honte que les leaders africains devraient éprouver pour avoir déçu les espoirs nés des indépendances, les nouveaux responsables de nos pays risquent, à ce rythme, de nous faire baigner dans une deuxième honte.

Zoodnoma Kafando
L’Observateur

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