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Piqué par le virus de la photographie au bord de la lagune Ebrié en 2002, le jeune Harouna Marané décide d’en faire un métier, une passion de retour au Burkina Faso. De la photographie classique à la photographie artistique, il n’y a qu’un pas. Pour peu que le photographe cultive son regard. Portrait.
« S’il n’y a pas d’émotion, s’il n’y a pas un choc, si on ne réagit pas à la sensibilité, on ne doit pas prendre de photo. C’est la photo qui nous prend », disait Henri Cartier-Bresson, l’un des plus grands photographes français de son époque. Harouna Marané se réclame de ce courant, la photographie humaniste qui n’a d’yeux que pour l’être humain dans sa vie quotidienne. Pour lui, l’environnement du sujet a autant d’importance que le sujet lui-même. Et immortaliser cet ensemble est tout un art.
Oui, Harouna Marané est un artiste. Discret, mais ouvert. Avec lui, la photographie artistique est un métier de témoignage où chaque clic fige le sujet pour la postérité. La pratique de cet art ne s’improvise pas, car cela demande du travail, de la motivation et surtout de la passion.
« Je ne suis pas de ceux-là qui se laissent intimider »
La passion, Harouna Marané l’a eu depuis Abidjan lorsqu’en 2002, il commence la photographie avec un « grand-frère ». Mais sa soif d’apprendre le conduit dans son pays natal, le Burkina Faso. Pour subvenir à ses besoins, il se lance dans la photographie familiale avec un appareil photo reçu d’un parent en 2006. Il fallait courir après les cérémonies de mariages et de baptêmes. C’est un autre monde, mais le jeune Harouna est bien débrouillard et ne se laisse pas dépiter.
« Quand tu fais certains métiers comme la photographie, il y a toujours des gens pour te démoraliser. Ils pensent que tu fais ce métier parce que tu es un raté. Il y a aussi cette catégorie de personnes qui pense que tu n’es pas professionnel parce que tu n’as pas fait d’études spécifiques dans le domaine. Je ne suis pas de ceux-là qui se laissent intimider, décourager ou humilier par des paroles. J’ai choisi la photographie, j’aime ce que je fais », clame haut et fort, le jeune Marané.
« L’appareil photo est l’un des meilleurs outils d’approche »
Sa soif d’apprendre et son désir de se démarquer et de découvrir de nouveaux horizons le conduisent sur les sentiers de la photographie artistique. Un domaine jusque-là très peu exploré. Son initiation, il la fera grâce à des formations organisées par le Goethe-Institut et l’Institut français (ex centre culturel français Georges Méliès).
« L’appareil photo est l’un des meilleurs outils d’approche. C’est un laissez-passer qui t’ouvre beaucoup de portes pour peu que tu saches bien le tenir », se convainc le jeune photographe, qui remporte en 2012 son premier laurier. Il occupe la deuxième place dans la catégorie illustration du concours de créativité sur les droits humains. Il s’agit d’un concours organisé par GIZ, le Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et du peuple (MBDHP) et le Réseau d’initiatives de journalistes (RIJ) sous le thème « Le droit à un environnement sain ».
De lauriers en lauriers
En 2013, Harouna Marané fait ses premiers pas dans le photojournalisme. La même année, il remporte le 2e prix au Grand Prix national de la photographie. Deux ans plus tard, il met le grappin sur le 1er Prix de la catégorie « meilleur artiste » du concours de la direction générale du patrimoine d’Etat. En 2016, son talent est de nouveau récompensé à la toute première édition du concours Focal d’Afrique où il remporte le premier prix. Son escarcelle prend du volume en 2019 lorsqu’il réédite l’exploit de 2015 en montant sur la plus haute marche du Prix Norbert Zongo de la meilleure photo lors du Festival international de la liberté d’expression et de la presse (FILEP).
Regard vers l’extérieur
A mesure que le temps passe, Harouna Marané « creuse, fouille, bêche » sur internet pour s’inspirer des créations d’autres photographes du monde. En 2017 avec l’accompagnement du Goethe-Institut, il découvre une autre dimension de la photographie artistique à Bamako, au Mali. C’est le choc. « Bamako est un milieu qui motive. Il y a la Maison de la photographie, la Biennale de la photographie qui réunit plusieurs artistes du monde entier. On revient toujours de Bamako gonflé à bloc avec la résolution de prendre son travail plus au sérieux ».
Toujours en 2017, Harouna Marané est lauréat de la bourse de résidence de la Villa Waldberta à Munich en Allemagne. Il perfectionne son art et expose ses œuvres lors d’une exposition collective à la galerie Gasteig. De retour au pays, il présente en 2018 au Kunstraum, son exposition photo dénommée « Sous le voile ». Il s’agit d’une recherche artistique au cours de laquelle le photographe a côtoyé et immortalisé, durant cinq mois, des femmes musulmanes.
« Ce n’est pas l’appareil qui fait la photo »
En 2019, Harouna Marané est de nouveau lauréat d’une bourse de résidence à l’université de Bayreuth dans le cadre de projets sur la thématique « In/visibilités » en collaboration avec le centre universitaire Iwalewahaus (centre de recherche et de formation). L’année qui suit, en pleine pandémie, il est lauréat de l’appel à projet SOFACO lot spécial COVID-19 du Fonds africain pour la culture. En juin 2022, il lance l’exposition photographique dénommée « Burkina Faso : terre de cheval ».
Tous ces lauriers, Harouna Marané les doit à sa persévérance et à sa curiosité. « Pour être un bon photographe, il faut de la patience, de la motivation et surtout de la passion. Il faut beaucoup réfléchir et être prêt à apprendre des aînés. Ce n’est pas l’appareil qui fait la photo, car de belles photos, on en fait avec des smartphones. Il ne suffit pas d’avoir un bon appareil. Il faut avoir un bon regard artistique », s’enorgueillit-il.
De la nécessité de s’unir
Arouna Marané n’évolue pas en loup solitaire. En plus d’être membre de l’association des photojournalistes du Burkina, il est aussi le président de l’association Photo club du Burkina. « Nous devons nous unir, nous organiser pour relancer la photographie surtout la photographie artistique au niveau national. Au Mali, le gouvernement accompagne les photographes artistiques. Nous devons changer notre regard pour que l’Etat et les institutions culturelles nous accompagnent à développer notre démarche photographique », suggère l’artiste, membre du Bureau burkinabè du droit d’auteur (BBDA).
« Contre-jour » sécuritaire
En attendant que l’Etat burkinabè ne tourne le regard vers la photographie artistique, Harouna Marané voit ses activités tourner au ralenti en raison de la crise sécuritaire dans certaines régions du pays comme la Boucle du Mouhoun où il se rendait fréquemment pour réaliser des photographies dans le domaine de la culture maraîchère pour des ONG. « On ne peut plus se permettre de faire des photos partout. Les gens sont hantés par d’autres maux. Pour nous adapter, nous sommes obligés de créer des cadres restreints pour développer nos projets. J’ai un projet photographique que j’aimerais réaliser dans la région des Cascades, mais je suis bloqué », soupire Harouna Marané qui espère le retour de la paix afin de bourlinguer à travers les villes et campagnes et conter les scènes de vie des Burkinabè.
Fredo Bassolé
Lefaso.net
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