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Côte d’Ivoire : Enfin un premier ministre

Publié le mardi 6 décembre 2005 à 07h44min

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Après plus d’un mois de blocage ou si vous préférez d’incertitudes, on a fini par avoir en Côte d’Ivoire un nouveau Premier ministre en la personne de Charles Konan Banny.

Il remplace à ce poste Seydou Elimane Diarra qui avait été nommé à la Primature après les accords de Linas-Marcoussis. La nomination du nouveau Premier ministre est intervenue le week-end dernier à Abidjan après la visite du chef de l’Etat nigérian, Olusegun Obasanjo, également président de l’Union africaine, du président sud-africain, Thabo Mbeki, et de Garba Agada, chargé d’affaires nigérien représentant le président Mamadou Tandja, président en exercice de la CEDEAO.

C’est donc après plusieurs tentatives infructueuses et des va-et-vient au bord de la lagune Ebrié, que les médiateurs de la crise ivoirienne ont fini par trancher dans le vif. Le président Laurent Gbagbo, qu’on a provoqué le 19 septembre 2002, et ses adversaires de la coalition de quatre partis politiques ( PDCI-RDA, RDR, UDPCI et MFA) et des mouvements rebelles baptisés ’’G7’’n’ont pas d’autre choix que de s’incliner.

Les deux camps, depuis un certain temps, faisaient traîner les choses concernant la succession de l’ancien Premier ministre suite à la résolution 1633 adoptée le 21 octobre par le Conseil de sécurité de l’ONU, prorogeant de 12 mois au maximum le mandant de l’enfant de Mama.

Les deux personnalités dont les noms revenaient pour diriger la transition sont le général Gaston Ouassénan Koné, un cacique de l’ancien parti au pouvoir, et Francis Dominique Yadé Tiémoko, un proche d’Alassane D. Ouattara. Maintenant que le verdict est tombé, ils vont mener d’autres luttes dans leurs partis respectifs. L’homme providentiel que le Groupe de médiation a déniché est bien connu dans le monde des finances.

A 63 ans, Charles Konan Banny fait une entrée fracassante sur la scène politique ivoirienne, lui qui avait jusqu’à présent consacré toute sa carrière au monde économique et financier.

Et ironie de l’histoire, lorsque ce brillant technocrate, selon RFI, prend la tête de la BCEAO en 1990, c’est parce que le gouverneur en titre venait justement d’être nommé Premier ministre de Côte d’Ivoire. Quinze ans plus tard, il suit donc les traces d’un certain Alassane Ouattara.

Fils de planteur, Banny, après l’obtention de son diplôme à l’Essec de Paris, débute sa carrière dans les matières premières, le café et le cacao, les deux piliers de ce qu’on appelle le miracle économique ivoirien. En 1976, il entre à la BCEAO à Dakar et après un parcours sans faute, il en devient le gouverneur en 1990. Aux commandes de la Banque centrale ouest-africaine, il doit gérer la dévaluation du franc CFA ou encore la faillite d’Air Afrique.

A ce poste, il peaufine sa stature internationale, sa réputation d’homme de caractère et de brillant technicien.

S’il n’a jamais été un homme politique, Charles Banny a toujours été proche du PDCI, dont son frère, Jean, fut l’un des membres fondateurs. Il n’a d’ailleurs pas que des amis au sein de cette formation, où Henri Konan Bédié notamment, le président déchu en 1999 après le coup d’Etat du général Robert Guei, s’est longtemps méfié de lui.

A l’approche de la fin de son mandat l’année prochaine, certains de ses amis, dit-on, le poussaient à se lancer dans la course présidentielle. Mais en acceptant le poste à haut risque de Premier ministre, Charles Banny semble pour l’instant avoir renoncé à toute ambition présidentielle : l’accord de transition interdit en effet au chef du gouvernement de briguer la magistrature suprême.

Grand sportif, passionné de football, qu’il a longuement pratiqué, il consacre aussi ses rares moments de détente à la lecture et à la musique. Il est marié et père de 4 enfants.

Au regard de son parcours, on peut affirmer que c’est un homme pétri d’expériences, et son atout, c’est qu’il a gardé une certaine distance avec la politique locale. Que ce soit à Ouaga ou dans d’autres pays où il est souvent de passage, il ne parle que de billets de banque. C’est son domaine de prédilection. Maintenant qu’il quitte la BCEAO pour un autre terrain, un autre langage sera sur ses lèvres : celui de la politique. _On a hâte de voir de quoi il sera capable dans ce milieu où l’honnêteté n’a pas sa place.

Dès sa nomination, les partis politiques, jusqu’à présent, n’ont rien trouvé à redire. Bien au contraire, ils ont tous accepté le choix des médiateurs. Chacun semble en son for intérieur satisfait, mais lui facilitera-t-on la tâche pour qu’il mène à bien son travail ? Il dispose d’un mandat étendu lui donnant le pouvoir de procéder au désarmement et à des réformes électorales avec pour objectif l’organisation d’une élection présidentielle d’ici la fin octobre 2006.

L’heure est donc venue pour que toutes les parties jouent franc-jeu à commencer par les rebelles, dont le chef considérait après la fin du mandat de Gbagbo, que le solutionnement du dossier ivoirien doit incomber prioritairement à la sous-région ouest- africaine et à l’Union africaine.

Soro Guillaume a annoncé publiquement que Thabo Mbeki a échoué dans sa mission.

Une transition politique sans Gbagbo n’ayant pas fait son effet, on repart à la case départ, et pour aller à des élections démocratiques et transparentes, l’heure n’est plus à se promener de capitale en capitale pour divertir l’opinion internationale. Il faut rester sur place pour coopérer et donner la preuve de sa bonne foi pour qu’une issue soit trouvée à la crise.

Ce n’est pas en donnant à chaque fois des conférences de presse qu’on continuera de toucher les cœurs._Gbagbo, lui, est toujours fatigué de négocier et il veut qu’on en finisse avec cette situation qui a trop perduré. Il ne parle désormais que d’élection et c’est même là l’occasion d’aider Charles Banny jusqu’en octobre 2006 pour qu’on sache qui sera vrai garçon comme aiment le dire les Ivoiriens.

Justin Daboné

L’Observateur

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