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Lutte contre le terrorisme au Burkina : Sibila Ouédraogo interpelle sur le risque communautariste

Publié le dimanche 27 février 2022 à 22h20min

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Lutte contre le terrorisme au Burkina : Sibila Ouédraogo interpelle sur le risque communautariste

Tête de liste du mouvement SENS aux législatives de 2020, Sibila Samiratou Ouédraogo reste engagée dans les actions de promotion civique et de défense des plus faibles. Partie pour soutenir une rencontre d’échanges sur la situation sécuritaire de la province du Soum, elle raconte sa déception de s’être retrouvée exclue des débats. Son cri du cœur lancé ce 24 février 2022 sur sa page Facebook.

Bonjour très chers,

J’espère que vous allez bien et que vos activités vont bon train.

Je m’excuse d’avance car le sujet sur lequel je souhaite communiquer aujourd’hui pourrait être assez sensible. Cependant, je pense qu’il est nécessaire d’en parler, et je voudrais vous demander de bien vouloir me lire jusqu’à la fin de ce récit. J’ai un message à passer.

Le mercredi 23 février 2022, jai vu sur les réseaux sociaux cette image qui appelait les fils du Soum à un rencontre, afin de proposer des solutions crédibles et concrètes, par rapport à la situation sécuritaire actuelle de la zone.

Dès que je l’ai vu, je l’ai tout de suite partagé avec des camarades engagés et demandé l’avis du secrétariat en charge de la jeunesse du mouvement SENS, pour une éventuelle participation. L’idée fut bien accueillie car pour nous, nous avons un devoir de solidarité envers nos frères du Soum. Nous avons l’obligation de porter cette croix avec eux, parce que le territoire du Burkina Faso est unique et indivisible ; si le Soum venait à tomber, ce sont tous les Burkinabè qui auraient perdu. Et la même chose risque de se répéter dans d’autres provinces ...

Cette lutte alors, nous devons la mener ensemble. Par conséquent, on est tous concernés par la rencontre et il faut y aller !

Vite, je contacte l’un des numéros sur l’affiche, lui explique que nous ne sommes pas du Soum mais voulons participer à cette activité, car touchés par ce qui s’y passe. Il m’indique alors le lieu de la rencontre.

Jeudi 24 février à 15h comme convenu, nous sommes à la salle de conférence de l’école madrassa de Hamdalaye. Une trentaine de minutes plus tard, le premier modérateur prend la parole.

Le problème, la langue parlée est le fulfudé et nous ne comprenons rien. Fort heureusement, le second modérateur (celui que j’avais contacté) demande s’il y a des personnes dans la salle qui ne comprennent pas fulfudé, nous répondons "oui" en levant les mains , et il traduit l’introduction pour nous.

Les discussions commencent. Première, deuxième, troisième, quatrième intervention, toujours fulfudé, cette fois-ci sans traduction. Nous commençons à murmurer après l’intervention du maire de Tongomael et le modérateur prend la parole pour traduire en une phrase ce que Monsieur le maire et ses prédécesseurs ont eu à dire. Nous commençons à nous regarder les uns les autres... On se demandait "le pourquoi" de ce qui venait de se passer.

Déterminés quand même à comprendre ce qui se dit et à participer aux débats, puisque nous souhaitions intervenir, nous nous tournons vers nos voisins les plus proches pour demander la traduction.

Les discussions vont de plus plus bel et nous, nous sommes de plus en plus "bleus" ! À chaque intervention, nous répétons le même geste auprès de nos voisins parce que nous avions la volonté de participer à cet échange. Je pris même l’initiative d’écrire au modérateur "s’il vous plaît monsieur, pourrait-on avoir une traduction de ce qui se dit ? Nous ne comprenons pas". Pas de réponse, peut-être n’a-t-il pas vu le message ? Possible !

Entre temps, l’un de nos voisins nous dit : "vous dérangez. Vous nous dérangez... Depuis longtemps, vous ne faites que parler et vous retourner". Une de nous essaie de lui expliquer qu’en fait, on ne comprend pas fulfudé et qu’on se retourne pour demander la traduction. Silence, il nous regarde et continue à suivre les débats, sans placer un seul mot.

Nous nous disons donc que finalement, nous ne sommes peut-être pas à notre place ici et qu’on forçait trop les choses. Nous prenons donc la décision de nous en aller, retenant douloureusement dans nos gorges les modestes contributions que nous nous étions apprêtés à partager lors de cette rencontre.

Une fois dehors, un de nos voisins qui était allé payer de l’eau nous interpelle : "pourquoi partez-vous ?" L’une de nous répond : "Vous ne parlez que fulfudé, nous ne comprenons rien". Le voisin répond :"Non, mais il fallait attendre la fin. On fera une synthèse en français pour vous"...
Je m’arrête là.

Ce jour, 24 février 2022, j’ai compris que nous avons un problème. Il est d’ailleurs très profond. Au Burkina Faso, nous ne sommes pas burkinabè. Nous sommes dagara, mossi, peuhl, samo, etc. Et cela, ce sont des clivages qui ne nous avancent en rien dans cette lutte contre le terrorisme.

Pour sauver le Soum, et le pays tout entier d’ailleurs, nous avons le devoir de permettre à toutes les communautés de participer aux combats se rapportant à cette cause. Et ces communautés en retour ont l’obligation de se joindre à cette "guerre" ! Tant que nous serons communautaristes, rien ne risque de changer car "les mêmes causes dans les mêmes conditions produisent les mêmes effets" !

La division, l’exclusion, le renfermement n’ont jamais construit une nation. Prenons conscience de cela "avant qu’il ne soit trop tard, car il est déjà tard", comme le disait le Professeur Laurent Bado.

Je termine en disant que cette scène m’a assez étonnée quand même. Car je me rappelle que lors des campagnes électorales de 2020, j’ai côtoyé des soumois avec qui je ne me suis jamais sentie étrangère ! Au contraire, ils m’ont beaucoup soutenue. Merci encore à vous, le "grain DICKO", et #dickolesahelien.
Je vous souhaite de passer une très bonne fin de semaine.

#Sibila Ouédraogo

https://www.facebook.com/profile.php?id=100063660431942

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Vos commentaires

  • Le 27 février 2022 à 15:58, par Vérité En réponse à : Lutte contre le terrorisme au Burkina : Sibila Ouédraogo interpelle sur le risque communautariste

    Samira ton équipe et toi avez fait un travail formidable. S’ils n’ont pas voulu vous associer c’est leur problème et c’est dangereux pour un pays qui cherche à retrouver son identité. Du reste je vous encourage à aller de l’avant

  • Le 27 février 2022 à 17:33, par night hawk En réponse à : Lutte contre le terrorisme au Burkina : Sibila Ouédraogo interpelle sur le risque communautariste

    Bonjour,
    Effectivement, je comprends la douleur et la difficulté de votre expérience. Étant un peulh qui ne comprends ni mooré, ni dioula, combien de fois ai-je été écarté des débats parce qu’il n’y avait pas de traduction en français. Vous, c’est la première fois que vous êtes confrontée à cette situation, moi, c’est mon quotidien. Sous prétexte que le mooré et le dioula sont la langue de la majorité...
    C’est pourquoi j’aime la langue française qui me permet de communiquer avec mes compatriotes burkinabè. Hé oui, c’est paradoxal mais c’est comme ça.
    Donc, faisons en sorte de communiquer plus dans la langue officielle pour les occasions officielles !

  • Le 27 février 2022 à 18:30, par ollo En réponse à : Lutte contre le terrorisme au Burkina : Sibila Ouédraogo interpelle sur le risque communautariste

    Je crois que nous sommes entrain de toucher le fond du problème. Il n y a rien de nouveau dans ce pays sauf que nous avons cultivé l’hypocrisie et l’irresponsabilité. Beaucoup de choses sont des crèves yeux que nous avons refusé d’aborder. A l’avènement du MPSR, j’ai souhaité que les partis politiques soient suspendus pour 3 à 5 ans, parce que c’est la véritable source de pollution de la vie sociale du Burkina Faso. Aux élections présidentielles de 2020, lorsqu’on entendait dire que telle ou telle ethnie ne pourra pas devenir président au Faso, je me suis écrié : Oh mon Dieu ! On venait d’atteindre le fond de la déconstruction de l’Etat Nation et aucune bonne gens n’a crié : ASSEZ ! comme si chacun approuvait la chose.
    Pour moi, ce qui est primordial pour notre pays, c’est d’instaurer un Observatoire national des ethnies et des religions qui va tenir des rencontres périodiques pour aborder les questions sensibles et tenir un langage de vérité. C’est seulement ça qui va être le début de la construction de la Nation ; sinon en effet, on a des ethnies au Burkina et non une nation. C’est la raison pour laquelle il y a la bamboula à Ouaga et autres villes quand des burkinabè sont massacrés à Déou, Banh, Titao, Solham, Namounou, Tanwalbougou, Sidéradougou, Toéni etc.

  • Le 27 février 2022 à 18:54, par Passakziri En réponse à : Lutte contre le terrorisme au Burkina : Sibila Ouédraogo interpelle sur le risque communautariste

    Mlle Ouedraogo,
    Je pense que ça n en vaut pas la peine de en faire une grosse histoire. Si les participants on adopté une langue que vous ne comprenez pas comme langue de communication dans la majorité , c est de bonne guerre et sûrement pas dans un esprit de exclusion ou de comunitarisation. Bref, nous burkinabè devrions aussi faire l effort de apprendre au moins une langue du pays qui n est pas de notre région. Ça nous faciliterait le vivre ensemble. Mon souhait serait même une instiutionalisation de nos langues dans le cursus scolaireen motivant les mois à apprendre dioula ou fulfuldé et vis versa. Sans rancune.

    Passakziri.

  • Le 27 février 2022 à 19:45, par Paul En réponse à : Lutte contre le terrorisme au Burkina : Sibila Ouédraogo interpelle sur le risque communautariste

    Hum !
    Votre expérience est sans doute regrettable, mais ceci n’est pas nouveau. Et les Mossis, surtout, sont bien forts dans ça. Ce sont eux qui manifestent le plus de communautarisme partout où ils sont ou passent. Figurez-vous, à une réunion des ressortissants burkinabé à New York, certaines personnes ont demandé que les communications se fassent en More. Sans rire ! Cela vous surprend et vous révolte quand ça vient d’autres ethnies. Avez-vous pris en compte le faite que les ressortissants du Soum étaient plus à l’aise dans leur langue ? Traduire ? Il faut aussi comprendre qu’ils n’avaient pas prévu dans l’organigramme début réunion une traduction qui aurait rallongé le temps. Si je lis dans la presse que les ressortissants du Yatenga ont une réunion quelque part à Ouagadougou pour discuter des problèmes de leur région, moi, ressortissant du Sud-Ouest, ne parlant pas More, n’aurait rien à y faire. Et nul ne sera surpris ou choqué de les y trouver échangeant en More. Je suis certain que de cela vous n’y auriez rien trouver à redire. Il y a bien d’autres plateformes sur l’insécurité dans le Soum où vous aurez la chance de participer. Vos idées ne vont pas pourrir dans votre tête. Des ressortissants du Soum qui a leur réunion décident de communiquer en fulfulbe ? Ou est le drame dont il faut s’en lamenter ? Beaucoup de commerçants au marché de Ouagadougou refusent de communiquer dans une autre langue qu’en More !

  • Le 27 février 2022 à 21:53, par Taonsa le chasseur En réponse à : Lutte contre le terrorisme au Burkina : Sibila Ouédraogo interpelle sur le risque communautariste

    Notre Pays a un sérieux problème. C’est la raison essentielle qui fait que notre pays est entrain de tomber en lambeaux. Nous ne sommes pas encore une nation mais un groupe d’ethnies égoïstes réuni par le colon. Quand tu surprend les avis de certaines personnes sur certains de leurs compatriotes, tu es dépasser. Quand des professeurs d’université parle de grand sud ou de petit centre, tu te demande si ils ont de la bouse de vache dans le Tibia.Vivement que les nouvelles autorités prennent des mesures sévères contre personne qui voudrait mettre en péril l’unité nationale.

  • Le 27 février 2022 à 22:51, par Junior En réponse à : Lutte contre le terrorisme au Burkina : Sibila Ouédraogo interpelle sur le risque communautariste

    Très bien dit @ Paul. Pour le communautarisme, nous les mossi, nous sommes des champions dans cela. Le jour où nous allons abandonner l’hypocrisie, la jalousie, la méchanceté, la haine, l’ethnicisme, le respect des autres ethnies, le Burkina aura la paix.

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