Coup d’État au Burkina : Des acteurs de la société civile réagissent
Lefaso.net
D’officier supérieur d’infanterie des forces armées burkinabè à nouvel homme fort du Burkina, c’est le pas que vient de franchir le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, après un coup d’État contre le président Roch Kaboré. Cette prise de pouvoir par les armes, loin d’être une surprise, est appréciée des représentants d’OSC que lefaso.net a approché.
Daouda Diallo, secrétaire général du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC)
« Le Burkina Faso traverse une situation très difficile avec près de deux millions de personnes déplacées internes, plus de 13% d’écoles fermées. Des portions du territoire contrôlées par des groupes ennemis. Je souhaite que les nouvelles autorités prennent en compte les aspirations profondes du peuple burkinabè. Aussi, je souhaite qu’ils trouvent des solutions aux questions de bonne gouvernance, de cohésion entre les Burkinabè, qu’ils apportent une réponse efficace à la crise sécuritaire et humanitaire qui respecte les engagements de notre pays en matière de droits de l’homme. Ainsi, il faut construire une véritable république démocratique moderne. »
Marcel Tankoano, président du M21
« Nous pensons que ce coup d’Etat est salvateur. D’est en ouest, du nord au sud, les Burkinabè s’attendaient à ce coup de force de l’armée. Désormais, le lieutenant-colonel Damiba et ses camarades doivent prouver qu’ils ont eu raison de forcer le départ du président Roch Kaboré. La confiance qui sera placée aux militaires, c’est de ramener très rapidement la paix dans notre pays et faire en sorte que les Burkinabè qui se regardent en chiens de faïence s’asseyent autour d’une table pour trouver des solutions à leurs préoccupations pressantes. Ils savent qu’ils ont un grand rôle à jouer, celui de sauver notre pays qui est en train de s’écrouler comme un château de cartes.
La mission est certes noble mais elle est difficile. Nous pensons qu’ils ont pesé le pour et le contre avant de faire le coup d’Etat. Aujourd’hui, ils doivent aller dans le sens des aspirations du peuple du Burkina Faso. Parce qu’il n’y a pas de développement sans paix. Ainsi, ils doivent travailler à ramener la quiétude et la stabilité, gage de tout développement. Tous les Burkinabè ont les regards tournés vers cette junte qui vient d’arriver. Ils ont l’avantage d’avoir fait le terrain. En tant qu’organisation de la société civile burkinabè, nous n’avons pas le droit de douter d’eux. Les Burkinabè doivent également travailler d’arrache-pied pour les accompagner dans leur mission. »
Bassolma Bazié, ancien secrétaire général de la Confédération générale du travail (pris sur sa page Facebook)
« Je ne cesserai de répéter qu’une intervention armée dans un processus démocratique est généralement une conséquence d’une gouvernance par embuscade (corruption, crimes, mensonge d’Etat, arrogance, suffisance, violation des libertés, non tenue des engagements etc.). On pourrait donc condamner vivement une conséquence, mais tant que la cause n’est fortement combattue et éradiquée, les conséquences se présenteront toujours.
A l’endroit des hommes de tenue, le MPSR, qui viennent d’intervenir une fois de plus sur la scène politique au Burkina Faso, il est d’une exigence morale de réserver un traitement humain aux personnalités mises aux arrêts ; travailler sur un bref délai et de façon urgente à la réouverture des frontières. En effet, la situation nationale est tellement particulière que nous ne pouvons pas nous réserver ce « luxe » ; comprendre que la seule sécurité pour tout pouvoir, c’est sa légitimité populaire, c’est-à-dire, poser des actes en conformité avec les aspirations du peuple au nom duquel on agit. Dans les mêmes conditions de pression et de température, on a invariablement le même résultat. Autrement dit, les mêmes causes produisent les mêmes effets ! »
Pascal Zaïda, président de la Coordination des organisations de la société civile pour la patrie
« Cette situation ne nous a pas surpris parce que depuis l’arrivée au pouvoir du président Roch Kaboré, j’ai été le premier à tirer la sonnette d’alarme sur la situation assez préoccupante de notre pays. Je crois que dans toute bonne démocratie, on n’accepte pas un coup d’État. Toutefois, il y a des coups d’État salutaires. C’est le cas notamment dans notre pays. Nous formulons le vœu que la transition qui va démarrer se démarque de celle de 2014.
Parce que tout ce que nous vivons aujourd’hui est en partie lié à la crise de 2014. Nous voulons une transition inclusive. Nous ne voulons pas non plus de chasse à l’homme, de vengeance ou encore de règlements de compte. Il faut une unité nationale. Ceux qui, par exemple, pour des questions de sécurité, ont été arrêtés et qui n’ont pas de dossiers sales, il faut les libérer parce qu’au Burkina Faso, nous voulons que tout le monde soit au même niveau. Maintenant, ceux qui ont des dossiers judiciaires doivent évidemment répondre de leurs actes.
Les militaires ont dit qu’ils vont engager un cadre de concertation avec toute la classe politique, la société civile, les syndicats. Nous attendons fermement leur feuille de route. Nous allons l’apprécier en temps opportun par rapport aux autres aspects liés aux questions techniques et autres. Sous la transition de Isaac Zida, des leaders d’OSC ont induit la transition en erreur. Toute chose que j’ai dénoncé à travers les médias et cela m’a coûté ce que ça coûté. Aujourd’hui, j’invite la junte à faire très attention "aux braconniers". Du moment où nous avons prôné ce changement, nous n’allons pas dormir encore moins baisser les bras. Il faut que nous soyons tous honnêtes, sincères et responsables pour que le Burkina Faso puisse avancer.
Quant aux différents accords internationaux que le Burkina Faso a signés, je crois que des sanctions ne vont pas tarder à tomber. Mais nous sommes prêts à défier la communauté internationale. Elle a intérêt à accepter la volonté du peuple burkinabè. C’est un mouvement d’ensemble qui va contaminer toute la sous-région. Ça ne veut pas dire que je suis dans le secret de Dieu mais la jeunesse a décidé de prendre ses responsabilités. »
Propos recueillis par Aïssata Laure G. Sidibé
Lefaso.net