Révolution démocratique et populaire du Burkina : Thomas Sankara avait prévu de laisser le pouvoir à Blaise Compaoré
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L’ancien aide de camp du président Thomas Sankara, Étienne Zongo, "a fait sa déposition", ce mercredi 5 janvier 2022, par la lecture du procès-verbal de son audition devant le juge d’instruction (l’intéressé étant décédé en octobre 2016).
Le témoin Étienne Zongo (qualifié de fidèle de Thomas Sankara par l’ancien président ghanéen, Jerry Rawlings, lui-même ancien ami du père de la Révolution burkinabè) était en voyage à Fada (ville située à environ 230 kilomètres à l’Est de Ouagadougou), en cette journée de jeudi, 15 octobre 1987. Il rentre à Ouagadougou (avec son chauffeur), 30 minutes après les coups de feu.
Issu de l’armée de l’air, Étienne Zongo révèle que c’est au forceps qu’il s’est retrouvé aide de camp de Thomas Sankara. Il est appelé à ce poste le 1er août 1983, alors qu’il assurait le contrôle de l’aéroport international de Ouagadougou. D’aide de camp, il n’en voulait pas (il dit avoir été réticent), mais l’on lui fit savoir que c’était juste temporaire.
En 1986, il trouve lui-même un remplaçant, du nom de Sanogo. Il en informe le président Thomas Sankara, qui lui dit que c’est bien qu’il parte, parce que lui il va être tué. Des propos qui l’ont marqué et poussé à se raviser pour se maintenir à ce poste.
Etienne Zongo révèle aussi que face à la détérioration de la situation, ils ont infiltré le camp de Blaise Compaoré à travers Eugène Somda qui faisait remonter les informations sur les mouvements.
La situation était de sorte qu’à un moment donné, ils (lui et Blaise Sanou) ont pensé organiser une exfiltration de Thomas Sankara au Ghana pour ensuite l’amener à démissionner.
Aussi, Thomas Sankara avait, lui-même, prévu une tournée nationale d’explication suivie de la remise du pouvoir à Blaise Compaoré.
Dans la lecture de son procès-verbal de déposition, on retient que Thomas Sankara devait être, vaille que vaille, éliminé. Il revient sur des tentatives avortées, dont à Tenkodogo à l’occasion du discours d’orientation politique (2 octobre 87) et le 8 octobre 87, lorsque Thomas Sankara devait se rendre chez Blaise Compaoré « qui prétextait être malade ». Ce jour-là, Hyacinthe Kafando avait positionné ses hommes pour éliminer le président à son arrivée. Ils sont alertés par un coup de fil d’un journaliste de RFI d’Abidjan, lui demandant si Thomas Sankara était mort. Il répond par la négative, puis finit par passer le téléphone à Thomas Sankara pour rassurer son interlocuteur. En effet, détaille le témoin, le journaliste en question aurait reçu l’appel de Blaise Compaoré qui lui demandait de publier cette information de la mort de Thomas Sankara. « Le président était confus », tire-t-on de la déposition d’Étienne Zongo, née en 1953 à Laye (45 kilomètres au nord-est de Ouagadougou).
Toujours sur les indices, l’aide de camp indique avoir aperçu à Paris, quelques jours avant le 15 octobre, Blaise Compaoré en compagnie de Jacques Foccart (Français, homme-orchestre des réseaux françafricains). Ce qui était, pour lui, un mauvais signe que le numéro 2 de la Révolution se trouve dans cette posture.
Le témoin affirme que Blaise Compaoré était soutenu par les services secrets français, et l’est toujours.
O.L.
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